La peste vue par Marcel Pagnol

La peste vue par Marcel Pagnol

Les pestiférés (Serge Scotto – Eric Stoffel – Samuel Wambre – Editions Grand Angle)

En 1720, à Marseille, Maître Pancrace coule des jours heureux dans un hameau situé au sommet d’une colline, avec une vue imprenable sur le Vieux-Port et sur la ville. Un vrai petit coin de paradis. La communauté que dirige cet ancien médecin de Louis XIV est particulièrement tranquille. Une centaine d’âmes y vivent en paix et en harmonie, parmi lesquels le notaire Passacaille, le drapier Combarnoux et le capitaine Marius Véran. Même si ce dernier perturbe parfois le sommeil des autres habitants avec ses ivresses nocturnes, la vie du village est on ne peut plus paisible, entre jeux de quilles et parties d’échecs à l’ombre des platanes. Hélas, une ombre vient bientôt ternir ce beau tableau. Maître Pancrace est convoqué par les échevins à Marseille pour examiner trois cadavres. Même si ses confrères sont formels pour dire qu’il ne s’agit pas de cas de peste, Pancrace refuse de tirer les mêmes conclusions. Au début, ce n’est qu’une vague inquiétude mais rapidement, les soupçons se confirment: c’est bel et bien la peste qui est de retour à Marseille! L’ambiance du hameau change alors du tout au tout. Prenant les affaires en main tel un chef de guerre, Pancrace envoie plusieurs habitants chercher des provisions dans des villages voisins, tandis que des barricades sont érigées afin de plus ne laisser sortir ni entrer personne. Quant à ceux qui auraient malgré tout été en contact avec la maladie, on les met à l’écart pendant trois jours après leur avoir fait prendre un bain d’eau vinaigrée et les avoir savonnés de haut en bas, très consciencieusement. Ces mesures seront-elles suffisantes pour sauver Maître Pancrace et ses amis? Pas sûr, car dans le même temps, la peste décime Marseille et ses habitants à un rythme effrayant…

La peste vue par Marcel Pagnol

Cela fait plusieurs années maintenant que les éditions Grand Angle publient des versions BD des livres de Marcel Pagnol, de « La gloire de mon père » à « Jean de Florette » en passant par « Topaze » ou « Le Schpountz ». « Les pestiférés » se présente comme un cas à part dans cette collection, puisqu’il s’agit d’un récit relativement méconnu de Marcel Pagnol. Il s’agit, en effet, d’une oeuvre posthume qui n’a jamais été publiée dans son intégralité et qui n’a d’ailleurs pas été achevée par l’auteur marseillais. Certes, une partie de ce récit a été publiée dans le chapitre 9 du « Temps des amours », la quatrième partie des souvenirs d’enfance de Pagnol, mais celui-ci rêvait de donner une ampleur supplémentaire à cet épisode tragique de l’histoire de Marseille. Il avait d’ailleurs en tête une autre fin pour son récit. Cette fin, il l’a racontée à son épouse et à son fils. C’est donc grâce à l’aide de Nicolas Pagnol, le petit-fils de l’auteur, que les scénaristes Serge Scotto et Eric Stoffel ont pu, pour la première fois, mettre sur papier la version complète des « Pestiférés ». La dernière partie, inédite jusqu’ici, donne au récit de Pagnol un ton beaucoup plus dramatique et plus politique. Elle lui donne aussi une fin un peu abrupte, il faut bien le reconnaître. Mais cela n’empêche pas cette adaptation BD d’être particulièrement réussie, grâce notamment aux dessins simples mais efficaces de Samuel Wambre. « Les pestiférés » apparaît comme une lecture indispensable pour tous les amateurs de Marcel Pagnol, car elle permet de retrouver les éléments qui ont fait le succès de l’auteur marseillais, tout en révélant une autre facette de son talent. D’un côté, on retrouve ainsi toute la truculence et toute l’humanité de Pagnol, qui transpire à travers chacun de ses personnages, même dans un épisode aussi noir que cette épidémie de peste. Et d’un autre côté, on découvre de manière très concrète et très vivante les ravages de la peste, faisant ainsi de ce livre un témoignage historique particulièrement intéressant. Il faudrait donc être fada pour passer à côté de cette BD.


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