Maternité et fictions : un autre regard.

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Quand on devient maman, notre perception de la lecture se trouve modifiée. On remarque davantage les personnages qui sont parents, on s’identifie plus facilement et on retrouve des expériences similaires qui nous parlent car on peut avoir vécu les mêmes ! Mais n’est-ce pas là le propre du roman de fiction, permettre à ses lecteurs de se reconnaître dans ses protagonistes ? Ce qui m’a marqué dans ces livres dont je vais parler, c’est ce regard sur la mère, nouveau, actuel, imparfaite et en proie aux doutes, mais aussi pleine de joie et d’amour.
Je vais évoquer ici deux romans que j’ai lu récemment et qui m’ont fait cet effet d’assimilation : La turbulette de Vanessa Vance et la Mère parfaite d’Aimée Molloy.

La turbulette, Vanessa Vance, Librinova, 2018.

Dès la couverture, on devine que ce roman va parler à un moment ou un autre de maternité, d’enfants et tout ce qui va avec, comme l’indispensable turbulette ou gigoteuse. Et c’est bien la cas. A travers cet objet emblématique des bébés, on découvre le portrait de plusieurs femmes, avec un rapport différent mais ancré sur la maternité. Jeunes mères, tante, grand-mère, mamans plus âgées… toutes ont un point commun : les enfants. Elles ont une relation distincte, que ce soit de l’amour, une envie d’adoption, se sentir dépassée par l’arrivée d’un petit bébé… Par ce panel de personnalité, chaque lectrice peut s’identifier, se retrouver. Il y a Tess, toute fraîche maman, débordant d’amour et débordée tout court, Kim, qui attend un enfant et qui veut le voir grandir au Vietnam, et sa tante Mai, qui se rappelle  ses souvenirs dans ce même pays avant l’exil. Victoire, jolie poupée qui confie ses bambins à une nounou, comme les nobles d’autrefois (et qui emploie Mai comme femme de chambre), Marguerite qui a élevé Sofia (la soeur de Victoire) après que leur mère Nicole soit partie la laissant aux bons soins de sa grand-mère italienne, Lucy qui ne souhaite pas de grossesse, mais veut rendre une enfant heureuse et adopte Sun et Myriam, sa mère, éternelle ado et créatrice de la fameuse turbulette.
La turbulette fait le lien entre elles, leur permet de se connecter sans même vraiment se rencontrer, quand bien même toutes finissent par avoir un contact : Marguerite se propose de garder Lila, la fille de Tess, Lucy adopte Sun dans l’orphelinat où Kim est bénévole. Toutes sont unies par cet objet, symbole de maternité et témoin d’un événement unique et majeur dans leur vie. D’ailleurs, la turbulette elle-même témoigne de son voyage, de son passage de main en main pour revenir chez Lucy, au plus près de sa créatrice Myriam. Elle devient alors la dépositaire de ce périple incroyable, de tous ces regards sur le fait d’être mère, de la relation avec les enfants et les autres.
Cette vision est fraîche, douce et actuelle : loin de la femme idéale, sans défauts, on s’attache à des personnages comme nous, avec nos joies et nos peines, nos difficultés et nos imperfections, nos qualités et nos valeurs.

La turbulette  Mon nom est Chelsea. Taille : 80 cm. Poids : 325 g. Âge : 51. Couleur : rose indien. Matière : boutis  Signe particulier : boutons en nacre en forme d’étoile, aux pourtours argentés Myriam  Le concert de chouinements qui se poursuit derrière la porte, provoque chez Myriam des sueurs froides au creux de la poitrine. Les pleurs l’ont toujours paralysée. Les larmes provoquent en elle un violent sentiment d’exaspération. Elle n’y peut rien. Dans leur couple, c’est Dennis qui s’occupe des chagrins. Tess À tout juste trois semaines, Lila est scotchée à sa mère sept jours sur sept telle une sangsue. Tout le monde lui avait rabâché que nourrir son bébé au sein c’était purement extraordinaire.  Tu parles d’une arnaque ! Marguerite — Qu’est-ce que c’est que cette petite fille qui hurle ? Alors à toi aussi on t’a donné un joli nom de fleur ? Tu sais qu’on en a de la chance toutes les deux. Tu as l’air d’avoir faim, ma pequelette. Mais tu sais on t’entend ! On sait que tu en as marre d’être coincée là ! Mais ce ne sont pas des manières de crier comme ça. Ta maman a oublié ses clefs. Et alors ? Ça arrive. Ce n’est pas la peine de la stresser encore plus, petite coquine ! Tu es une coquinette hein  ? Kim Oui. C’est décidé. Son troisième enfant naîtra au Vietnam, la terre de ses ancêtres. La boucle sera bouclée. Rayonnante, elle ferme les yeux et écoute la plus jolie musique qu’elle connaisse sur terre : le bruissement du vent dans les bambous. Lucy Ce sont les liens du ventre.  Les aura-t-elle avec Sun ? Elle, qui n’arrive pas, à garder un mec plus de six mois, saura t’elle aimer cette enfant toute sa vie ? Arrivera-t-elle à lui laisser prendre son envol ? Son besoin d’être seule plusieurs fois par jours, saura-t-elle le contrôler ? Sera-t-elle encore libre ?

Lien éditeur.

La mère parfaite, Aimée Molloy, Les escales, 2018.

Un thriller avec pour intrigue l’enlèvement d’un bébé et pour personnages principaux, de jeunes mères, voilà de quoi attirer la maman lectrice qui est en moi. Certes, le sujet n’est pas joyeux, donc je ne vais pas m’attarder sur cet aspect là du roman. Ce qui m’a le plus intéressé, ce sont les protagonistes : Francie, Scarlett, Colette et les « Mères de Mai », toutes récemment mamans. Je me suis reconnue dans ces femmes, avec les joies, leurs doutes et leurs expériences.
En effet, ce n’est pas l’image de la mère parfaite, comme le suggère le titre qui est véhiculé, mais bien des mamans normales, inquiètes, avec des bourrelets et des questions, de la fatigue et du baby blues qui traine par là. Comme pour le roman précédent, la lectrice jeune maman peut y trouver une identification à sa propre expérience et réussir à lâcher prise par la mise en distance que suggère le fictif. Elle découvre une nouvelle vie, comme ces personnages, l’allaitement, la reprise du travail, l’envie de liberté parfois… mais aussi l’amitié et l’entraide entre femmes.
Car ces mamans font partie d’un groupe qui se retrouve et échange autour des bébés et de leurs problèmes plusieurs fois par semaine : les Mères de Mai. Comme pour nous, dans les groupes solidaires de jeunes mamans sur Facebook, où l’on peut partager conseils et expériences. Et ça fait du bien ! Mais, si ce genre de réunion a des bénéfices, elle peut aussi entraîner des doutes : « mon enfant est-il normal au vue des conseils et des généralités divulguées ? », « Fais-je bien tout comme il faut… ». Les protagonistes sont en proie à ces questionnements existentiels et cela les rend très réalistes et proches de la jeune mère lectrice qui lit ce roman.

– Je te l’ai dit. Je m’y prends différemment cette fois. Fini la mère parfaite. 

Lien éditeur.

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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois