Tadzio Koelb : Made In Trenton

Tadzio Koelb Tadzio Koelb, est un auteur, journaliste et traducteur américain né en 1971 à Washington. Ses articles sont publiés par The New York Times et The Times Literary Supplement, entre autres prestigieux journaux. Il a vécu avec sa femme, spécialiste de santé publique, en Belgique, en France, en Espagne, en Angleterre, au Rwanda, à Madagascar, en Tunisie et en Ouzbékistan. Consultant en communication freelance depuis 2010, il enseigne l'écriture à la School of Arts and Sciences de l’Université Rutgers depuis 2011 et vit à Brooklyn. Made in Trenton est son premier roman (2018).

Trenton, ville ouvrière du New Jersey, en 1946. Abe Kunstler bosse dans une aciérie. Petit, maigrichon, doté d’une voix aigue, il a fait la guerre en Europe, en revenant blessé, « J’ai été mutilé pendant la guerre » aime-t-il à répéter, sans qu’on sache très bien qu’elle est son infirmité, si ce n’est qu’il a le torse bandé en permanence. Tout comme ses collègues d’usine, il boit sec et danse avec les filles dans les bars mais il a néanmoins un comportement moins vulgaire qu’eux. Abe Kunstler pourrait être un homme comme les autres, « A working class heros » dirait John Lennon, s’il ne cachait un terrible secret…

Impossible pour moi de vous parler correctement de ce roman pour de multiples raisons. Tout d’abord parce que je ne peux évoquer le « secret » d’Abe Kunstler, ce serait vous gâcher la claque quand vous le lirez, sachez néanmoins que l’écrivain ne le livre pas en fin d’ouvrage comme dans un simple polar/thriller mais après cinquante pages seulement, c’est vous dire s’il croit en la puissance de son récit pour lâcher cette carte maîtresse quasiment d’emblée. Secundo, complexe de résumer ce livre car, n’hésitons pas à le dire, nous avons là un bouquin s’adressant à des lecteurs exigeants : un style d’écriture très particulier nécessitant une attention soutenue et permanente pour suivre l’histoire et comprendre l’intention de l’écrivain. D’ailleurs ai-je bien compris son propos ?

Le bouquin est en deux parties. La première court de 1946 à 1952, Abe Kunstler va se mettre en ménage avec « la fille Inez », une entraineuse connue dans un bar et par la suite ils auront un fils, Art. Là encore, dans des conditions extravagantes que je ne peux dévoiler. La seconde partie du livre se déroule en 1971, Abe est devenu alcoolique, a été amputé de plusieurs doigts à une main, sa femme fait vivre la famille sur sa paie tandis que le fils tente d’échapper à la guerre du Vietnam. La solitude intérieure d’Abe est à son comble. Le roman s’achève sur un quiproquo, le fils en conflit avec son père, menace de révéler à sa mère son secret adultère, il l’a vu avec une autre femme, tandis que le père croit qu’il va divulguer son « vrai » secret, bien plus dramatique encore, d’où un angoissant suspense final.

D’après moi, le thème du livre tourne autour du fait d’être un homme : qu’est-ce qu’être un homme quand même la guerre ne résout pas ce problème (« - Ils n’arrêtent pas de dire que l’armée et la guerre, ça fait de vous un homme, mais à aucun moment je n’ai été un homme là-bas, si par homme on veut dire humain. ») Abe Kunstler, persuadé de n’avoir pas été un homme digne de ce nom, tentera jusqu’à son ultime souffle de transmettre cet état, à son fils. Ces quelques réflexions ne prenant leur véritable poids – par un paradoxe extravagant - que lorsqu’on connait le fameux secret…   

Oui c’est un très bon roman, mais il est complexe à lire donc réservé à un public expérimenté et qui saura – de plus - ne pas s’attacher à la crédibilité des faits.


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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois