Si Marvel Comics relance la licence Conan à grande pompe, Dynamite Entertainment emboîte le pas avec Red Sonja ramenant le personnage à ses origines. Mark Russell et Mirko Colak sont en charge de cette nouvelle série qui s'avère très prometteuse.

Pour celles et ceux qui ne connaissent pas le personnage, Red Sonja n'est pas une création de Ron E. Howard même si elle trouve ses racines dans l'univers de Conan. Le personnage a été créé pour les besoins du comicbook en pleine libération sexuelle et émancipation de la femme. Elle était un symbole féministe avant que le patriarcat décide de se réapproprier ce mouvement afin d'objectiver les personnages de fiction en les rendant hyper-sexualisées afin de faire fantasmer les lecteurs. Pourtant, elle est encore considérée par certains comme une femme forte parce qu'elle sait manier le glaive mais, ne nous voilons pas la face, si Red Sonja fait fureur dans les commissions demandées aux dessinateur c'est pour sa tenue sexy plus que pour sa bad-asserie.

Le fait est que Red Sonja avait besoin d'être réappropriée par les lectrices afin qu'elle ne soit plus perçue comme un objet sexuelle mais comme un personnage féminin fort en qui elles peuvent se reconnaître. Je vois les mecs au fond râler : ce n'est pas incompatible avec une femme à la plastique parfaite qui vous fera fantasmer. Par contre, comme le prouve les couvertures de cette nouvelle série sur lesquelles Red Sonja porte son fameux bikini en côte de maille, le personnage ne se sent plus obligé de prendre des poses érotiques pour manier le glaive. Et c'est en ça qu'on définit un bon personnage féminin : un personnage qu'on aime pour ce qu'il est et pas pour l'effet hormonal qu'il produit.

Depuis quelques années, à grand coup de communication, Dynamite Entertainment avait annoncé des changements de tenue et de direction de la série, notamment en demandant à Gail Simone d'écrire le titre. Même si je ne doute aucunement de la qualité des histoires racontées depuis ce changement, il ne reste que Red Sonja était dénaturée puisqu'elle était sortie de son contexte en vivant ses aventures dans un monde moderne. Et c'est fort dommage ! Après tout celles et ceux qui veulent lire du Red Sonja veulent une histoire de dark fantasy. D'autant plus que les titres du genre se font rares.

Je ne sais pas à quel point le retour de Conan à la Maison des Idées a influencé ce retour aux sources de Red Sonja, mais il est certain que le titre de Jason Aaron et Mahmud Asrar remet en avant le genre sous les protecteurs. Mais, personnellement, ce n'est pas ça qui m'a poussé à lire Red Sonja mais son scénariste, Mark Russell, qui est peut-être bien l'un des auteurs les plus marquants de ces dernières années.

Voir ce qu'il a fait avec les Pierre à Feu et Alcibiade est fascinant. Ce sont des titres intelligents qui arrivent à être politiques avec une critique forte de notre société moderne tout en proposant des intrigues intéressantes. Peut-on attendre la même chose avec Red Sonja ? J'espère bien ! Dans les faits, ce premier épisode est plutôt concentré sur le contexte avec une narration maîtrisée et rythme soutenu. Il y a des choix narratifs intéressants qui permettent à l'auteur de travailler son personnage mais aussi les conditions politiques de l'époque.

Pour ce retour aux racines du personnage, Russell l'emmène sur sa terre natale où elle est étrangement la bienvenue mais c'est parce qu'on lui impose presque de se mêler à une lutte politique. Moi qui connait assez mal le personnage, j'ai été pris par l'histoire me semblant très accessible. Et puis, Red Sonja est écrite et dessinée avec intelligence : elle est brutale, violente, ne garde pas sa langue dans sa poche. Elle a une attitude et une personnalité qui lui donnent de l'importance.

Les dessins du dessinateur serbe sont aussi un très bon argument pour continuer de lire la série. Il a un très propre et européen collant parfaitement avec l'intention de revenir aux racines heroic-fantasy de l'héroïne. Je trouve seulement que la colorisation de Dearbhla Kelly est trop digitale. Les textures qui donnent la touche "fantasy" sont trop en retraits, du coup cela donne un aspect entre deux pas forcément bienvenu.