Just A Pilgrim

Ce mois-ci, nous vous proposons deux chroniques qui déterrent les comics du passé. En effet, cet article sur la première mini-série Just A Pilgrim est malheureusement exceptionnelle. Il s'agit de notre hommage au dessinateur du titre, Carlos Ezquerra, qui nous a quitté le 1er octobre dernier.

Just A Pilgrim est une mini-série en 5 parties publiée en 2001 chez Black Bull Entertainement. Il s'agit de la création de Garth Ennis, scénariste très en vogue à cette époque grâce au succès de la série Preacher.

La mini-série est l'un des titres fer de lance d'un jeune éditeur lancé par le directeur du magazine Wizard, Gareb S. Shamus. À cette occasion, ce dernier a invité pas mal d'auteurs prestigieux notamment Jimmy Palmiotti, récemment débarqué de Marvel Comics après avoir lancé le label Marvel Knights, qui devient éditeur. En remettant dans le contexte de l'époque, avoir un auteur comme Garth Ennis était un tour de force. Mais lui proposer de lancer une création originale avec comme dessinateur une légende vivante comme Carlos Ezquerra, c'était s'assurer une visibilité.

Bon, en même temps, en tant que lecteur de Wizard, je n'ai pas pu passer à côté de ce titre puisque Shamus n'hésitait pas à utiliser son magazine pour faire la promotion du label - qui faisait donc partie du même groupe. Très clairement, Wizard Entertainment avait franchi une ligne à ne pas dépasser. Mais, cela ne remet pas en cause ni celles et ceux qui y travaillaient ni la qualité des séries à proprement parlé.

Just A Pilgrim

Ce n'est pas la première collaboration entre Ennis et Ezquerra, les deux avaient collaboré une première fois sur deux mini-séries pour le label Helix de DC Comics nommées Bloody Mary, parlant de fanatisme religieux. Ils ont ensuite travaillé sur 2 mini-séries Adventures in the Rifle Brigade, une histoire de guerre. Puis se sont enchaînées d'autres courtes collaborations, notamment pour des numéros spéciaux de la série culte du scénariste, Preacher.

Avec ce titre pour Black Bull Entertainment, les auteurs vont se retrouver à nouveau afin de créer quelque chose ensemble. Forcément, les thèmes qui les avaient réuni précédemment seront au cœur de ce nouveau projet. Seulement, Ennis qui arrive à terme de son projet le plus ambitieux - à savoir Preacher - a envie de ne pas se répéter.

Avec Just A Pilgrim, le scénariste voulait donc explorer de nouvelles choses notamment en travaillant autour d'un concept du western classique avec une figure anti-héroïque. Très rapidement, cette idée a mûri devenant une histoire autour du fanatisme religieux et du cannibalisme.

Dans un futur apocalyptique, des réfugiés se font attaquer par des brigands. C'est alors que sort de nul part un homme avec un grand chapeau, un trench-coat et une cicatrice en forme de croix sur l'œil gauche. Il sauve d'abord l'enfant du groupe puis massacre les agresseur en utilisant son fusil. Lorsque les réfugiés lui demandent son nom, il répond par "Je suis un pèlerin, un simple pèlerin", à savoir "I'm a pilgrim, just a pilgrim" dans la langue de Shakespeare.

Just A Pilgrim

Malgré ce clin d'oeil à Doctor Who, la série de Garth Ennis et Carlos Ezquerra est loin d'être gentille : l'univers est sale, c'est violent et sans concession, quant à l'humour il est bien noir.

Garth Ennis renoue avec un genre qu'il n'a pas approché depuis des années : le post-apocalyptique. Il le connaît très bien puisque le scénariste a fait ses armes sur Judge Dredd et le magazine anthologique . Dans le même ordre d'idées, les thèmes abordés dans ce livre sont ses poncifs. En effet, il aborde autant l'extrémisme religieux que les répercussions psychologiques de la guerre (et de l'armée en général) sur les soldats. On ne peut donc pas parler de prise de risque, mais l'exécution et le rythme compensent largement ce défaut.

Ainsi, les fans de Ennis ne seront pas étonnés de lire ce récit, on y trouve donc toutes les habitudes du scénariste. Mais, il semble qu'il a une autre ambition : écrire une histoire taillée pour la légende qui l'accompagne aux dessins.

Just A Pilgrim

Ezquerra est un dessinateur qui maîtrise le post-apocalyptique, il a créé l'un des personnages les plus emblématiques de ce genre. Il en connait donc les codes et, dans Just A Pilgrim, il les respecte à la lettre. Le désert et les décors dévastés sont omniprésents, prenant autant d'importance que les personnages. Il dessine des monstres et des créatures étranges et difformes, il donne vie à la désolation, à l'horreur.

Il sait aussi maîtriser sa mise en page. Il s'amuse avec les perspectives et les points de vue pour créer des compositions de pages exquises. Il sait aussi optimiser l'espace pour faire vivre les décors mais aussi faire en sorte que l'action reste lisible sur les pages dénuées de cases.

Just A Pilgrim

Ce que je trouve fascinant c'est qu'en utilisant les plans des décors décrits par Ennis, Ezquerra arrive à raconter une histoire dans l'histoire sans jamais la piétiner mais donnant envie d'explorer d'avantage cet univers.

C'est ce qui arrivera avec une seconde mini-série en 4 parties, Just a Pilgrim: Garden of Eden, sortie l'année d'après.

Ces deux séries limitées ont été publiées à l'époque chez Semic mais n'a jamais été rééditée en France depuis. Aux Etats-Unis, Dynamite Entertainment a édité en 2009 un album comprenant les deux histoires.


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