Une longue impatience de Gaëlle Josse

Je m'y étais engagée, je l'ai fait, j'ai dévoré ce roman en une soirée. Il faut dire que ce n'était vraiment pas une corvée. Maintenant, comment vous en parler de façon juste ?Une longue impatience de Gaëlle Josse

Nous savons tous, ou du moins nous en avons tous entendu parler, donner la vie est une expérience extraordinaire. Nos enfants deviennent Tout, c'est plus fort que nous, plus fort que le monde entier, même aux âges où ils sont les plus difficiles, ils sont notre énergie vitale, le mot Amour prend une autre dimension dans leurs yeux. Ce roman ne raconte pas cela, il le montre, de la manière la plus violente qui soit : en effet, on donne la vie à nos enfants, mais ils peuvent nous la reprendre, en une fraction de seconde, un geste impétueux, un départ...

C'est ce qui arrive à cette Maman qui attend son fils, sans savoir où il est. Ce fils qu'elle a fait grandir en le gardant tout près d'elle, après la mort de son père, ce fils qui n'a jamais trouvé sa place dans leur famille recomposée, qui entre progressivement en conflit avec son beau-père et qui craque, subitement, sans rien dire, sans rassurer... A ce moment-là, la maman devient une espèce de Pénélope qui tisse tous les jours en attendant le retour de son Louis. Pour elle, nul besoin de défaire son ouvrage pour calmer la pression subie par les prétendants. Pour elle, la Vie ne tente pas de reprendre ses droits, il n'y a que le vide, ou presque...

Parce que justement, cette femme forte ne peut se laisser aller au désespoir, ne peut se laisser mourir. Elle a deux autres enfants, qu'elle aime tout autant. En elle, se crée alors une scission, elle est la mère silencieuse mais aimante et caressante ou la mère qui attend. Car l'espoir, ici, n'est pas salvateur, c'est un poison qui se distille dans les veines, qui prend son temps et qui happe la vie entière.

Ce roman est d'une sensibilité remarquable, d'une grande poésie. Les images maritimes viennent rythmer une litanie sans fin, qui ressemble aux battements du cœur d'une maman qui aime plus que tout, qui ne vit plus, si ce n'est au-dessus d'un grand vide. De nombreuses phrases m'ont marquée par leur beauté, par leur vérité.

Ce n'est évidemment pas une lecture qui met en joie, mais c'est beau...tellement beau ! Et c'est ça, surtout, la littérature...un art, l'art de pouvoir mettre en mots ce qu'on croit être de l'ordre de l'indicible.

Merci à Marie Foache des éditions J'ai lu pour cette magnifique découverte !

Priscilla (@Priss0904, @litterapriscilla)

Quelques citations, pour la beauté des mots :

" Je plonge le visage dans la tiédeur des cous, des oreilles, des bras qui veulent me retenir, des doigts légers, un peu collants, qui caressent mes joues, je sombre dans la douceur des cheveux lavés, du linge frais. Chut maintenant. Il faut dormir. Une fois franchie leur porte, j'entre dans ma nuit, à la rencontre de la part de ma vie qui vient de brûler. "

" Je le cherche, comme n'importe quelle mère cherche son enfant et ne cessera d'errer, de renifler toutes les traces possibles, comme un animal, avant de connaître la vérité. J'ignorais abriter en mo, au creux de mon corps de mère, autant de place, autant de replis, d'interstices que la douleur pouvait atteindre et irriguer d'un flux sans fin "

" Ma maison à moi, c'est l'attente. C'est l'océan et le bateau de Louis. Quelque part sur une mer du monde. L'incertitude comme seul point fixe. Sous mes gestes de chaque jour, il n'y a que du vide. De la place pour les songes apportés par le vent, pour les mots racontés par les flots. "


wallpaper-1019588
Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois