Shipwreck

Snorgleux Comics publie ce mois-ci Shipwreck, un récit complet issu du catalogue de l'éditeur américain AfterShock Comics et pas l'un des moindres puisqu'il s'agit de la collaboration entre deux artistes de génie, Warren Ellis et Phil Hester.

Le Dr Jonathan Charpentier est le seul rescapé d'un naufrage d'une vaisseau secret envoyé par le projet qui l'est tout autant. Il est seul dans un monde qu'il ne connait pas mais toutes celles et ceux qu'il croise savent qui il est. Mais, il préfère tracer sa route à la quête du responsable de ce naufrage même si cela peut le mener à sa perte.

Shipwreck

Shipwreck commence de manière étrange, un paysage désolé, une longue route abandonnée, des oiseaux qui montrent le chemin, Jonathan se lève et commence à marcher dans la direction indiquée jusqu'à trouver un Dinner où il est accueilli par "les autorités" qui nous exposent qui est Jonathan et ce qui semble l'avoir mené jusqu'ici.

Les mots employés sont jolis - et cela sera une constante tout le long du récit - mais, tout est nébuleux. Nous sommes comme Jonathan perdu·e·s dans un monde qui ressemble au nôtre mais s'avéra très différent.

Shipwreck

Le but de l'histoire de Warren Ellis n'est pas d'exploré ce monde mais seulement une route qui mènera Jonathan vers la vérité tout en nous retraçant via de courts et épisodiques flashbacks ce qui s'est passé dans son monde avant le naufrage. Cette route est donc une allégorie qui mènera le lecteur ou la lectrice vers la vérité mais qui plongera Jonathan dans une dure réalité des choses.

Et c'est là que c'est le travail de Ellis fascine ! Le scénariste évite d'abord les facilités - même si son personnage l'évoque - nous conduisant dans une histoire qui nous montre des situations classiques de science-fiction mais perçues sous un tout autre angle nous faisant percevoir un court instant des centaines de film d'une toute autre manière.

Shipwreck

L'écriture fascine tout le long par sa finesse et sa qualité. D'ailleurs, la traduction de Cédric Calas rendent vraiment hommage aux textes originaux, c'est rudement appréciable. La construction de l'histoire est réussie puisque les questions qu'on se pose en début de récit trouvent une réponse d'une manière ou d'une autre. Et puis, il y a des scènes folles, des lieux improbables, des situations captivantes... Shipwreck a plein de qualité indéniables.

L'une d'entre elles - et c'est certainement avec l'écriture des dialogues l'autre grande force de cette BD - est le travail de Phil Hester qui propose un travail incroyable. Les décors sont souvent épurés par volonté du dessinateur, lorsqu'il les dessine ou leur donne de l'importance, c'est pour faire découvrir au lectorat quelque chose d'incroyable, de fantastique ou de grandiose. Il fait tout pour marquer les esprits et, il y parvient. Ses contours très angulaires semblent cisailler l'espace négatif, son trait joue aussi avec les ombres créant des contrastes imposants marquant encore plus les émotions des personnages.

Shipwreck

Le travail de Hester est fascinant et Ellis le met en valeur en lui laissant ouvrir chacun des cinq premiers chapitres sur les 6 avec une succession de case sans son, ni bruit. Hester nous montre alors la découverte de ce monde par les yeux de Jonathan qui apprennent à reconnaître les codes de ce monde nouveau. Il y met de sa personne puisque le dessinateur a été touché pendant l'élaboration de Shipwreck par une maladie cardiaque qui a abîmé sa cornée ; il était devenu hypersensible à la lumière. La réalisation des premiers chapitres de ce livre a été faite avant l'opération qui lui a permis d'aller mieux.

Il y a de ce vécu dans l'histoire de Warren Ellis qui arrive à raconter son histoire mais, aussi, à faire partager le vécu de son partenaire. Même si ces coulisses de la réalisation du livre ne sont pas essentielles à sa compréhension.

En tout cas, la scène d'introduction reflète ce que Hester a vécu à cause de sa maladie et le choix des couleurs de Mark Englert retranscrit cela sans problème. D'ailleurs, le coloriste fait un travail remarquable, il apporte de la texture mais tout en arrivant à converser la sensation de vide et de désert qu'impose le contexte.

Shipwreck