La guérilla des animaux, Camille Brunel

Par Sara
La rentrée des 68 premières fois débute pour moi avec un premier roman au titre surprenant : La guérilla des animaux. L'auteur, Camille Brunel, est diplômé en Lettres et a déjà publié un essai sur Lautréamont. 

Libres pensées...
Isaac Obermann est un fervent défenseur de la cause animale. Entrevoyant la fin du règne de l'homme et l'affrontement entre ceux qui poursuivent sa course effrénée pour la croissance et la destruction aveugle et ceux qui prennent conscience des conséquences insoutenables de la toute-puissance humaine, Isaac se range du côté des militants les plus engagés en faveur de la préservation des animaux, n'hésite pas à rejoindre les activistes de Sea Shepherd, ou encore à exposer ses arguments devant un amphithéâtre d'étudiants de la Sorbonne qui le considèrent comme un extrémiste. Sur son chemin, il rencontre des braconniers qu'il tue sans état d'âme, des soutiens et des alliés, des détracteurs, et quelques-uns des derniers représentants des espèces en voie de disparition qu'il entend sauver.
Depuis quelques années, les romans proposant de réfléchir aux relations entre les hommes et les animaux - ou plutôt à la domination humaine sans concession sur le monde - acquièrent une certaine visibilité.
Parmi ceux que j'ai eu l'occasion de lire, il y a eu, bien sûr, Faut-il manger les animaux, Défaite des maîtres et possesseurs ou encore Règne animal.
Pour autant, La guérilla des animaux m'a donné le sentiment de ne pas être "un roman de plus". Il va plus loin, ou alors il va ailleurs, aborde les choses sous un angle plus militant, plus cru, nous forçant à la confrontation.
De cette lecture, ressort une impression d'urgence, et certains lecteurs seront sans doute bousculés par certaines scènes poussant à l'extrême l'idée selon laquelle nous avons tous intériorisé une hiérarchie naturelle évidente : la vie animale ne vaut pas la vie humaine, les animaux constituent des espèces inférieures aux hommes, à leur disposition pour leur amusement comme pour leur alimentation.
Ainsi, la scène dans laquelle une militante sacrifie sa propre vie pour nourrir une ourse et ses petits, derniers représentants de leur espèce, et sur le point de mourir de faim.
Si l'on se réfère à la hiérarchie ci-dessus qui nous a été inculquée, il est difficile de ne pas considérer que cette scène est grotesque, stupide. Mais si l'on s'interroge sur le bien fondé de cette hiérarchie, alors elle ne l'est plus vraiment, et les comportements humains qui sont à nos yeux "normaux" et "habituels" aujourd'hui, apparaissent sous un nouvel angle eux aussi : ils reflètent une violence inouïe, une inhumanité insondable.
La guérilla des animaux dérange, provoque, et invite à renverser le rapport de force, à penser une coexistence digne, à la hauteur des grandes idées que l'homme se fait à son propre sujet. L'expérience est intéressante, et ne devrait pas s'arrêter là. Car nous avons tous une responsabilité dans le tableau dépeint par Camille Brunel.
Pour vous si...
  • Vous êtes prêt à déconstruire les lieux communs

Morceaux choisis
"Nous ne nous mettrons à défendre les animaux qu'après avoir compris qu'il ne nous reste aucune chance. Tant que nous nous soucierons de la faim et de la pauvreté dans le monde, nous ne nous soucierons jamais autant qu'il le faudrait de ce qui n'est pas nous. Tu sais comme on est heureux lorsqu'au plus profond du malheur, on a l'occasion de passer quelques heures avec un enfant ? Et comme l'enfance intéresse peu les adultes carriéristes ? L'écologie est un souci puéril, elle cherche à défendre l'enfance de la Terre, sa virginité, sa peau douce, son regard pur comme l'air des Pôles. Il faut plonger l'humanité au plus profond du malheur. Lui faire perdre la foi en sa puissance positive. Car je ne la crois capable que de détruire, même quand elle croit faire le bien."
"But they're not human !, s'exclama-t-elle.
_Cela fait bien longtemps que ce n'est plus un gage de qualité. C'est même plutôt le contraire."
"Je pense vraiment que l'humanité entière a un peu honte, que je ne fais pas que plaquer la mienne sur elle. La banalité du Mal n'existe peut-être pas tant que ça : les enfants et les chiens comprennent très vite quand ils ont fait quelque chose de mal, ils n'ont pas besoin de rationnaliser beaucoup leur situation. Alors les adultes humains... Ceux-là dépriment et meurent - intérieurement - de plus en plus jeunes, à peine ravivés par la procréation, qui ne semble plus exciter grand monde. C'est le problème de la duplication : une fois qu'une espèce a assuré sa survie, il ne lui reste plus qu'à rechercher le bonheur et, évidemment, elle ne le trouve pas. Les animaux souffrent, se blessent, se heurtent à d'agaçantes énigmes : ils n'excèdent pas les limites de leur physionomie mais n'en conçoivent aucun regret, aucune colère, aucune rancune contre un Créateur qui les aurait spoliés."
Note finale3/5(cool)