Alma (Cizia Zykë)

Par Gabrielleviszs @ShadowOfAngels

Disponible sur Amazon

Auteur : Cizia Zykë

Edition : Taurnada

Paru le : 06 Septembre 2018

214 pages papier

Thème : Conte dramatique

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 Résumé :

« Une petite fille aux étranges pouvoirs vient au monde. Autour d'elle, c'est l'Espagne du Moyen Âge, barbare autant que raffinée, à la fois religieuse et brutale, où la reine Isabelle la Catholique s'apprête à chasser tous les Juifs du royaume.
La petite Alma, celle qui parle avec Dieu, deviendra-t-elle le guide dont son peuple a besoin, ou bien sera-t-elle comme tant d'autres balayée par le vent mauvais de l'Histoire ?
L'épouvante se mêle au comique, les destins s'enchevêtrent, aussi grandioses que pitoyables, dans un récit haletant, à la force d'une légende.
»

Je remercie Joël ainsi que la maison d'édition Taurnada pour ce nouvel envoi. Je ne sais pas résister à l'un de leurs livres et même si pour le moment, j'ai beaucoup apprécié les précédents, celui-ci a été un véritable coup de cœur. La préface de Thierry Poncet est toujours un régal, tout autant que la lecture d'un de ces petits livres qui semblent ne pas payer de mine et qui pourtant nous en apprennent plus sur la nature humaine qu'un autre, et accessoirement sur Zykë.

1480, la naissance d'un ange dénommé Alma, au cœur de l'Espagne médiévale, dans la ville-dont-on-ignore-le-nom. Un an plus tard, sa famille juive, le peuple juif est exterminée de cette ville. Seule rescapée, elle est amenée à Séville chez une de ses tantes. La vie aurait pu y être paisible, si elle n'était pas juive dans un monde de chrétien qui se croit tout permis et si elle n'avait pas une ligne directe avec Dieu tout puissant. 1492, l'année où la traque est de nouveau en lice. L'année où il faut absolument bannir cette religion, tuer, violer, voler, piller ces gens qui ont une pensée différente. Les obliger à fuir. Mais Alma, elle, reste. Douze ans, c'est si jeune et pourtant sa tête est bien remplie, surtout d'une grande sagesse.

« Mais allons, du courage !

Vous le savez bien, vous qui tenez cet ouvrage : l'épaisseur des pages s'est amoindrie à votre dextre. Les lecteurs avisés que vous êtes savent à ce signe que nous voilà en lice pour la dernière cavalcade.

Et je vous rappelle : la dernière des dernières, en ce qui me concerne, cette garce à la faux qui me guette, se livrant sur son laid visage osseux, à de plus en plus de grimaces impatientes.

Cavalcadons donc, les amis. Cheminons d'un pas vif vers cette fin qui nous attend. »

Pour ceux et celles qui ne connaissent pas la plume de l'auteur il peut y avoir un choc. Car il s'adresse à nous, petits lecteurs, pas comme on peut le lire dans d'autres livres, mais comme s'il nous parlais de vive voix. Zykë c'est un phénomène, dans le bon sens du terme. Il ne s'étale pas sur des détails insignifiants, même si par moment il nous entraîne dans des détails pour nous expliquer comment Alma a bien pu parvenir dans les bras de sa tante. C'est un conteur, il sait attirer/tirer l'oreille en un simple coup de crayon. Pouvoir nous embarquer dans une histoire dramatique sans pour autant plomber l'ambiance, enfin si un peu par moment, autrement on serait dans un humoristique. Bref, tout cela pour dire qu'il a le don inné ? de nous entraîner dans les profondeurs d'une Espagne où l'inquisition y fait loi.

Ah, l'inquisition ! Je ne sais pas si vous vous rappelez (non je n'y étais pas, quoique...) Ce magnifique moment où la religion s'amusait à démembrer des gens, ou les découpait, tortures et compagnie au programme pour tous ceux qui étaient différents : religion différente, sorcellerie (parce que c'est bien connue les sorciers et sorcières sont tous morts à cette époque), amour interdit (entre hommes, entre femmes), ou tout simplement parce que la tête ne revient pas à l'Inquisiteur suprême ! Bref, le contexte est posé, sans oublier que les juifs ont eu leur lot de malheur du début... jusqu'à la fin !

Comment un homme, un baroudeur, un aventurier si peu regardant des lois, s'amuse à écrire Alma ? C'est son dernier livre avant qu'il ne casse sa pipe. Un dernier hommage à ce qu'il est, était, un conteur né. Alma est une petite fille qui vit avec le sourire. Elle parle à Dieu, grand bien lui fasse, c'est son jardin secret, son moment à elle. Cela l'apaise, la rend plus belle. Et lorsque nous traversons les murs aux côtés de l'auteur, l'aura qui se dégage de sa petite personne est envoutante, à moins que ce ne soit juste la lumière de la lune qui l'encadre ? En plus d'être blonde aux yeux bleu, elle est gentille (OK, je l'ai déjà dis) et son sourire est emprunt de bonté. Son histoire n'a rien de simple dans un monde de brutalité elle est ce chocolat qui apporte la douceur.

« Dans l'hypothèse où, sortant de notre rôle de silencieux spectateurs, nous lui en parlions, elle nous répondrait sans hésiter : 

« Comment ne pas adorer cette enfant de Dieu m'a confiée ? Elle est si vive, si gaie, si drôle quand elle le veut ! Et si paisible d'âme, aussi sage, aussi réfléchie qu'une adulte quand elle le décide ! ...» Zéeva tendrait sa main, cette même main qui, un moment plus tôt, pétrissait les trésors de chair de son Carlos, et en caressait le front d'Alma en ajoutant : Elle me rappelle ma sœur bien-aimée, ...»

La fin n'est pas une surprise, car avec l'auteur on était déjà au courant de ce qui lui arriverait, à elle et son peuple, par contre on espère que la fin ne sera pas celle que l'on imagine. Elle est bien pire que tout. C'est une fin de conte, celle de M'sieur Zykë. Pas besoin de faire de grands discours, il met juste assez pour nous faire pleurer dans les chaumières et laisser la honte faire son bonhomme de chemin dans les esprits les plus obtus. Alors 1492, promis nous ne parlons pas de la découverte de l'Amérique, ni même de Christophe Colomb. Celui-là, il n'était pas en Espagne, donc pas besoin de lui montrer plus d'ampleur qu'il n'a déjà eu. Par contre, l'Inquisiteur suprême (oui, je l'ai baptisé ainsi, tant pis pour lui) est important. C'est lui qui décide de tellement de choses qu'on se demande où sont les ficelles qu'il tient entre ses mains pour guider la royauté, le clergé et compagnie.

Il y a ces pointes de piques, ces moments où l'auteur s'adresse à nous avec un naturel déconcertant, sortant des vérités qui ne sont pas celles que nous pouvons croire. Penser que l'histoire ne répète pas les mêmes erreurs ? Cela serait idéal et dans un monde rempli d'idéaux il y aurait des licornes à chaque coin de rue. Sauf que ce n'est pas le cas. Les idéaux ne sont que des miettes perdues au fin fond de la pampa. Les erreurs se répètent sans cesse, c'est un cycle sans fin.

Bien entendu il y a bon nombre de personnages, mais à quoi bon s'y attarder, vu qu'entre les bons qui disparaissent du pays, ou disparaissent tout court et les méchants qui ne font que le mal (logique, hein !) En fait, ce n'est pas vrai, on s'attache forcément à certains d'entre eux. Le hic, c'est qu'une fois au cœur de l'histoire on risque de souffrir, pour les raisons nommées au-dessus.

« Cela vous paraît incroyable, à vous qui vivez en un temps où chacun respecte et apprécie son prochain. Vous-même, je le sais, vous aimez tout le monde... Quand par aventure vous vous querellez, c'est à cause d'une différence de point de vue sur les limites de votre jardin, des dommages causés à votre véhicule, ou bien quelque indélicatesse constatée dans une file d'attente chez un commerçant. Jamais il ne vous viendrait à l'esprit de vous disputer à propos de prétendues différences entre églises, synagogues, mosquées et autres temples. »

Vous l'aurez compris, Zykë n'est pas un écrivain conventionnel et qu'est-ce que cela fait du bien de sortir des sentiers battus. Il a son style, son j'men-foutisme, sa manière de montrer que ce qu'il dit c'est vrai, le reste n'est que fioritures ! Un grand merci à Joël pour sa confiance renouvelée.