Chronique « TAMBA – L’ENFANT SOLDAT »
Scénario de MARION ACHARD
Dessin et couleurs de YANN DÉGRUEL,
Public conseillé : Adultes / Ado
Style : Roman graphique
Paru le 22 aout 2018 aux éditions « Delcourt », « Hors collection ».
112 pages couleurs, 18,95 euros,
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Ca commence comme ça…
Dans un village d’Afrique, les villageois sont regroupés autour de la commission de vérité et réconciliation, afin d’entendre le jeune Tamba. Âgé d’à peine seize ans, cet adolescent a déjà connu l’horreur d’une guerre dans laquelle il a été enrôlé de force. À la fois bourreau et victime, il va se raconter devant un jury qui semble l’avoir déjà condamné…
Ce que j’en pense
Longtemps oublié par le monde de la bande dessinée, le sujet des enfants soldats paraît depuis peu inspirer les scénaristes. En effet, récemment la série “Doggybags” dans sa collection “One shot” proposait déjà une histoire traitant de ce douloureux sujet. Pourtant, si sur le fond les deux albums se rejoignent, sur la forme ils sont à mille lieues l’un de l’autre. Le premier (série oblige) nous proposait une histoire aux images “trash” empreinte d’horreur, alors qu’ici nous avons affaire à quelque chose de beaucoup plus réaliste.
Marion Achard développe son scénario avec une certaine retenue, pour ne pas dire pudeur même. Certes, “Tamba – l’enfant soldat” nous parle de crimes contre l’humanité et autres atrocités commises au nom d’un prétendu renversement de pouvoir (Tamba va découvrir en fin d’album les réelles raisons qui motivent les rebelles). Cet album dénonce les monstres capables de transformer d’innocents enfants en machine à tuer et cela à grand renfort de drogues et de menaces. Un sort presque enviable par rapport à celui des jeunes filles, souvent mineures, qui sont traitées comme de vulgaires jouets sexuels.
Pourtant, l’auteure évite de se pencher trop longtemps sur ces sujets et préfère nous décrire longuement la reconstruction du jeune Tamba après qu’il se soit échappé du camp où il était retenu captif. En ressort donc une œuvre pleine d’espoir en l’avenir même si Marion Achard n’oublie pas au passage, au travers du jeune Aceyta, le destin d’enfant pour qui la violence et la drogue sont devenues indispensables.
Pour appuyer ses propos, la scénariste utilise ici une double narration, à la première personne lorsque Tamba se raconte devant la commission et la troisième personne lorsqu’un narrateur nous raconte sa vie dans le camp de réfugiés. Cela donne une impression très cinématographique et surtout apporte un dynamisme surprenant au scénario. Un procédé assez habile qui nous détourne d’une trame qui pourrait paraître trop scolaire. De plus, si ses personnages sont fictifs et que le lieu exact dans lequel se déroule l’action est laissé volontairement flou, la scénariste parvient à nous livrer un récit crédible. Pour cela elle joue avec nos émotions sans toutefois exagérer dans le but de nous arracher des larmes. Cependant, je dois bien avouer que le sort de la pauvre Awa, enceinte suite aux multiples viols qu’elle a subis, et la scène où Tamba se trouve face au père de son ami Aceyta m’ont vraiment ému.
Pour finir, Yann Dégruel apporte un vrai plus à l’album par des dessins et une colorisation en totale cohérence avec l’Afrique. L’illustrateur utilise en effet une palette de couleurs très chaudes permettant de nous immerger totalement dans le pays. Mais ce n’est pas tout, la morphologie des personnages est elle aussi très proche des représentations Africaine. Pourtant, j’ai ressenti une légère influence comics dans le découpage des cases et la façon d’utiliser les onomatopées notamment lors des détonations des mitraillettes.
“Tamba – l’enfant soldat” a donc plusieurs degrés de lecture selon qu’on le prenne pour un roman ou plutôt comme une sorte de reportage. Quoi qu’il en soit sa lecture ne laissera personne indifférent.