Chronique (à 4 mains et deux cerveaux) « Dreams Factory Tome 1 – La Neige et l’acier »
Scénario de JÉRÔME HAMON,
Dessin de SUHEB ZAKO,
Couleurs de LENA SAYAPHOUM
Public conseillé : Tout public (à partir de 8 ans)
Style : Aventure fantastique…
Paru aux éditions « Soleil », collection « Métamorphoses », le 28 aout 2018, 56 pages couleurs, 14,95 euros,
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Ca commence comme ça…
Londres 1892. La jeune Indira est réveillé très tôt. Dehors, un manteau blanc a recouvert la ville endormie. Son petit Frère Eliott a encore le temps, mais il se presse pour aller faire une bataille de boules de neige.
Malade, Indira tousse et crache du sang. Pour ne pas inquiéter Eliott, elle lui fait croire qu’elle a mangé des fraises… Puis, elle part dans le froid rejoindre la mine. Là, en file indienne, les enfants sont passés en revue… Ce qu’en pense Nathalie Fin novembre, cela fera 20 ans que les éditions Soleil m’émerveillent avec chacun des titres parus dans sa collection “Métamorphose”. Tout a commencé avec le tome 1 de la série “Billy Brouillard”, écrit et dessiné par Guillaume Bianco. Depuis, à chaque fois qu’un titre est annoncé dans la collection, j’ai hâte de le découvrir et de le lire. Jamais je n’ai été déçue ! L’histoire se déroule en 1892, en hiver, au cœur de Londres. L’ambiance m’a rappelé un vieux livre de contes que j’ai lu enfant, écrit par Oscar Wilde et illustré par P.J Lynch. Entre « Oliver Twist » et « La petite fille aux allumettes », il fait froid, très froid. Indira doit travailler pour apporter de quoi nourrir sa famille, car dans ce Londres impitoyable, ce sont les enfants qui descendent au fond des mines. Pas de pitié, s’ils sont malades ou trop faibles, on les remplace. C’est pour cela qu’Indira se rend tous les jours là-bas. Quand finalement trop épuisée et malade, elle n’arrive plus à se réveiller, Eliott s’y rend à sa place… Mais Eliott, qui n’a pas la taille minimale pour aller dans la mine, va se sentir flatté quand la richissime Cathleen Sachs l’engage pour fabriquer d’étranges jouets mécaniques. Quand elle s’aperçoit de la disparition de son frère, Indira n’aura pas d’autre choix que de partir à sa recherche. Dans les dédales de l’usine, elle va découvrir un monde étrange où les enfants perdus ne sont plus vraiment les mêmes… Pour ce diptyque, de style “Steampunk”, nous avons Jérôme Hamon au scénario. J’ai déjà été subjuguée par son autre série dans la collection Métamorphose “Nils”. Déjà deux titres parus, le troisième sort fin octobre. Fable fantastique et écologique, illustrée par le très beau trait d’Antoine Carrion. Il a également scénarisé la série “Emma et Capucine” qui elle est dessinée par Lena Sayaphoum. Elle a réalisé les couleurs pour le premier tome de “Dreams Factory”. Enfin au dessin, pour sa première bande dessinée, je découvre le talentueux Suheb Zako. Il créé ses storyboards à la main, en crayonné, puis les scanne et les met au propre sur son PC à l’aide de sa tablette graphique. J’aime beaucoup son style de dessin. Il me fait penser, bien qu’il ait son propre style, à celui de Mara (“Clues” chez Akileos, “Détectives” tome 6 chez Delcourt) ou celui de Valp (“Ashrel”, quatre tomes chez Delcourt et « Le fantôme de Neptune », deux tomes déjà paru chez Delcourt également). Pour le tome deux, il sera seul au dessin et à la mise-en-couleur ! C’est vraiment une très belle découverte et une réussite pour ce jeune illustrateur. Je me réjouis déjà de découvrir le tome deux à sa sortie. Je souhaite longue vie à cette magnifique collection et dis merci à Barbara Canepa pour son choix éditorial d’enfer ! Allez, moi je repars pour 20 ans… Ce qu’en pense Jacques Jérôme Hamon est un scénariste que je suis avec plaisir. En quelques albums (“Nils”, “Yokozuna”…), il a su imposer un style fantastique mais surtout poétique et très “humain”. Dans ses univers complexes et cohérents, tout n’est pas prémâché. Le lecteur doit prendre le temps pour en comprendre les rouages. Ses thèmes, traités par le filtre de la Fantasy, sont universels et parlent de valeurs positives. Rien d’étonnant si on y trouve des réflexions sur l’écologie et la place de l’humain… Enfin, et c’est important pour moi, Jérôme sait trouver les dessinateurs de talent pour mettre en image ses univers ( Antoine Carrion sur “Nils”, Marc Van Straceele sur “Yokozuna” ou Lena Sayaphoum sur “Emma et Capucine”). Ce nouveau récit en deux tomes n’échappe pas à cette définition. Il nous entraîne dans le terriblement froid et laborieux du Londres au 19e siècle. Là, un groupe d’enfants pauvres est obligé de travailler dans une mine pour survivre. Pour la jeune Indira, la vie n’est pas facile. Son petit frère Eliot, lui, a encore quelques années d’insouciance devant lui… Mais tout bascule quand Eliot disparaît. Ou est-il passé ? Qu’est ce que cache l‘usine de jouets ? Qui sont vraiment Mme Sachs, la richissime directrice de l’usine et ??, le contremaître ? Autant de mystères auxquels s’attaque Indira…
Ce premier tome de ”Dreams Factory” est aussi immersif et beau que “Nils”. Jérôme Hamon nous plonge littéralement dans un univers froid et démesuré, observé à hauteur d’enfants. Les références sont nombreuses (Marc Twain et la littérature Steampunk..) et la poésie omniprésente. Drames et mystères sont les fondements de ce récit tout public, vivement le dénouement dans le second tome ! Visuellement, le jeune dessinateur Suheb Zako nous offre un premier tome à l’esthétique soignée. Son trait d’inspiration “manga » et « dessin animé » est rond et aérien. Les cases fourmillent de détails et la caméra à hauteur d’enfants nous plonge dans un univers volontairement trop grand. D’ailleurs, fort intelligemment, Suheb cadre bas, coupant les têtes des adultes… Sur ce crayonné léger, Lena Sayaphoum pause une mise-en-couleurs numérique fluide et gourmande. On retrouve son style très reconnaissable (“Emma et Capucine”). C’est beau, très beau même. Ce nouveau récit trouve naturellement sa place dans la belle collection “Métamorphose” des éditions Soleil.