On achève bien les chevaux · Horace McCoy

On achève bien les chevaux · Horace McCoy
On achève bien les chevaux… Moi qui pensais qu’il s’agissait d’un roman érotique avec chevaux en toile de fond! Je n’avais jamais lu la quatrième de couverture. C’est grâce au billet de Fanny que ma pendule a été remise à l’heure. Dès que j’ai lu son billet, je me suis mise à la recherche du roman de Horace McCoy. Aussitôt trouvé, aussitôt lu.On achève bien les chevaux · Horace McCoyRobert Syberten a quitté sont Arkansas natal pour aller réaliser ses ambitions à Hollywood. Gloria Beatty s’est enfuie du Texas pour Dallas. Après une tentative de suicide, elle se rend à Hollywood avec des rêves d’actrices gros comme le bras, mais sans grand succès.

Robert et Gloria se rencontrent un matin, alors que tous les deux, bredouilles, n’ont obtenu aucun rôle de figurant. Gloria a entendu parler d’un marathon de danse. Repas et lit gratuits, mille dollars au couple vainqueur, et la chance d'être remarqué par quelques gros bonnets d’Hollywood. N’ayant rien de mieux à faire, Robert accepte – à contrecœur – de l’accompagner et d’être son partenaire.Le décor est posé: une salle de danse construite sur pilotis, sur la jetée de Santa Monica, près de Los Angeles. Gloria cherche rapidement les prises de bec avec d’autres danseurs; pris en sandwich, Robert tente déteindre lhuile sur le feu, de plus en plus agacé par le mal de vivre de Gloria. «Elle n’arrêtait pas de me seriner cette même rengaine. Elle commençait à me porter sur les nerfs.» Un derby de course nocturne dans lequel le couple perdant est éliminé du marathon, un mariage mis en scène pour attirer l’attention de la presse locale: les organisateurs sans scrupules font tout pour générer de l’action, du spectaculaire.Quand le concours prend fin tragiquement et que les danseurs sont tous renvoyés avec une maigre pitance, Gloria sort une arme de son sac et demande à Robert de la tuer. Elle, elle n’a pas les tripes pour le faire. La boucle est bouclée.

·  ·  ·         ·  ·  ·         ·  ·  ·J’ai été fasciné de découvrir l’existence de ces marathons de danse, dont j’ignorais tout. Ce que je connaissais de ce genre de compétition, ce sont les bercetons organisés au centre d’achats de Rivière-du-Loup. La personne qui se berçait le plus longtemps gagnait un beau frigo vert avocat flambant neuf!

«Accusé, levez-vous…» Ces mots ouvrent le roman. D’entrée de jeu, on sait que Robert est accusé du meurtre de Gloria. Les chapitres (pas plus d’une seule phrase) sur l’évolution du procès, jusqu’à la condamnation de Robert, alternent avec l’évolution du marathon de danse. L’atmosphère noire, très noire, est magnifiquement bien rendue. Gloria est tout un numéro. Cette femme désabusée, amère et culottée, n’a pas la langue dans sa poche. Son envie de mourir est tellement obsédant qu’elle en devient... drôle. Ce qui me paraît bizarre, fit-elle, c’est que les gens accordent tant d’attention à la vie et si peu à la mort. Voulez-vous me dire pourquoi tous ces savants à grosse tête n’arrêtent pas de se décarcasser pour essayer de prolonger la vie au lieu de chercher des moyens agréables pour la finir? Il doit y avoir dans le monde une tripotée de gens comme moi, qui ont envie de mourir, mais qui n’en ont pas le courage.
Les personnages secondaires présentent une autre facette de l’Amérique de la Grande Dépression: meurtrier en cavale, femme enceinte venue gagner un peu d’argent, jeune fugueuse... Jeunes et moins jeunes sont prêts à laisser leur peau en se trémoussant jusqu’à l’épuisement pour une petite poignée d’argent.

Horace McCoy égratigne la société du spectacle qui jette en pâture la misère humaine. La compétition, l’égoïsme, les petites bassesses, le voyeurisme transpirent de ces pages. «Ils viennent voir la misère des autres pour oublier la leur.»Une plongée dans lAmérique de la Grande Dépression des plus fascinantes. On achève bien les chevaux, Horace McCoy, trad. Marcel Duhamel, Folio, 212 pages, 1991 [première édition: 1935].


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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois