Là-haut vers le nord · Joseph Boyden

Là-haut vers le nord · Joseph BoydenJoseph Boyden? Je connais bien le romancier, mais j’ignorais tout du nouvelliste. Les treize nouvelles de Là-haut vers le nord m’ont plongée dans un état de désolation avancée. Divisé en quatre parties, autant de points cardinaux, le recueil dresse un état des lieux désolant sur les Indiens de la Baie James, dans le nord de l’Ontario.Là-haut vers le nord · Joseph BoydenJ’ignore comment tricoter ce billet pour rendre justice à ce recueil et évoquer l’état dans lequel il m’a laissée. À défaut de grand laïus, j’irai par petites touches, à coups de citations et d’impressions.«La reine du bingo»: Un de ces quatre, je prendrai un congé du Palace et j’apprendrai mieux l’ojibwé, pour avoir quelque chose à transmettre à mes deux gosses. Tout ce que je peux leur transmettre, pour l’instant, c’est ma science du bingo.«La marche de l’ours»: Difficile, par chez nous, de voyager dans la région sans tomber sur un parent: à trois cents kilomètres à la ronde, on ne trouve que ça. Mais Dink était doublement maudit: il venait d’une lignée éteinte. Il était le seul, de mémoire publique, à s’appeler Killomonsett. Son père s’est noyé sept mois avant sa naissance; sa mère est morte en le mettant au monde. Il n’avait ni frère ni sœur, ni oncle ni tante ni cousin. Dans ce rude pays du nord de l’Ontario, où la famille passe pour un des rares réconforts de l’existence, Dink était tout seul. Il a grandi chez les bonnes sœurs. On disait sur la réserve que la mère avait succombé à la vue de ce qu’elle avait mis au monde; et que s’il restait des parents en vie, la honte les avait tués.

«Légende de la Fille Sucre»: Les Blancs ont apporté bien des choses aux Indiens. Les fusils, les moteurs hors-bord. La télévision. Le café. Le Kentucky Fried Chicken. Le hockey sur glace. Les jeans extra-large, les ­casquettes de base-ball. Le rocknroll, la cocaïne... Mais il y a un présent dont on ne parle jamais.Ils sont nombreux, ces personnages qui resteront marqués au fer rouge dans ma mémoire: Langue Peinte et sa bouteille, Crow et ses vapeurs dessence, sans parler de ce vieux qui parle aux chiens. Des images, aussi: un ciel étoilé, une rivière gelée, la migration des oies, une salle de bingo remplie de fumée de cigarettes.

Les quatre nouvelles de la dernière partie pourraient constituer un roman à elles seules. À partir du suicide de Linda Cheechoo, partie étudier dans le sud, Boyden raconte la même histoire à travers le point de vue de quatre personnages. Ces variations sur un même thème sont bouleversantes dhumanité.
Joseph Boyden joue avec les stéréotypes et les clichés de façon assumée. Il décrit avec une remarquable économie de moyens la perte de repères, les traditions qui meurent à petit feu, les déchirures de lâme, la colère, lerrance. Les dégâts irréparables laissés par les pensionnats, les ravages de l’alcool, le suicide, l’itinérance, l’appropriation du territoire par les Blancs... Le constat est affligeant.

Un coup de poing à lestomac. Tétanisant. 

Les avis dElectra, dAthalie et de Jérôme valent le détour.

Là-haut vers le nord,

Joseph Boyden, trad. Hugues Leroy, Albin Michel, 276 pages, 2008.

©Marco Campanozzi
Là-haut vers le nord · Joseph Boyden

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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois