La route sauvage · Willy Vlautin

La route sauvage · Willy Vlautin

Cheyenne en automne

est le troisième roman de Willy Vlautin. Devenu introuvable depuis la disparition des Éditions 13e note, Albin Michel a eu l’excellente idée de rééditer le roman sous le titre La route sauvage.
La route sauvage · Willy VlautinCharley Thompson, quinze ans, n’a pas la vie facile. Sa mère est partie lorsque Charley était encore un bébé. Il ignore où elle vit et ce qu’elle devient. Charley et son père Ray ont voyagé dune ville à lautre, allant là où Ray pouvait trouver du boulot. Dès que ça chauffait trop, ils levaient les voiles. Cette fois, ils viennent de quitter Spokane, à Washington, pour s’installer à Portland, en Oregon. 

Charley ne demande pas grand chose à la vie. Seulement de rester quelque part assez longtemps pour jouer dans une équipe de football pendant toute une saison scolaire. Mais ça semble trop demandé... Un malheur frappe, puis un autre. Charley se retrouve seul au monde. Enfin presque. Il a bien une tante perdue de vue depuis plusieurs années. Direction Wyoming, pour tenter de la retrouver. Un périple de près de deux mille kilomètres. La route sera longue, parsemée de rencontres, de bonnes et de moins bonnes.

Je n’ai pas envie d’en dire plus! Je l’avoue, j’ai un parti pris pour Willy Vlautin. Je suis assurément sa plus fervente admiratrice québécoise. Alors que d’autres ont tendance à beurrer épais, lui, il a le don de fouiller la misère humaine sans jamais tomber dans le pathos ou le misérabilisme. Charley, c’est le système D à lui tout seul. Il n’a pas le temps d’analyser ses gestes ni de s’apitoyer sur son sort; il est constamment en mode survie. Son histoire ma touchée droit au cœur. Chaque rencontre faite par Charley le confronte à la dureté et à la complexité du monde. Malgré tous les mauvais coups du sort, malgré les embûches, la bonté est omniprésente.Si, à première vue, La route sauvage à des airs de mélo à la Disney, à deuxième vue, on en est bien loin. Comme dans Motel Life et Ballade pour Leroy, il n’y a aucune touche de rose, ici. Les hommes et les femmes font tout pour se sortir la tête hors de l’eau. Les personnages de Willy Vlautin se démènent, ils en bavent. La vie na jamais été tendre avec eux et pourtant, ils continuent à avancer, envers et contre tout.L’écriture de Willy Vlautin est sobre, sans éclats inutiles ni poudre aux yeux.Ses mots sont ciselés, précis. Un roman bouleversant, habité par une grande humanité. Stoney m’habitera encore très longtemps.Dans la postface du roman, Willy Vlautin explique d’où lui est venu l’inspiration pour écrire son roman.La route sauvage est issu de ma relation ambivalente avec les courses hippiques, de l’amour que je leur porte et de la culpabilité que j’éprouve à les aimer à ce point. Portland Meadows est un hippodrome au bout du rouleau, où la tragédie qui se joue entre jockeys et chevaux est palpable. Je ne sais pas grand-chose des prestigieux hippodromes de la côté est, n’étant allé que quelques rares fois à Santa Anita, de sorte que je reste impénétrable à l’aspect glamour des grands prix. Moi, les courses, je les vis d’une manière plus terre à terre, avec des chevaux contraints de courir plus souvent qu’à leur tour, avec des jockeys à la petite semaine et des entraîneurs conscients de maintenir sous respirateur artificiel un sport qui a eu autrefois son heure de gloire dans l’Ouest américain.Un petit plus de l’édition publiée chez 13enote? Un entretien dans lequel j’ai appris que Willy s’est passionné pour Fante et qu’il a entretenu un rapport toxique avec l’œuvre de Bukowski. Surtout, Carver a changé sa vie.

Je n’étais ni assez aventureux ni assez intelligent pour devenir Hemingway ou Steinbeck. Et Bukowski a trop brûlé la chandelle par les deux bouts pour me donner l’envie d’en faire autant. Carver appartenait à la classe moyenne, rien de spécial à part ce penchant pour la bouteille qui a tout fait pour avoir sa peau. Une vraie découverte! À partir de ce jour j’ai travaillé l’écriture comme un bûcheron. Les histoires se sont mises à couler de mon stylo. J’ai pris conscience que je portais toute cette tristesse, toute cette noirceur en moi en ignorant ce que c’était. Carver m’avait ouvert les vannes.

Le roman vient d’être adapté au cinéma par Andrew Haigh. J’espère que le film apportera à Willy Vlautin toute la reconnaissance qu’il mérite

La route sauvage,

Willy Vlautin, trad. Luc Baranger, Albin Michel, «Terres d’Amérique», 320 pages, 2018 [éditions originale: 2010].


wallpaper-1019588
Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois