My absolute darling de Gabriel Tallent

My absolute darling de Gabriel TallentMy absolute darling

Gabriel Tallent

Traduit de l’anglais par Laura Derajinski

Gallmeister

Mars 2018

Lu sur liseuse

Cette lecture fut vraiment éprouvante ! Certains lecteurs ont comparé Gabriel Tallent à David Vann (même traductrice, même éditeur et même noirceur), à juste titre, et comme je ne suis pas une inconditionnelle de David Vann (je fais partie de ces lecteurs qui ont été plus dégoûtés que fascinés par Sukkwan Island), ce n’était pas gagné. En effet, il m’a fallu quelques dizaines de pages pour entrer dans cet univers au style bien particulier, un peu décousu me semblait-il. Souvent obligée de relire plusieurs fois des paragraphes pour que le film se fasse dans ma tête. Et puis, le déclic, les images ont inondé mon cerveau… mais quelles images ! Nauséabondes.

L’auteur démontre que l’amour d’une fille pour son père est plus complexe qu’il n’y parait. Et même si (ce connard de pervers) celui-ci abuse d’elle, même s’il est violent envers elle, il n’est pas simple pour elle de s’enfuir, de le quitter, parce qu’elle l’aime et qu’elle n’arrive pas à franchir le pas fatidique de la séparation.

La force de ce roman est dans la narration, l’histoire est racontée par la jeune fille de 14 ans, Julia pour l’état civil, Croquette pour son père, Turtle pour elle, et ses pensées sont autant de coups de poing que ses actes. Sa vie intérieure est aussi mouvementée, aussi violente que sa vie avec son père. Elle ne cesse de se déprécier parce que son père use de son pouvoir sur elle pour la manipuler et l’amener à avoir cette lamentable image d’elle-même. Schéma classique mais si bien orchestré par l’auteur qu’on vit cette relation paternelle toxique avec une réelle souffrance.

Certains passages sont à la limite du supportable, et l’héroïne est tellement courageuse qu’on aimerait lui crier de baisser les bras, d’abandonner la partie, de quitter son pervers de père. Et si on peut comprendre son attachement, cela ne nous empêche pas de le déplorer amèrement. C’est une lecture qui fait mal et qui ne peut laisser insensible.

A plusieurs reprises, j’ai reposé la liseuse, pour reprendre haleine, pour faire autre chose, de plus léger, de plus anodin, un petit tour au jardin, sous la pluie fine du printemps, pour éloigner les tourments d’une nature plus impétueuse. Comme souvent chez cet éditeur, la nature (les bois, l’océan, les plages recouvertes d’algues) est un des personnages principaux du roman, elle a un rôle prépondérant.

Je ressors donc de cette expérience littéraire, exsangue.


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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois