Loin de la foule déchaînée de Thomas Hardy

Loin de la foule déchaînée de Thomas Hardy

Ma première incursion dans l’oeuvre de Thomas Hardy fut plutôt mélancolique, je dois bien l’avouer. Il s’agissait de Tess d’Uberville, une lecture imposée à la fac qui plus est. Est-ce à dire que j’aurai continué à ignorer indéfiniment cet écrivain anglais ? Probablement pas, et pour deux raisons : d’abord un avis plus qu’enthousiaste de Gwen21 sur Babelio et le visionnage de la belle adaptation de Thomas Vitenberg qui m’auront finalement convaincue de lire le roman.

Ai-je été aussi emballée que ma camarade blogueuse ? Et bien non, à mon grand désappointement.

Pourtant, le roman commençait bien. Il était une fois une belle jeune fille, nommée Batsheba Everdene, qui hérite d’une grosse ferme quelque part dans un coin d’Angleterre. Loin d’être rebutée par l’ampleur de la tâche, la demoiselle s’efforce de relever le défi : elle participe aux travaux, négocie sur les marchés, fait chaque soir, bravement, le tour de son domaine pour veiller au bien-être de chacun… Bref, une figure féminine comme j’aimerais en croiser plus souvent au détour d’un roman anglais du XIXème. Comme elle est belle, un premier prétendant fait son apparition au bout de quelques pages, qu’elle repousse. La demoiselle est non seulement courageuse, mais elle a du caractère, voilà qui me plait encore davantage. Je n’ai pu cependant m’empêcher d’éprouver un peu de regret devant ce premier épisode romanesque qui tourne court, car le malheureux fermier éconduit, Gabriel Oak, est pourtant digne d’intérêt et même plus que ça. Mais tant pis, Batsheba est volontaire et décidée à se passer d’un homme, et une telle détermination me faisait bien plaisir.

Mais ai-je dit qu’elle était jeune et belle ? Oui, je l’ai dit. C’est important de le souligner car après Gabriel Oak, deux autres hommes vont tomber raide dingue de notre délicieuse fermière. C’est un peu comme une épidémie qui se répand, mais je me dis que les belles jeunes filles à la tête d’un domaine dans la campagne profonde ne devaient pas être légion, et que, par conséquent, c’était peut-être normal d’assister à cette ruée de prétendants. Sauf que c’est à partir de ce moment là que l’histoire se gâte à mes yeux. Batsheba devient tout d’un coup gamine, inconséquente, coquette, voire même ingrate. Adieu sagesse, détermination et self-control. La voilà devenue plutôt cruche et toute prête à se jeter sur un bellâtre… Ah le prestige de l’uniforme… Car figurez-vous que j’ai irrésistiblement pensé à Lydia et son capitaine Wickham, d’Orgueil et préjugés. Oui, la comparaison n’est pas flatteuse pour notre héroïne…

Que dire alors des personnages masculins ? Et bien les portraits ne sont guère reluisants : l’un est un jeune coq briseur de coeurs qu’aucune femme sensée n’aurait daigné aimer (Jane Austen, reviens !!!), l’autre n’a pas toute sa tête (il y a du Hamlet chez cet homme, je vous le dis…), et une partie du malheur qui s’abat sur chacun des deux amoureux est dû à notre jeune écervelée…

Voilà, ma déception était donc inévitable. Mais qu’on se rassure, j’ai quand même pris du plaisir à lire ce bon roman. La plume de Hardy qui ressuscite ce pan de l’Angleterre d’une manière tellement juste et empreinte de poésie, qui rend hommage à la vie de ces paysans, à la nature et aux bêtes, justifiait à elle seule la lecture. Et je remercie ce grand écrivain, non pas pour avoir créé le personnage de Batsheba, qui m’a laissée de marbre et m’a bien déçue, mais plutôt pour avoir donné vie à un magnifique portrait d’homme, Gabriel Oak, pour moi le seul véritable héros du roman. Le gars que beaucoup de femmes rêvent de rencontrer je pense…

En définitive, si vous voulez faire connaissance avec des femmes fortes, qui ont du piquant et du caractère, mais qui ont aussi une belle sensibilité et une dose de romantisme, rabattez-vous sur La bienfaitrice d’Elisabeth Von Arnim, Nord et sud d’Elisabeth Gaskell, Beaucoup de bruit pour rien du grand Will, car le personnage de Beatrice figure parmi mes favoris ou tout simplement sur Autant en emporte le vent. Car en terme de femme indépendante et volontaire, personne n’a jamais fait mieux que Scarlett O’Hara…

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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois