Magie noire à Soho, de Ben Aaronovitch

Magie noire à Soho, de Ben Aaronovitch Magie noire à Soho, de Ben Aaronovitch

Le Dernier apprenti-sorcier T2 : Magie noire à Soho, de Ben Aaronovitch, traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Benoît Domis, J’ai lu, 2014 (originale : 2011), 407 pages.
Version audio narrée par Kobna Holdbrook-Smith.

L’histoire

Après avoir réconcilié les divinités qui se partagent la Tamise, et mis hors d’état de nuire un tueur en série sorti d’un conte pour enfants vieux de plusieurs siècles, l’agent Peter Grant et l’inspecteur Nightingale pensaient pouvoir souffler un peu. Mais le repos n’est pas une option pour les deux derniers sorciers de Londres : ce sont cette fois les jazzmen de la capitale anglaise qui meurent un peu trop souvent et dans des conditions un peu trop suspectes.
Au son du swing, du bop et de l’électro, Peter nous emmène dans les clubs enfumés de Soho, où magie et musique forment les deux faces d’un même penny…

Note : 4/5

Mon humble avis

C’est seulement au moment d’écrire cette chronique que je prends connaissance du titre français et immédiatement, il me pose problème. Il y a toute une discussion très intéressante dans le livre sur les termes de magie « noire » ou de sorcier « noir » alors placer « Magie noire » d’emblée dans le titre, c’est un peu comme cracher sur le roman (ce qui est, vous en conviendrez, assez sale). Souvent, le titre est plus une décision de l’éditeur que du traducteur, mais quoi qu’il en soit, c’était une très mauvaise décision. Le titre original, Moon over Soho (« Lune à Soho » ou « Lune sur Soho »), en plus d’être plus poétique, avait un jeu de mot sacrément chouette : to moon over est une expression qui signifie « passer trop de temps à admirer quelqu’un ou quelque chose », ce qui va parfaitement à ce tome. Attention, je ne dis pas qu’il faut traduire tous les jeux de mots dans les titres, mais garder l’esprit du roman semble être le minimum.

Comme il s’agit d’un second tome, je vais parler assez librement de la fin du premier, Les Rivières de Londres, donc si vous voulez garder le suspens avant d’avoir lu ce dernier, mieux vaut revenir plus tard 😉

Dans Moon over Soho on ne retrouve pas seulement Peter et Nightingale, qui a l’air d’aller mieux, mais bien sûr Lesley. Cette dernière avait survécu de justesse dans le tome précédent, mais non sans séquelle : elle est complètement défigurée, ne peut pas parler, ne veut pas que Peter la voit. La dynamique qu’on retrouvait entre Peter et Lesley est donc plutôt absente de ce tome, avec raison, mais la fin laisse à penser qu’on la retrouvera bientôt…

J’ai un peu moins aimé ce tome, je pense que c’est dû au sujet principal autour duquel tourne l’intrigue : le jazz. Je n’ai rien contre bien entendu, mais la musique est un sujet qui ne me transporte pas du tout quand il est évoqué dans un roman. Je ne doute pas que les amateur·rice·s apprécieront en revanche, comme toujours, Ben Aaronovitch semble avoir fait un travail de recherche très sérieux !

La magie est toujours aussi bien intégrée à cet univers qui reste presque palpable tant il est réaliste et urbain. En plus de suivre la découverte que fait Peter de ce monde où la magie existe, avec des pratiques bien précises, ce qui fait que j’apprécie vraiment cette série, c’est le point de vue contemporain qu’il porte sur des traditions qui devraient sérieusement être remises en question. Il y a, par exemple, toute une discussion entre Nightingale et Peter à propos de l’antagoniste mystérieux·euse qui utilise la magie à mauvais escient :

‘You can’t call them black magicians,’ I said.
‘You realise that we’re using “black” in its metaphorical sense here,’ said Nightingale.
‘It doesn’t matter,’ I said. ‘Words change what they mean, don’t they? Some people would call me a black magician.’
‘You’re not a magician,’ he said. ‘You’re barely even an apprentice.’
‘You’re changing the subject,’ I said.
‘What should we call them?’ he asked patiently.
‘Ethically challenged magical practitioners,’ I said.

Peter explique qu’il n’est pas possible de qualifier l’antagoniste de « sorcier noir » (black magician) puisque c’est un terme qui pourrait tout à fait le décrire lui. Au passage, on retrouve la pointe d’humour qui fait tout le charme de la plume de l’auteur (« You’re not a magician […] You’re barely even an apprentice »).

Sans entrer dans les détails pour ne pas révéler des éléments de l’intrigue, à un moment donné Nightingale prévoit de tuer des personnes qui ont des pouvoirs qu’elles ne peuvent pas contrôler et qui blessent, voire tuent d’autres personnes à cause de cela. On comprend bien à la lecture que c’est ainsi que les choses se déroulent habituellement. Mais justement, Peter est là pour s’y opposer farouchement et proposer un plan de réhabilitation, pour aider ces personnes. Toute cette confrontation de point de vue, entre tradition et modernité, entre maître et apprenti et entre générations, fait une bonne partie du charme de cette série.

C’était un plaisir de retrouver Peter dans ses mésaventures magiques, et je continue la lecture de cette série avec enthousiasme (particulièrement avec la fin de ce tome deux !).


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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois