Daddy love, Joyce Carol Oates

Un titre intriguant, un synopsis qui tord le ventre, on reconnaît quelques-uns des très bons ingrédients de Joyce Carol Oates...
Daddy love, Joyce Carol Oates
Libres pensées...
Robbie a cinq ans lorsqu'il est enlevé à sa mère sous ses yeux par Daddy Love. Daddy Love a déjà aimé d'autres garçons avant lui, mais lorsqu'ils ont grandi, Daddy Love s'est lassé, leur a préféré un garçon plus jeune. Le temps de Robbie est compté, mais la relation que son ravisseur développe avec lui est faite d'instabilité, de turpitudes, et les sentiments de Robbie ne sont pas toujours clairs. Alors que les ans passent et que la terrible échéance se rapproche, la personnalité de Robbie semble se dédoubler, et il est intimement tiraillé par des élans contraires.
La narration se fixe dans un premier temps sur la mère, puis sur Robbie, puis de nouveau sur la mère.
Joyce Carol Oates a à coeur de nous plonger au plus près du réel, utilisant pour cela des procédés d'écriture assez peu usités : ainsi, elle réécrit la scène d'ouverture plusieurs fois, se glissant dans la tête de son personnage, de la mère de Robbie, traduisant la culpabilité insupportable née de l'enlèvement de l'enfant, la façon dont la mère revoit la scène continuellement se dérouler devant ses yeux, se questionnant sur ce qu'elle aurait dû faire autrement, sur la façon dont les choses se sont réellement, objectivement, passées.
L'auteur emploie une écriture abordable, très directe, combinée à cette approche susceptible de créer une angoisse, une anxiété chez le lecteur qui ne comprend d'abord pas pourquoi il lit un passage si similaire à celui qu'il vient juste de lire ; on peut en cela facilement se trouver déstabilisé.
En outre, l'intrigue en elle-même met mal à l'aise, crispe, rend parfois la lecture douloureuse, en particulier lorsque l'auteur évoque les sévices que l'homme fait subir à l'enfant, ou encore lorsque le consentement des enfants enlevés, violés et battus est mis en cause, par exemple par l'animateur de télévision dans l'émission que regardent Daddy Love et Robbie, l'animateur soulignant que, selon lui, l'enfant devait apprécier sa situation s'il demeurait aux côtés de son ravisseur sans chercher à s'enfuir. Je ne perdrai pas de temps à dire ce que je pense de ce raisonnement abject (ah bah mince, ma pensée a filtré...).
C'est d'ailleurs là que réside le grand talent de Joyce Carol Oates : elle creuse en l'humain pour en dégager la noirceur, les penchants inavouables, les réflexes de pensée, les traumatismes aussi. Son regard est précis et incisif, c'est certainement ce qui fait le plus mal, cet écho à des phrases déjà entendues, à des réactions déjà vues, à nos propres incertitudes.
Daddy love propose une expérience de lecture violente et dérangeante, qui nous plonge dans les abîmes de notre humanité. Pour vous si...
  • Vous êtes prêt pour une immersion sordide dont vous vous souviendrez ;
  • Vous savez intimement qu'on ne peut pas faire confiance à un pasteur. 

Morceaux choisis
"Plus tard, peut-être un autre jour. Le Temps n'existait pas dans ce lieu où elle n'était plus Maman mais cette pitoyable chose brisée au visage à moitié écorché.
Tout le monde était très gentil. Les infirmières étaient douces, attentionnées et gentilles. Elle oscillait entre conscience et inconscience, entre désir et indifférence de vivre ou de mourir."
Note finale4/5(glaçant)

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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois