Sur les traces d'Oghyanouss

Par Wolkaiw

CADEAU D'UN CHRONIQUEUR

Titre : Sur les traces d'Oghyanouss
     Auteur : Afsaneh Reza-Miller
     Sorti en 2015
     Lu entre le 30 janvier et le 1er février
     Edition : autoédition
     Genre : Historique
4eme de couverture
En un Iran monarchique, dans une ville introuvable sur la carte, inconnue des plans routiers, isolée et tenue secrète, une fille pas comme les autres voit le jour et se met très vite à développer des dons étranges. Obsédante, inquiétante, elle prend facilement possession de quiconque pose les yeux sur elle. Certains se figurent qu'ils peuvent la dresser. D'autres préféreraient la supprimer. Mais quelques âmes bienveillantes sont prêtes à lui offrir un toit sous lequel se cacher?La peinture de l'âme, de la complexité des rapports humains, l'amour, la trahison, tels sont les enjeux de ce roman qui ne manque jamais de suspens et de rebondissements. Le récit fictif d'une... ? Pour ... ? à la manière des... ? c'est à dire les... ?À vous de mettre les mots justes...
Je remercie Laurent, un chroniqueur que j’estime énormément, de m’avoir partagé son coup de cœur 2017. 

    Sur les traces d’Oghyanouss est un roman unique et puissant, un livre qui m’a laissé avec une impression étrange et indescriptible une fois la lecture achevée. Une des premières choses à m’avoir frappée a été l’absence de traduction. L’auteure n’est pas française, le français n’est donc pas sa langue maternelle et cela ne se ressent absolument pas lors de la lecture, les mots sont d’une rare fluidité ; un immense bravo à l’auteure pour son travail car je ne doute pas qu’il fut colossal. 
    Ce livre nous raconte une histoire qui sort des sentiers battus, l’histoire d’une jeune fille, à la fois énigmatique et originale que nous prenons plaisir à suivre, à laquelle nous sommes presque forcés de nous attacher, voire de nous identifier. Oghyanouss, en voila un superbe prénom – clé du récit qui nous ouvre les portes d’un monde jusqu’alors insoupçonné. Nous suivons les trace d’une fille qui apprend à devenir une femme dans un monde qui ne semble pas la comprendre, une jeune fleur sur le point d’éclore, qui peine à communiquer avec son environnement – lumière dans les ténèbres de la vie. 
    À travers le regard naïf, mais aussi empreint d’une certaine maturité d’Oghyanouss, c’est toute une prise de conscience qui nous assaille. Nous apprenons à regarder le monde qui nous entoure autrement, à nous en méfier mais aussi et surtout à l’aimer. Le calme et la chaos se mêlent habilement dans nos esprits, créant un désordre sans précédent, d’une douceur inégalable. Oghyanouss c’est ce mélange étrange de pureté et de péché, ni totalement blanche ni totalement noir, une sorte d’entre-deux qui fascine tant elle semble complexe et insaisissable. Insaisissable, c’est le mot, nul n’est à même d’enfermer cette jeune fille, la liberté, sa liberté n’a pas de prix mais son acquisition va être longue et semée d’embûches. Comment s’évader quand les murs qui nous entourent nous retiennent prisonniers ? Est-ce un défi physique ou psychique que celui de s’extraire de la réalité, là repose toute la question. Quitter la torpeur de la banalité quotidienne n’est pas simple, c’est tout un art, et bien plus … 
Pour situer l'Iran :Source de la carte : Citycake.fr
    Quand la vie commence-t-elle vraiment ? Quel est le véritable pouvoir ? Avec la jeune Oghyanouss à nos côtés, nous allons tenter de répondre à ces questions, d’en saisir toute la portée. Rien n’est simple, tout est ancré dans un contexte plus ou moins marqué, celui de l’Iran d’avant, bien avant, et d’après la révolution. Dans ce livre, on peut dire que les contextes religieux et politiques sont très présents, voire pesants, on ressent véritablement le poids d’une époque, de la famille mais aussi de nombreuses autres choses. L’atmosphère est lourde, chargée de sous-entendus et d’incompréhensions. Afin d’alléger tout cela sans en ôter la saveur, l’art, et plus particulièrement la peinture, va jouer un rôle primordial dans l’histoire. Peindre comme certains peuvent écrire, peindre pour s’exprimer autrement que par l’acte de parler… 
   Qui du père, de la mère, de la tante ou encore de la religion détient le dernier mot ? Vous découvrirez la place du père, il joue un rôle très particulier et parfois ambiguë, c’est un homme effacé, complètement dans sa bulle qui ne semble pas être à même de saisir le sens de ce qui l’entoure. La mère et la tante d’Oghyanouss nous apparaissent de suite comme deux tyrans, des femmes que rien ne semblent pouvoir arrêter, prêtes à tout pour obtenir ce qu’elles veulent. J’ai trouvé quelque chose de presque ridicule dans leur obstination, une certaine naïveté dans leur entêtement. Aveuglées par la religion et leurs pseudos concepts, elles peinent à ouvrir les yeux sur les choses les plus concrètes qui soient, perdues dans les abîmes d’une doxa qu’elles suivent sans en comprendre la vraie portée… Le contraste homme/femme, au sein du couple que constitue les parents, est saisissant et presque improbable pour l’époque. La famille de la jeune fille n’a rien d’ordinaire, nul doute que le destin d’Oghyanouss se devait d’être hors-norme. 
   Oghyanouss éclipse les autres, elle rayonne de milles feux, resplendit tel le plus brillant des diamants. Jeune fille presque iconique, elle s’inscrit merveilleusement bien dans cette histoire forte et prenante. Les chapitres sont rythmés, dynamiques, tout au long de la lecture, nous sommes amenés à relever de nombreuses ellipses et sous-entendus, des phrases que nous tentons de saisir au vol, dont nous ne comprenons le sens qu’au fur et à mesure. Un seul point m’a chagriné dans ce livre, cela concerne la ponctuation et son usage parfois excessif à mes yeux ; l’utilisation abusive des points d’exclamation et d’interrogation dénaturait le propos au lieu de le rendre plus impactant, c’est le seul point noir que je peux soulever pour ce livre. 
    En définitive, j’ai bu les mots de l’auteure comme un délicieux nectar, je les ai savouré et dégusté jusqu’au dernier car ils sont plein d’une détresse et d’un espoir sans nom, regorgeant de vitalité et de mystère. En plein Iran monarchique, ce livre dresse un portrait des femmes à travers une époque contrastée et difficile, il met en avant le combat d’une femme contre son époque mais surtout celui d’une fille contre d’autres femmes – lutte perpétuelle pour la vie mais aussi la survie et la liberté.