Chronique de Miry; Cinq branches de coton noir, Yves Sente & Steve Cuzor

Chronique de Miry; Cinq branches de coton noir,  Yves Sente & Steve CuzorÉditeur : Dupuis (Aire libre)
Langue : Français
Résumé :

Philadelphie, 1776. Mrs Betsy est dépêchée par les indépendantistes américains pour concevoir le tout premier drapeau des futurs États-Unis d’Amérique. Sa domestique, Angela Brown, décide alors de transformer cet étendard en un hommage révolutionnaire, en y adjoignant en secret un symbole inestimable…
Douvres, 1944. Le soldat Lincoln se morfond dans son camp militaire, entre discriminations raciales et bagarres quotidiennes. Jusqu’à ce qu’il reçoive une lettre de sa soeur, Johanna, annonçant qu’elle a découvert dans les possessions de leur tante décédée les mémoires d’Angela Brown – rien de moins qu’un témoignage d’une rareté et d’une valeur exceptionnelles. Si l’histoire relatée dans ces mémoires est réelle, alors c’est l’histoire des États-Unis qui est à récrire.

Mon avis

J’ai découvert ce titre totalement par hasard, via la preview du site de l’éditeur. Intriguée par le synopsis, je me suis lancée et je dois dire que je ne regrette pas de m’être procurée cette oeuvre malgré son prix et l’épaisseur du volume (environ 170 pages !). Dès les premières planches, l’histoire nous accroche, nous happe, et la curiosité nous pousse à lire jusqu’à la dernière page.

Je connaissais déjà Yves Sente via ses travaux sur la saga Thorgal, mais c’est la première oeuvre de Steve Cuzor que je lis et j’avoue que ce duo m’a totalement convaincu par la justesse de sa plume et de son trait. Quant aux couleurs, signées Meephe Versaevel, elles contribuent totalement à l’ambiance si particulière de ce one-shot tragique.

L’histoire nous entraîne, à travers le regard de trois personnages noirs, sur les traces d’une relique datant de la Guerre d’Indépendance de 1775 : le tout premier drapeau des  États-Unis d’Amérique ! Un drapeau qui recèle un secret si symbolique qu’il pourrait bien changer les choses dans un pays encore en proie à la ségrégation raciale en 1944. En effet, dès le prologue, le lecteur est plongé dans une ambiance angoissante et délétère. Le débarquement du 6 juin 1944 est proche, mais les Noirs sont cantonnés aux bases arrières, où ils récurent les latrines ou restent inoccupés. Mais Lincoln, jeune soldat idéaliste, rêve de gloire, de servir son pays, et de prouver à tous que la couleur de la peau d’un homme ne définit pas sa valeur. Grâce à sa soeur Johanna, qui découvre la vérité sur le drapeau et en fait part à ses contacts, il réussit à intégrer la MFAA, dont les membres sont surnommés les « Monuments Men », afin de retrouver la précieuse relique.

Le récit alterne les points de vues avec pertinence et met le lecteur face à toutes sortes d’émotions : l’horreur, l’injustice, la tristesse mais aussi l’espoir, la fierté et la camaraderie. Par ailleurs, le duo aborde un thème d’ordinaire très sensible : le racisme. Mais si l’on doit reconnaître une chose à cette oeuvre, c’est sa pertinence sur ce point. Les faits exposés sont crédibles et témoignent d’un fossé qui n’a cessé de se creuser depuis l’époque d’Angela Brown. C’est particulièrement flagrant dans une scène de bar, lorsqu’un officier blanc tente de participer à une conversation en rebondissant sur un blague : son intervention est très mal perçue, alors même qu’il ne pensait pas nécessairement à mal. La faute à l’éducation ? Un racisme ordinaire ? Toujours est-il qu’une barrière infranchissable s’est progressivement établie entre les deux communautés, et qu’elle semble toujours infranchissable, même en 1944. Il n’existe qu’un endroit où tout cela n’a plus d’importance : le front. Sous le feu de l’ennemi, face à la mort, tous les hommes sont égaux et doivent se serrer les coudes pour avancer et survivre.

En bref, un récit poignant, sans fioriture, qui nous livre une histoire dure, tragique, mais aussi pleine d’héroïsme et de patriotisme. Les personnages sont touchants, terriblement humains, avec leurs qualités et leurs défauts. Le mystère et la quête des protagonistes m’a tenu en haleine tout au long des 170 pages. Une magnifique histoire dont on ne ressort pas indemne.


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