Salué comme un chef d’œuvre au moment de sa publication en Australie en 1982, L’infinie patience des oiseaux est un texte magnifique, tout en retenue et en poésie. David Malouf décrit le quotidien du soldat Jim au jour le jour, de l’engagement à la traversée de l’océan, du débarquement en France aux premiers combats, de la vie à l’arrière à l’enfer des tranchées. Jim porte un regard lucide sur sa condition, il constate l’horreur et l’absurdité de la guerre sans colère, il perd ses camarades les uns après les autres, survit aux pires situations sans se faire d’illusion sur la suite des événements, ayant bien conscience que son tour finira par arriver.
Le décalage entre le champ des possibles ouvert par sa rencontre avec Ashley au début du roman et son statut de poilu envoyé à la boucherie montre à quel point une génération entière, à travers le monde, a perdu son innocence, sa jeunesse et son avenir au fil du conflit. La plume aérienne et sobre de David Malouf évite de noyer le lecteur sous des tombereaux de violence gratuite. Rien n’est éludé pour autant mais l’horreur est décrite avec une sorte de mélancolie extrêmement touchante.
Clairement, ce roman propose une autre une façon d’écrire sur la guerre. La première partie dans le Queensland, bucolique en diable, est d’un grand classicisme alors que l’arrivée en France signe le passage à style plus direct, plus réaliste. Au final le texte apparaît à la fois d’une grande cohérence et d’une grande modernité, portant une réflexion sur le sens de la vie aussi pertinente que saisissante. Une superbe découverte.
L’infinie patience des oiseaux de David Malouf. Traduit de l’anglais (Australie) par Nadine Gassie). Albin Michel, 2018. 220 pages. 20,00 euros.