12 jours, un film de Depardon

12 jours, un film de Depardon12 jours

Documentaire réalisé par Raymond Depardon

Sorti en salle le 29 novembre 2017

En exergue du film, cette parole de Michel Foucault : « De l’homme à l’homme vrai, le chemin passe par l’homme fou. »

 

Voilà un documentaire efficace qui m’a bien mise mal à l’aise !

D’un point de vue formel tout d’abord. Ce premier trop long plan au ralenti, avec la caméra qui avance très lentement dans les couloirs de l’hôpital extrêmement propre, le sol brille, et l’on sait que derrière toutes ces portes fermées, il y a des êtres humains détruits, seuls, malades. Parfois, une personne passe devant la caméra et poursuit son impitoyable chemin. Ce plan s’éternise et crée une tension.

Et puis ces séquences d’entretien, un juge, un avocat, le malade, parfois un infirmier, un tuteur. Des échanges pesants, qui nous tordent les boyaux, des dialogues parfois  cocasses, des incompréhensions, des malentendus jusqu’à cet homme qui veut que la juge prévienne son père qu’il peut venir le voir alors qu’il l’a tué neuf ans auparavant. On n’ose pas sourire d’une parole inappropriée. On aimerait que le juge parle en termes plus simples pour se faire comprendre du patient. La caméra se veut objective.

Et entre chaque séquence un plan long sur un extérieur, sur une personne qui tourne en rond, sur un couloir, des plans qui laissent une grande place à la musique, des plans pour respirer, pour nous remettre de nos émotions, mais cet homme qui marche en rond… et qui me hante… je ne m’en suis pas tant remise que ça… On respire mal.

Du point de vue du fond maintenant.

Avant 12 jours, les personnes  hospitalisées en psychiatrie sans leur consentement sont présentées en audience devant un juge, elles sont accompagnées d’un avocat. C’est la loi. Cela pour éviter les abus d’internement.

Ce sujet me touche particulièrement parce que dernièrement un ami s’est retrouvé dans cette situation, suite à une tentative de suicide…

Après tous ces entretiens, j’en conclus que les juges ne servent à rien, que les avocats ne servent à rien, parce qu’implacablement, ils appliquent la décision des médecins. Qu’est-ce qui a changé par rapport à avant ? N’est-ce pas finalement les médecins psychiatres qui décident de l’avenir d’un patient ? Ces juges qui ne connaissent rien aux pathologies psychiatriques, qui n’ont pas toujours les mots pour rassurer, pour aider, mais qui enfoncent, enfoncent davantage, bien malgré eux d’ailleurs. « De toute façon, si je fais appel, ça ne marchera pas, on me refusera toujours de sortir… » dit un patient à qui la juge avait proposé de faire appel de la décision. « C’est plus sage » répond-elle. Sage ? Non ! C’est une parole résignée ! Mais surtout pas une parole de sagesse. Qu’est-ce que la sagesse ? C’est de ne pas avoir envie de suicider, c’est d’accepter d’avoir une vie lamentable en silence, c’est de se résoudre à avaler des médicaments qui abrutissent ?

Ce documentaire a soulevé en moi une révolte infinie contre l’institution, contre cette société qui interne des gens contre leur gré, contre les psychiatres qui soignent les malades à coup de médicaments qui détruisent leurs neurones. Etait-ce l’intention du réalisateur ?

Une salariée en détresse de chez Orange raconte son harcèlement au travail et la violence de son arrivée à l’hôpital. Et pour toute réaction : des réponses calibrées, quelques paroles qui se veulent humaines mais qui restent artificielles, des mots stéréotypés. On a envie d’hurler ! Ah mais non, surtout pas, sinon on est pris pour un fou ! Je ne raconterai pas ce que mon ami a subi (et sa compagne qui refusait l’internement), mais cela ressemble étrangement à ce que cette personne décrivait. On a envie d’hurler ! Mais non, il faut accepter en silence ce que la société nous impose. Il faut entrer dans les cases !

Quatre juges ont accepté d’être filmés : deux femmes, deux hommes, la parité est respectée ! Les hommes sont distants, presque résignés, peu impliqués dans leur mission. La plus jeune des femmes ne regarde presque jamais les patients dans les yeux, elle reste fixée sur ses dossiers, et même si elle tente de prononcer des mots rassurants, de poser les bonnes questions, elle ne va jamais au fond des choses. La plus empathique (mot à la mode mais que dire d’autre ici ?) reste la femme la plus âgée, mais c’est celle qui a parlé de sagesse…

Quant aux avocats, ils sont pitoyables, les paroles des uns ressemblent aux paroles des autres, visiblement, ils ne servent à rien. Des pions. Des plantes vertes.

Alors, oui, il y a des patients qui ont besoin de soin, des schizophrènes, des personnes atteintes de pathologies graves, mais toutes ces personnes sont hébétées car assommées par les médicaments. Est-ce ça la solution ?

Il manque peut-être dans ce documentaire des entretiens avec des personnes qui pourraient sortir, des personnes qui n’ont plus leur place dans un hôpital psychiatrique ou des personnes pour qui le juge ne suit pas l’avis des médecins.


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