D’après une histoire (qui aurait pu être) vraie

D’après une histoire (qui aurait pu être) vraie

Cinq branches de coton noir (Steve Cuzor – Yves Sente – Editions Dupuis)

Et si le tout premier drapeau des Etats-Unis d’Amérique cachait un incroyable secret? Lorsqu’une de ses tantes décède à Durham en Caroline du Nord en 1944, la jeune étudiante en histoire Johanna Bolton découvre dans l’étui d’un violon un très vieux journal intime, rédigé en 1777 par une certaine Angela Brown. Celle-ci était la domestique de Betsy Ross, la couturière qui avait été chargée par l’indépendantiste George Washington de réaliser le premier étendard des futurs Etats-Unis d’Amérique. Autrement dit, le fameux « Stars and Stripes » qui, à cette époque-là, ne comporte encore que 13 étoiles au lieu des 50 actuelles. Fascinée par cette découverte, Johanna se rend compte au fil des pages que ce manuscrit contient une révélation qui, si elle est rendue publique, pourrait changer beaucoup de choses pour la cause des Afro-Américains. Dans le plus grand secret, Angela Brown a en effet décider d’ajouter sa touche personnelle à ce fameux drapeau. En hommage à la communauté noire, elle a dissimulé une étoile à cinq branches de coton noir sous la couture d’une des étoiles blanches. Evidemment, ce serait fabuleux de pouvoir retrouver ce drapeau, afin de vérifier si ce qu’a écrit Angela Brown est bel et bien vrai. Le hic, c’est que l’étendard en question a été volé par un mercenaire germanique venu prêter main-forte aux Britanniques lors d’une bataille contre les indépendantistes américains en 1776. Autrement dit, au moment où Johanna fait sa découverte, l’emblème américain se trouve quelque part en Allemagne nazie. Commence alors une opération particulièrement risquée pour récupérer le drapeau. Quatre soldats américains reçoivent pour mission d’aller voler le « star-spangled banner » avec son étoile noire au nez et à la barbe de l’infâme major SS Sigurt Schlupf. Parmi ces soldats se trouve un certain Lincoln Bolton, qui n’est autre que le frère de Johanna.

D’après une histoire (qui aurait pu être) vraie

Si « Cinq branches de coton noir » avait été un film ou une série, il y a fort à parier que cela aurait été une superproduction hollywoodienne! On peut dire, en effet, que Steve Cuzor et Yves Sente n’ont pas ménagé leurs efforts pour faire de ce livre ambitieux de 176 pages une épopée pleine de souffle romanesque. Et même plus que ça, puisque « Cinq branches de coton noir » contient deux histoires en une. Ce roman graphique, qui ressemble à s’y méprendre à une histoire vraie mais qui est pourtant une pure fiction, raconte à la fois l’histoire du premier drapeau américain en 1776 et la mission périlleuse d’une poignée de soldats américains en 1944, avec en toile de fond le débarquement des forces alliées puis la bataille des Ardennes. Sans surprise, les dessins de Steve Cuzor sont magnifiques, aussi bien quand il s’agit de restituer l’Amérique profonde du 18ème siècle que les combats acharnés dans les forêts enneigées des Ardennes. Avec cet album, le dessinateur français prouve qu’il est au sommet de son art. Ce qui est plus surprenant, par contre, c’est le scénario d’Yves Sente. Et on peut dire que c’est une bonne surprise! Dans « Cinq branches de coton noir », le scénariste belge a mis de côté ses deux petits péchés mignons habituels: il signe un scénario qui n’est ni trop bavard ni trop prévisible. Au contraire: à plusieurs reprises, on est véritablement surpris par la tournure des événements. Tout en signant un récit d’aventures passionnant, Yves Sente parvient également à aborder avec beaucoup de justesse le thème du racisme, qui est omniprésent dans l’album, que ce soit aux 18ème ou au 20ème siècle. Sans révolutionner le genre, « Cinq branches de coton noir » est l’une des toutes bonnes sorties de ce début d’année. Voilà un blockbuster dont on ne sort pas déçu!


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