Forbidden

Par Wolkaiw


    Information sur le livre    



Sorti en 2010Titre original : ForbiddenTraduit par Florence Moreau
Editions Milday ( New Adult )

Drame

534 pages
   4eme de couverture    
Maya et Lochan ne sont pas des adolescents comme les autres. Élevés par une mère alcoolique et instable, ils sont livrés à eux-mêmes et n’ont d’autre choix que d’élever seuls le reste de la fratrie. Forcés de devenir adultes plus tôt que prévu, ils se soutiennent dans l’adversité et finissent par tomber amoureux. Lochan se sent seul au monde, et Maya est la seule à pouvoir le comprendre. Conscient de la monstruosité de cet amour, Lochan est prêt à tout pour bâillonner le désir et les sentiments que sa sœur lui inspire. Mais comment résister alors que Maya a besoin de lui autant qu’il a besoin d’elle ? Est-ce un crime de s’aimer si fort ?


        À l'annonce et à l'approche de sa traduction, Forbidden a fait un buzz incroyable, je pense que cela est en parti due aux thèmes qui sont abordés dans le récit. Du bien, du moins bien, des chroniques dithyrambiques ou salées, je crois qu'avec tous les avis présents sur la blogosphère j'avais besoin de me forger ma propre opinion, de comprendre pourquoi ce livre a autant fait parler de lui. Sans même l'avoir lu j'ai été capable d'en parler à une amie qui a souhaité l'acheter et l'a adoré! Une fois sa lecture terminée elle me l'a gentiment prêté afin que je vous ponde la chronique que vous êtes en train de lire.
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     Cette chronique ne ressemblera ni à un éloge ni à une critique salée mais plutôt à un mélange des deux, l'avis d'une fille en difficulté quant à l'idée de mettre des mots sur ce livre. Forbidden possède de grandes qualités mais je n'ai pas été convaincue par l'ensemble du roman, j'en garde un souvenir quelque peu mitigé. Vous donner mon ressenti sur ce livre n'est pas chose aisée mais je vais tenter de faire mon possible.
      L'histoire de Forbidden est intéressante, je n'ai pas l'occasion de lire tous les jours des histoires qui traitent du sujet – tabou avouons-le – qu'est l'inceste. Je suis native d'une région dont un des plus gros clichés est justement l'inceste, voir ce thème mis en mot à susciter ma curiosité. Fordidden c'est l'histoire de la famille Whiteley qui n'est en rien une famille ordinaire, sa situation apparaît pour le moins précaire et instable. Le père a quitté le navire, laissant à son ex-femme le soin de gérer cinq marmots. La mère ne pense qu'à sortir et boire jusqu'à s'en rendre malade, prêtant à peine attention à ses enfants, elle semble ne pas avoir quitté l'adolescence et vit dans une bulle imaginaire. Les plus jeunes bambins, à peine âgés de 5 et 7 ans, sont adorables, deux bouts de chou que le malheur n'a pas épargné. Pour compléter le tableau de cette famille déchirée, nous avons l'adolescent en pleine crise, qui se cherche et ne supporte pas l'autorité. Et enfin, parce que sinon l'histoire de Forbidden n'aurait pas lieu d'être, enfin nous avons les deux grands, frère et sœur qui ne se sont jamais considérée comme tels, je vous présente : Lochan et Maya.
 « Quelque chose s'est brisé en moi. Je n'ai plus l'énergie nécessaire pour respirer correctement. Continuer de respirer, c'est continuer de vivre et donc de souffrir. Je n'en peux plus ! »

      Le contexte de cette famille est, comme vous l'aurez compris, plus que compliqué. Maya et Lochan vont devoir assumer et assurer un rôle semblable à celui du père et de la mère de famille. Afin d'aborder quelque chose d'aussi sensible et délicat que l'inceste, l'auteure a choisi l'alternance des points de vue, Lochan puis Maya, Maya puis Lochan, certes cela dynamise le récit, mais d'un autre côté j'ai eu l'impression que tout n'en était que plus alourdi, presque redondant par moments. Je pense surtout que ce qui m'a gêné dans cette lecture, ce n'est pas tant le sujet abordé mais plutôt le dosage des émotions. Ce livre compte plus de 500 pages, un beau petit pavé en soi, mais durant les 470 premières pages, je n'ai rien ressenti, je n'ai pas réussi à éprouver le moindre sentiment, que ce soit de tendresse, de pitié ou de colère envers les personnages. J'ai lu l'histoire tout en restant presque stoïque, me demandant quand cela allait enfin démarrer. Tabitha Suzuma prend le temps de poser les bases d'un contexte difficile, mais j'ai trouvé cela beaucoup trop long, j'ai parfois eu l'impression de tourner en rond. Tout cela pour nous amener à une fin larmoyante à souhait ! Ce final c'est un trop-plein d'émotion qui donne envie de pleurer toutes les larmes de son corps. Sorte de condensé de toutes les émotions retenues par l'auteure durant la lecture. Je suis moyennement fan de ce procédé, cela me semble un peu too much.
     Cela dit, ces longueurs qui m'ont plus d'une fois donné envie de refermer le livre nous permettent d'entrer véritablement dans le quotidien de la famille Whiteley. On peut observer et tenter d'analyser les liens entre chacun, admirer cette volonté de Lochan et Maya de protéger à tout prix leur famille. J'ai eu envie de m'attacher aux personnages, surtout à ces deux adulescents, leur amour interdit leur confère un certain statut, un statut auquel peu de personnes dans ce monde pourra un jour avoir accès. Ce que j'ai apprécié dans cette romance que l'on peut qualifier d'hors-normes, c'est la pudeur avec laquelle tout cela est évoqué. Leur relation est décrite avec énormément de douceur et de pudeur, je n'ai pas eu l'impression d'être une voyeuse mais plutôt la confidente de leur premier émoi, de leur trouble mais surtout de la passion qui les animait. Cela aurait pu être touchant mais je crois que le fait de tourner en rond m'a agacé.
« Le dur et long chemin que fut ma vie jusqu'ici menait donc à ce moment. Je l'ai suivi aveuglément, en trébuchant, en m'éraflant, lasse, sans savoir où mes pas me conduisaient, sans même me rendre compte que chacun d'eux me rapprochait de la lumière, celle que l'on trouve au bout d'un long tunnel. Et maintenant que je l'ai atteinte, qu'elle m'enveloppe, je veux la graver dans mon souvenir pour y repenser comme le moment où ma nouvelle vie commença vraiment. Tout ce que j'ai désiré, ici, maintenant, est contenu dans cet instant. le rire, la joie, cet amour immense que nous partageons. C'est l'aube du bonheur. C'est maintenant que tout commence, me redis-je. »
      Tabitha Suzuma a opté pour un style relativement simple, accessible au plus grand nombre, afin de raconter une histoire qui n'a rien mais absolument rien de simple. Une atmosphère lourde et une certaine tension règnent sur ce livre, ajoutant une touche encore plus dramatique au récit. De nombreuses situations compliquées jalonnent ce livre, déstabilisant le lecteur qui ne sait ce qu'il doit penser de telle ou telle action, de telle ou telle réflexion. Certains ont qualifié ce livre de dérangeant voire de gênant, je peux comprendre cela mais je ne comprends pas pourquoi cela a provoqué un tel scandale.
      Je pense que le coup de génie de l'auteure réside dans sa capacité à nous interroger sur cette amour interdit. À travers cette histoire c'est le poids du regard que porte la société sur ce genre de relation qui est mis en avant, un regard accusateur souvent porté sans connaissance de cause. La loi punit les relations incestueuses, mais a-t-on le droit d'interdire un amour entre un frère et une sœur à partir du moment où cette passion est consentie par les deux partis ? A-t-on le droit d'empêcher deux personnes de s'aimer ? Pourquoi l'amour est-il une chose à la fois si belle et cruelle ? C'est là toute la question du livre, une belle question qui vous fera peut-être voir certaines choses autrement.
    Forbidden c'est une belle histoire mais une histoire qui met trop de temps à se mettre en place. J'ai trouvé les émotions mal dosées, le dénouement arrive trop tard, provoquant une fin sans doute précipitée et trop intense, comme si on avait enfin crevé l'abcès. La relation entre Lochan et Maya est évoquée avec pudeur, tout en douceur, c'est sans doute ce qui m'a permis d'accrocher à l'histoire. Ce livre propose donc une belle réflexion sur l'amour et sur l'inceste, sur le regard des autres et l'autorité inconsciente que la société exerce sur nous.