Dans la peau d'un auteur ou d'une autrice jeunesse

Aujourd'hui, je ne vais pas vous parler de comics à proprement parlé mais de littérature en générale. En soit, c'est un article grognon assez particulier mais à propos d'un sujet qui me tient à cœur : la rémunération des artistes.
L'année dernière, la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse a profité du Salon du Livre et de la Presse Jeunesse de Montreuil pour sensibiliser le grand public à la réalité économique des écrivains avec une campagne d'affiches montrant des artistes de livres pour enfant au quotidien.

Dans la peau d'un auteur ou d'une autrice jeunesse

Le message est sans équivoque : il est difficile pour les auteurs et les autrices jeunesse de gagner sa vie ne serait-ce pour acheter un kilo de bananes. Il y avait d'autres affiches sur la page Facebook de La Charte.

Si je vous en parle aujourd'hui, c'est que l'association recommence l'opération à l'occasion du même salon qui se tient à Montreuil le week-end prochain. Cette fois, elle fait appel à des comédiens dont Anne-Élisabeth Blateau qui interprète avec brio une illustratrice de livres pour enfants qui a du mal à gérer vie personnelle et boulot.

Le constat est assez clair : notre loisir - et celui de nos enfants - ne rapporte pas grand chose aux artistes qui les réalisent.

Lors de Comic Con Paris cette année, j'ai pu assister au panel #VisibleWomen qui s'intéresse à la femme dans l'industrie de la BD. Parmi les intervenantes, on trouvait des autrices, à savoir Stephanie Hans et Clotilde Bruneau, qui ont justement parlé des conditions de travail pour les autrices - mais aussi les auteurs - de bande-dessinée en France ainsi que le système d'à-valoir cité dans la première vidéo ci-dessus. Si les chiffres peuvent variés en fonction du genre de littérature, il ne reste que les principaux acteurs et les principales actrices de la qualité d'un livre sont les moins payé*e*s.

On pourrait faire le même constat dans d'autres domaines artistiques comme la musique où les musicien*ne*s sont moins bien payés que les producteurs, ou au cinéma pour les acteurs, les actrices, les metteurs et les metteurs en scène. A moins, forcément, d'être célèbres puisque cela change du tout au tout. Et, encore, cela dépend du sexe de la personne puisque dans ces domaines, il y a également une différence de revenue entre les femmes et les hommes.

Aux Etats-Unis, concrètement, les revenus sont plus élevés qu'en France mais ce n'est pas pour autant qu'ils gagnent bien leur vie. On rappelle qu'ils ont de nombreuses charges à déduire de leur salaire et que, bien rarement, ils ont des assurances maladies capable de couvrir leurs frais médicaux en cas de grave maladie comme l'ont prouvé les histoires de la femme de Stan Sakai ( Usagi Yojimbo) et de Bill Mantlo, le co-créateur de Rocket Raccoon.

Pour bien comprendre ce que gagne les auteurs et les autrices de comics, voici un schéma que j'ai emprunté au blog officiel de Jim Zub, le scénariste de Uncanny Avengers.

Dans la peau d'un auteur ou d'une autrice jeunesse

Pour un comicbook mainstream, à savoir publié par Marvel, DC, IDW ou BOOM!, voici donc la part de répartition sur une vente d'un comicbook single. Cela donne pour un fascicule à $3.99 à la vente :

  • 0,44 cents pour l'éditeur, la communication et l'équipe créative. L'équipe créative est tout de même constituée d'un scénariste, d'un dessinateur, d'un encreur, d'un coloriste et d'un lettreur. Réparti avec l'éditeur et la publicité, il ne reste pas grand chose aux autrices et aux auteurs. Cela explique également pourquoi sur les comics à risque ou ceux qui se vendent moins bien, l'équipe créative est moins attrayante sur papier pour que les auteurs et les autrices ne plombent pas la part réservée à l'éditeur. C'est aussi la raison pour laquelle, ces BD sont moins mis en avant en terme de communication.
  • 1,04 cents pour l'impression. Comme le précise l'auteur du graphique, ce prix peut varier en fonction du type de papier, la différence étant reversée ou imputée à la partie ci-dessus.
  • 0,64 cents pour les distributeurs qui s'occupe des frais logistiques et cela finance également les outils professionnels et les magazines comme Previews World.
  • 1,87 cents pour les revendeurs ce qui peut paraître beaucoup pour les chaînes de comicshops américains mais qui l'est moins pour les propriétaires indépendants.

Mais, nous le notons, la plus petite part revient aux créatifs - incluant même la maison d'édition - et, donc, à celles et ceux qui font qu'on aime les comics.

Heureusement, des éditeurs sont conscients de ce problème et essaient de revaloriser le salaire des auteurs, à l'instar d'Image Comics dont les proportions pour un numéro vendu ressemblent plutôt au graphique ci-dessous.

Dans la peau d'un auteur ou d'une autrice jeunesse

L'équipe créative reçoit presque 1 dollar par fascicule vendu... Bon, il s'avère qu'elle est plus grande que celle des comics mainstream puisque l'équipe éditoriale n'est pas composée de salariés de la maison d'édition. Image Comics arrive à faire des économies en imprimant moins de livres par mois, le distributeur a donc moins de copies à entreposer et le revendeur à mettre sur ses étales.

Il est donc difficile de savoir ce que gagne précisément un auteur ou une autrice de comics mais nous en avons bien dans l'idée que ce n'est pas grand chose au final.