Un nouveau Pullman? Revisons les précédents

Un nouveau Pullman? Revisons les précédents

Philip Pullman. (c) BBC.


Un nouveau Pullman? Revisons les précédentsLa nouvelle agite depuis le printemps la planète littérature de jeunesse. Et à raison. Vingt-deux ans après la publication en anglais du premier tome de la trilogie "A la Croisée des Mondes", soit en 1995, Philip Pullman revient avec le premier livre d'une nouvelle saga, "La Trilogie de la Poussière" ("The Book of Dust"). "La Belle Sauvage" (traduit de l'anglais par Jean Esch, illustré par Chris Wormell, Gallimard, 544 pages) sera en librairie le 16 novembre.
Comme il l'avait promis à la parution du dernier tome d'"A la Croisée des Mondes", Philip Pullman revient au cœur de son univers. Il nous emmène là où tout a commencé, dix ans avant "Les Royaumes du Nord". "La Belle Sauvage" raconte la première année de la vie de Lyra. On y rencontrera, dans leur jeunesse, des personnages bien connus comme Lord Asriel et Mme Coulter, et on découvrira, au milieu d'une galerie de nouveaux personnages, deux magnifiques jeunes héros: Malcolm, 11 ans, et Alice, 15 ans.
A l'Auberge de la Truite, tenue par ses parents, Malcolm voit passer de nombreux visiteurs. Tous apportent leurs aventures et leur mystère dans ce lieu chaleureux. Certains sont étrangement intéressés par le bébé nommé Lyra et son dæmon Pantalaimon, gardés par les nonnes du prieuré tout proche. Qui est cette enfant? Pourquoi est-elle ici? Quels secrets, quelles menaces entourent son existence? Pour la sauver, Malcolm et Alice doivent s'enfuir avec elle. Dans une nature déchaînée, le fragile trio embarque à bord de La Belle Sauvage. Tandis que despotisme totalitaire et liberté de penser s'affrontent autour de la Poussière, une particule mystérieuse, deux jeunes héros malgré eux, liés par leur amour indéfectible pour la petite Lyra, vivent une aventure qui les changera pour toujours.
Pour lire le début de "La Belle Sauvage", c'est ici.
Un nouveau Pullman? Revisons les précédentsAvant de se lancer dans cette nouvelle trilogie, vérifions vite qu'on se souvient bien de la précédente, l'épatante saga en trois tomes "A la croisée des mondes" ("Northern Lights", 1995, "Les Royaumes du Nord", 1998, "The Subtle Knife", 1997, "La Tour des Anges", 2000, "The Amber Spyglass", 2000, "Le miroir d'ambre", 2001, tous traduits de l'anglais par Jean Esch, Gallimard).
Chacun des tomes ressort en version poche en Folio Junior et l'intégrale en belle édition.
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J'avais eu le grand plaisir de rencontrer Philip Pullman à Paris en mars 2001, à l'occasion de la parution en français du troisième tome de sa formidable trilogie "A la croisée des mondes".
Voilà ce que j'avais écrit à l'époque.

Lyra, nouvelle Eve lyrique

Avec "A la croisée des mondes", Philip Pullman signe une trilogie ambitieuse et captivante 


Des barrières Nadar en plein Salon du livre parisien. Au stand Gallimard Jeunesse. Une émeute? Non. Un auteur? Oui. J.K.Rowling, créatrice de Harry Potter? Non. C'est un autre Britannique, Philip Pullman, 54 ans (NDLR alors), qui a traversé la Manche pour signer le dernier tome tout chaud de sa formidable trilogie intitulée "A la croisée des mondes". En quatre heures, il en a dédicacé trois bonnes centaines!
Cette grande fresque lyrique (1.300 pages), rigoureuse et fantaisiste, dynamique et originale, bouleversante aussi, connaît un beau succès en France: fin février, 160.000 exemplaires des deux premiers tomes avaient été vendus (55.000 en belle collection et 108.000 en poche).
Curieusement, la Belgique n'a pas encore fait la fête à l'épatante saga littéraire, enfin complète: 2.500 exemplaires du tome I écoulés, 2.200 du tome II, toutes éditions confondues. Les passeurs de livres la font-ils connaître chez nous? La sortie du dernier volume leur donne l'occasion de se rattraper. Car les heures passées à lire Lyra, préadolescente qui vit dans un autre monde, que l'on ait 12, 13 ans, un peu moins ou beaucoup plus, valent vraiment la peine.
L'épopée mêle habilement politique, religion et science en les traitant sur les modes de l'aventure, de l'heroic fantasy et de la science-fiction. Liant différentes intrigues, elle raconte le destin de Lyra Parle-d'Or, investie d'une mission fondamentale: donner un avenir plus libre et plus sage à l'humanité, la libérer du joug religieux. Lyra est une nouvelle Eve. Elle revisite l'idée du paradis perdu, du péché originel et de la chute qui en a résulté. Dans "Le Miroir d'Ambre", elle se rend, avec son compagnon Will apparu dans "La Tour des Anges", dans le monde des morts pour reconduire les défunts perdus à la lumière. La relation des enfants change. Ils s'aiment d'un premier amour. Une maturation qui va de pair avec leur parcours initiatique personnel: ils perdent leur innocence pour acquérir la sagesse.
Pullman encourage chacun à être acteur de sa vie et de son destin. Il stigmatise les obscurantismes religieux sans se soucier des ligues conservatrices. Mais sa trilogie n'est pas un traité philosophique. C'est avant tout une histoire passionnante qui met en place de multiples récits entrecroisés, qui aligne une géniale galerie de portraits, humains et autres (sorcières, anges, ours en armure, harpies, spectres, animaux étranges...). Sans négliger les questions fondamentales du bien, du mal, du pouvoir, du libre-arbitre...
Raconteur d'histoires prodigieux, Pullman séduit dès les premières lignes des "Royaumes du Nord": écriture de qualité, originalité de ton, propos intelligent et intrigue menée à un rythme d'enfer. Dans le monde de Lyra, proche du nôtre mais différent, les personnages ont des "dæmons" (prononcez démons), alter ego animaux dont ils sont inséparables. Les dæmons des enfants se métamorphosent sans cesse jusqu'à l'adolescence où ils acquièrent leur forme définitive. Pullman multiplie les objets surnaturels, comme le poignard subtil ou l'aléthiomètre, sorte de boussole qui répond aux questions de façon sibylline. Il invente des mots, déroutants, dont le sens se dégage du contexte: courant ambarique pour électrique par exemple. Enfin, il fait coexister des mondes parallèles qui communiquent entre eux par des fenêtres.
Philip Pullman offre, comme J.K.Rowling, de l'excellente lecture mais en plus de la vraie littérature.

Humaniste et raconteur d'histoires

ENTRETIEN
Vous considérez-vous comme un écrivain pour la jeunesse?
Je suis un raconteur d'histoires au sens romantique du terme. Comme un conteur sur un marché ancien. Je raconte mes histoires dans un coin, sans avoir d'écriteau disant "Interdit aux femmes", "Pour enfants seulement" ou "Pour adultes seulement". Tous ceux qui passent, enfants, adultes, vieilles personnes, chiens, chats, pigeons, peuvent s'arrêter et écouter.
Quel a été votre parcours?
J'ai été instituteur pendant douze ans: j'enseignais à des enfants de 11-12 ans. J'écrivais déjà des histoires et je les racontais en classe. Je me suis ainsi rendu compte que j'étais assez doué pour raconter des histoires. Pas celles qui font rire mais celles qui passionnent l'imaginaire des enfants.
Vous signez avec la trilogie une œuvre ambitieuse.
Je pense que les jeunes lisent facilement ces 1.300 pages, d'abord parce qu'ils ont envie de savoir la suite de l'histoire. Ensuite parce que, contrairement à beaucoup d'auteurs, je ne sous-estime pas l'intelligence de mon public. Mes lecteurs sont au moins aussi intelligents que moi, peut-être moins cultivés. Raison pour laquelle je leur explique des choses, mais en les considérant à mon niveau.
Y a-t-il un message que vous voulez faire passer dans vos livres?
Non, je raconte simplement une histoire. Si je le fais bien, le lecteur apprendra quelque chose. Les valeurs que je veux défendre sont le respect de l'autre, la confraternité, l'amour des gens, la curiosité et l'amour pour le monde physique.
Que pensez-vous de la lutte du bien contre le mal?
Mon livre ne parle pas de bonnes ou de mauvaises personnes, mais de bonnes ou de mauvaises actions, de choses qui ont des conséquences heureuses ou non. Très souvent, des lecteurs me demandent "Qui sont les bons, les méchants, qu'est-ce qui est bien ou mal dans vos livres?". Je ne suis pas là pour mettre des étiquettes. Il faut juger les gens sur leurs actes, dans le contexte, voir si ce qu'ils font apporte du bien ou pas. Voyez Serafina Pekkala, la sorcière, et ses sœurs: elles ont de bonnes actions alors que, dans l'imaginaire des gens, elles sont considérées comme mauvaises.
Le premier tome est sorti (en anglais) en 1995, le second en 1997, le troisième seulement en 2000. A-t-il été plus difficile à écrire?
Il a plus de pages et est le dernier de la trilogie. Je voulais y rattacher toutes les histoires développées dans les deux premiers tomes, sans en oublier, conserver l'unité de ton du récit, l'atmosphère des personnages entre eux et arriver à une conclusion.
Vous avez dit qu'il n'y aurait pas de quatrième tome.
Oui, l'histoire de Will et Lyra est finie. Mais... ces mondes regorgent de plein d'histoires que j'ai envie de découvrir. Je pense donc qu'il y aura d'autres livres dans ces mondes.
Vos thématiques principales sont fortes: le bien, le mal, la liberté...
Je m'intéresse beaucoup à l'être humain, au passage de l'enfance à l'âge adulte et surtout à l'acquisition de la sagesse. Le but ultime de la vie est d'arriver à la sagesse. Ce long apprentissage ne se fait pas comme ça. Il faut réfléchir, utiliser son intelligence, ne pas confondre innocence et sagesse. L'un est l'inverse de l'autre. Pour devenir sage, il faut se débarrasser de son innocence.
C'est quoi être sage?
Etre content de ce qu'on est, mais pas satisfait de ce qu'on a fait, avoir toujours envie de faire autre chose et mieux. En se méfiant de ne pas se donner de but impossible sous peine d'être malheureux. Samuel Beckett disait: "Essaie encore, échoue encore, mais échoue mieux cette fois-ci."
Etes-vous un humaniste qui a triomphé de la tyrannie du dogme religieux?
Je suppose que je suis un humaniste et un optimiste. Mais je suis aussi un réaliste, un pragmatique et... (silence) je ne sais pas. Tout ce que je sais faire, c'est raconter mes histoires. Si mes livres peuvent donner un exemple de façon de vivre, c'est bien. Selon Samuel Johnson, écrivain britannique du XVIIIe siècle, les livres n'ont qu'une fonction: rendre les gens heureux et les aider à supporter la vie. J'essaie de faire de même.

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Les chiffres actuels de la trilogie "A la croisée des mondes".



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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois