Cinéma – Marion Cotillard

Par Guillemette @Guillemette_AB

Mon dernier petit « cycle » était consacré à cette actrice que, ne suivant guère les films récents, je ne connaissais pas vraiment à ce jour.

Bien sûr, mon premier choix a été La Môme. On ne présente plus ce récit de la vie d’Édith Piaf. J’avais beaucoup entendu parler de la performance de Marion Cotillard, et je n’ai pas été déçue… Elle s’est vraiment glissée dans le rôle de façon très puissante, dans le jeu mais aussi de manière purement physique, avec cette posture très particulière, cette voix gouailleuse. Dans la peau de la chanteuse vieillie, abîmée par les souffrances du corps et de l’âme, elle était proprement déchirante.

J’ai découvert beaucoup de choses sur la vie de Piaf, notamment son enfance — en partie sur les routes avec son saltimbanque de père, en partie dans la maison close de sa grand-mère, dont les filles seront les premières à s’occuper d’elle avec attention et tendresse. Ces relations-là, tout particulièrement, m’ont bouleversée. Et puis bien sûr, il y a l’amour — avec Cerdan, le seul que le film retiendra, et dont la disparition tragique sonnera le début de sa déchéance.

J’ai beaucoup aimé ce film, mais j’avoue en être ressortie avec un certain sentiment de frustration. J’ai le sentiment qu’il m’aurait fallu être plus intime avec Piaf — autant sa vie que sa façon d’être, de bouger, de s’exprimer — pour l’apprécier vraiment à sa juste valeur. Le début mis à part, les scènes s’enchaînent de manière non chronologique, au fil des réminiscences de la chanteuse en fin de vie. J’aurais voulu saisir plus facilement certaines références, reconnaître les grandes figures qui l’ont entourée au lieu de ne faire que tout découvrir (ainsi que voir davantage développer ses relations avec Simone Berteaut, son amie de toujours, ou le parolier Raymond Asso). Quelque part, je m’en voulais un peu car Édith Piaf est tout de même une immense figure de la chanson française ! Et puis bien sûr, il y a beaucoup de « tri » car une existence aussi riche ne peut tenir en deux heures de film, il a fallu faire une sélection — conserver les moments les plus forts, qui la définissaient le plus aux yeux du réalisateur. Mais le résultat restait vraiment puissant.

Je suis ensuite passée aux Petits Mouchoirs de Guillaume Canet. Là, florilège d’acteurs en plus de Marion : Jean Dujardin, François Cluzet, Benoît Magimel, Gilles Lellouche, Laurent Lafitte, Valérie Bonneton, un clin d’œil de Matthieu Chedid… Cette tranche de vie à la fois drôle et déchirante me faisait aussi envie depuis un moment. Sans l’avoir vu à l’époque, j’y avais même trouvé un brin d’inspiration pour mon premier roman La Houleuse, où mes personnages se retrouvaient aussi dans une maison en bord de mer… 2012 déjà, ça date un peu. (Bonjour Tristesse était une autre référence dans un coin de ma tête.)

Revenons au film. Il commence dur, très dur, avec un sérieux accident de voiture de Ludo (Jean Dujardin). Son groupe d’amis s’apprêtait, comme tous les ans, à partir avec lui en vacances dans la maison de l’un d’eux. Finalement, ils décident de maintenir leurs plans, quitte à rentrer un peu plus tôt… Pendant tout le film, Ludo est en arrière-plan, faisant l’objet parfois de quelques allusions. Pendant ce temps, des couples se font et se défont, des illusions tombent. Benoît Magimel réalise de plus en plus son attirance pour François Cluzet, alors que tous deux sont mariés avec enfants — et commet l’erreur de l’avouer, provoquant un rejet très violent de son ami. Laurent Lafitte emm… le monde avec les éternels textos de son ex, tandis que Gilles Lellouche et Marion Cotillard réalisent, tous deux différemment, leur incapacité à s’engager en amour…

Ce n’est rien, et pourtant c’est tout. Les aléas de la vie, des rires, des déchirures, des brins de vie tout simples mais empreints d’émotion. Des erreurs, des êtres qui se manquent… Ils sont beaux, heureux, pleins de vie, tous ces gens rassemblés autour d’une table, ils ont l’air tellement unis. Mais au fond, se connaissent-ils vraiment, les autres et eux-mêmes ? Au fond, où vont-ils ?

À l’enterrement de leur ami, mort seul à l’hôpital : c’est la claque finale, celle qui coupe le souffle. Parce qu’en perdant un peu de temps, en ne réalisant pas l’essentiel, on est toujours puni.

Après, il faut juste essayer de se reconstruire, d’avancer quand même, avec ça.

J’ai vraiment passé un joli moment avec ce film — je le recommande. Une comédie comme je les aime, en majeure partie légère, mais pleine d’âme — alternant entre le sombre et la lumière, parce que la vie est faite ainsi.

Enfin, le fulgurant De rouille et d’os. Je ne dirai pas que je n’étais pas prévenue, le thème est violent : la reconstruction de Stéphanie, une dompteuse d’orques ayant perdu ses deux jambes dans un terrible accident. Là aussi, très puissante performance de Marion Cotillard, dans le drame absolu qui vient bouleverser sa vie, mais aussi et surtout dans la manière dont petit à petit, elle rentre de nouveau en possession de son corps.

Le début est physiquement très éprouvant, encore plus que je ne m’y attendais. Le handicap est abordé avec lucidité et franchise : d’abord le tremblement de terre absolu, puis la reconquête, étape par étape. Les premières fois vous étreignent le cœur : nager à nouveau, refaire l’amour, deux scènes où on la voit danser sur son fauteuil. Et surtout, il y a les prothèses qui lui permettront de se relever, de marcher, de conduire. L’envie de vivre revenue en elle, Stéphanie ne s’interdit rien et avance la tête haute, marquée dans sa chair, mais pas diminuée. Elle se fait même tatouer les cuisses, au summum du symbole.

Je parle là de la moitié du film, parce que ce voyage humain est à couper le souffle, parce que j’avais littéralement du mal à respirer dans certaines scènes du départ. La souffrance ici dépeinte est radicale, brutale, irrémédiable : elle prend forcément le devant de la scène. Mais De rouille et d’os est en fait un duo : pas de Stéphanie sans Ali, brillamment incarné par Matthias Schoenaerts.

Ali, c’est un personnage insaisissable : peu de mots, mais une densité assez insondable, qui s’exprime surtout par son regard, sa présence physique. Ali arrive un jour en ville avec son fils de 5 ans, venant d’on ne sait trop où. Il se pose chez sa sœur, qu’il laisse en majeure partie s’occuper du petit Sam, travaille à droite et à gauche dans la sécurité. C’est dans la boîte où il bosse en tant que videur qu’il croise Stéphanie, avant le drame. Après, encore dans sa période de perdition, elle le rappelle, comme ça, au hasard… C’est lui qui la poussera, pour la première fois, à sortir. C’est lui qui l’emmène nager, lui redonnant, un peu sans le savoir, la première pulsion vitale.

Entre les deux personnages, un lien particulier se tisse, qu’on aurait autant de mal à définir qu’Ali lui-même. Il y a du sexe, mais il n’y a pas que le sexe ; ni que de l’amitié, ni vraiment de l’amour… C’est un homme qu’on ne fixe pas, qui parle peu et déteste se justifier. Un homme pas forcément doué pour s’occuper des autres, a fortiori d’un enfant, mais qui trouvera parfois instinctivement le geste juste. Un homme dont le regard d’acier dit beaucoup de choses… Et puis quelqu’un qui porte en lui une grande violence, qui va au-delà de ses limites dans la boxe (une boxe « de rue », sans gants, sans règles, qui vous laisse par terre… peut-être plutôt du catch ou de la lutte d’ailleurs, Internet ne me l’a pas confirmé). À la fin du film, c’est lui qui se perd et se retrouve, alors que Stéphanie est redevenue elle-même à part entière. Lui aussi fait un voyage en lui-même, et en ressort marqué.

Donc voilà, celui-là m’a laissée par terre… Et j’enchaîne encore avec du lourd : Sous le soleil de Satan, Sans toit ni loi, Rendez-vous. Ça ne va pas rigoler dans les chaumières, mais j’avoue, j’aime le dramatique 😉

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