Histoire d'une mère, Amanda Prowse

Quand on tombe par hasard sur un roman dont on n'avait jamais entendu parler, et qu'il vous met une claque (pas littéralement, sinon ma journée serait vraiment moisie, et mon avenir s'annoncerait sous de sombres auspices, parce que je ne suis pas sûre de vouloir vivre dans un monde où les livres sont physiquement violents)...
Histoire d'une mère, Amanda Prowse
Libres pensées...
Jessica est une épouse comblée, heureuse aux côtés de Matt, un jeune et brillant avocat qui l’aime passionnément, et voit en elle davantage qu’une compagne, la mère de ses futurs enfants. Aussi, lorsque Jess tombe enceinte, le bonheur de Matt est manifeste. Pourtant, le sien est moins évident : rapidement, la grossesse s’avère difficile, et la naissance de Lilly conforte le malaise de Jess, qui ne ressent pas d’attachement pour sa petite fille et est assaillie d’idées noires. Autour d’elle, son entourage n’a de cesse de souligner sa situation idéale et son bonheur indiscutable, ignorant les difficultés que traverse Jess.
Histoire d’une mère est un récit dérangeant, qui bouscule son lecteur en créant une proximité avec un personnage d’anti-héros par excellence, la mère matricide. La rupture est brutale, entre l’idylle heureuse vécue par les deux protagonistes avant qu’ils n’aient un enfant, et le quotidien de Jessica une fois enceinte, puis maman. L’auteur aborde un sujet grave, la dépression d’une jeune femme qui ne parvient pas à établir un lien émotionnel avec son bébé, et la culpabilité qui la ronge, encouragée par un entourage qui ne comprend pas ce qui lui arrive. La solitude et les émotions paradoxales sont habilement retranscrites, et le récit est suffisamment bien mené pour que le lecteur ne soit pas dans une posture de juge manichéen.
Grâce à une progression maîtrisée, basée sur l’alternance entre le récit suivant les événements chronologiques, et les extraits d’un journal rédigé dans un « temps présent » par Jessica, et qui fait allusion aux extrémités qu’elle a atteintes, l'auteur crée un effet d'annonce qui est en réalité une tension à laquelle le lecteur est sensible.
En outre, alors que l’on aurait pu être prompt à juger Jess, qui paraît tantôt immature et égoïste, tantôt meurtrie et isolée, le récit tend plutôt à encourager la compréhension, l’empathie, sans pour autant justifier les actes commis par la protagoniste. En effet, le lecteur ne reste pas de marbre face à l'histoire de Jess, qui fait référence à une expérience partagée par beaucoup - le fait de devenir parent -, et en offre une vision moins enchanteresse que ce qui est habituellement transmis dans la littérature, le cinéma, ou tout simplement les mœurs. Il n'était pas évident de livrer ainsi un personnage à la vindicte populaire, car l'on peut poser l'hypothèse qu'une femme ne démontrant pas d'instinct maternel constitue pour certains une aberration de la nature, et c'est pourtant ce qui fait l'intérêt du récit, qui repose sur un parti pris courageux, et nous pousse dans nos retranchements : est-il si naturel que cela d'être une mère ou un père?
A ceux que la question titille, je vous invite à lire le livre d'Amanda Prowse...
Pour vous si...
  • Vous hésitez un peu sur la question des bébés (pour ou contre)
  • Vous cherchez une blague à faire à votre cher et tendre

Morceaux choisis
"Peu importe. Il n'y a qu'une règle : reste allongée sur le dos et pense à la grandeur de l'Angleterre. Ne dis pas un mot, ne bouge pas, et ça devrait être fini avant que tu aies réussi à chanter le deuxième couplet de God save the Queen. Dans ta tête, bien sûr. Pas à haute voix, ça, c'est totalement interdit. Pigé?"
"_On ne peut pas savoir à l'avance combien les enfants changeront notre vie, pas vrai? Je veux dire, on se représente seulement le bon, la joie, le bonheur, mais suppose qu'ils apportent du malheur, de la tristesse, un deuil... C'est un pari, non?
_Oui, sans doute. Mais le jeu en vaut la chandelle, Jess, répondit-il en lui pressant la jambe.
_Oh, oui! convint-elle en plaçant sa main sur celle de Matthew. Ça vaut le coup."
"Ce qui ennuyait le plus Jessica, c'est que tout le monde semblait trouver facile, instinctif, de s'occuper d'un nouveau-né, même Polly. Pourtant, pour elle-même, rien de tout ça n'était naturel. Pendant sa grossesse, elle avait supposé qu'elle ressentirait ce que tout le monde lui prédisait : qu'après un seul regard à son bébé, sa chair et son sang, elle tomberait amoureuse.
A moins que..."
Note finale4/5(excellent)

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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois