Sauver les meubles

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En deux mots:
Un photographe chargé du catalogue d’un grand marchand de meubles va trouver un dérivatif en shootant des scènes porno.

Ma note:
★★★ (bien aimé)

Sauver les meubles
Céline Zufferey
Éditions Gallimard
Roman
240 p., 19 €
EAN : 9782072730382
Paru en août 2017

Où?
Le roman se déroule vraisemblablement dans la région parisienne.

Quand?
L’action se situe de nos jours.

Ce qu’en dit l’éditeur
Photographe aux ambitions artistiques déçues, le narrateur est engagé par une entreprise de meubles pour réaliser des photos de catalogue. Humilié d’être obligé de mettre son talent au service de la consommation de masse, il cherche en vain du répit dans la compagnie de Nathalie, qui pose dans les décors qu’il photographie, ou dans celle d’un autre modèle, une fillette surnommée Miss KitKat, chaperonnée par son horrible mère. Il va se laisser tenter par la voie de la transgression quand un collègue lui proposera de participer au lancement d’un site pornographique à prétentions esthétiques…
Sauver les meubles est un roman de la solitude contemporaine. Le ton caustique du récit, souvent très cru et plein d’humour, décrit notre univers fait de faux-semblants, de clichés, de fantasmes. Dans un tel monde, est-il encore possible d’être libre?

Ce que j’en pense
Dans le monde de la communication, les apparences prennent souvent le pas sur la réalité. D’où l’émergence de communicants chargés de mettre en valeur des personnes, des idées, des objets. Les discours deviennent alors le plus lisse possible de peur de heurter qui que ce soit, les valeurs sont aseptisées et les objets sont «contextualisés», pour utiliser le jargon employé dans ces cabinets-conseil et agences de publicité. Car depuis des années, on vend la promesse de belles soirées entre amis plutôt qu’une table de jardin ou un barbecue, un paradis pour enfants plutôt qu’un lit et une armoire.
Céline Zufferey a choisi de nous montrer l’envers du décor, d’explorer les coulisses de la création du catalogue de l’un des plus grands marchands de meubles. Elle met en scène un photographe qui ne peut vivre de son art, «obligé de passer de l’autre côté pour payer mon studio et la maison de retraite de mon père, dans le camp de la photo fonctionnelle.» et se voit contraint d’accepter cet emploi au sein du département chargé du catalogue, pièce-maîtresse du plan marketing de l’enseigne. Après avoir fait connaissance de «l’équipe formidable» qui l’entoure, le voici à pied d’œuvre. En plein été, Voici venu le moment du catalogue de fin d’année: « L’œil dans le viseur, l’illusion est parfaite, impressionnante: je suis dans le salon d’un chalet, ce chalet se trouve à la montagne, entouré de sapins immenses et de neige épaisse. Je sentirais presque la chaleur des flammes dans la cheminée si j’arrivais à oublier le rugissement de la machine qui crache des flocons.
Je me rappelle les photos placardées sur les bus : des plans larges, bien droits, mettre en avant le produit, valoriser le tapis à poil court, trouver le meilleur profil de la table à cent trente-neuf euros. Je cherche le cadrage qui réveillera chez le badaud la fibre du consommateur. » Si le narrateur est frustré, il se plie pourtant aux règles et va même trouver en Nathalie, l’un des modèles chargés de vendre l’illusion, une alliée. De quoi agrémenter un quotidien très normé.
Parmi les autres employés, Christophe s’ennuie également. Mais a une idée qui pourra leur permettre de se distraire, tout en se faisant un peu d’argent: monter un site pornographique. Rendez-vous est pris avec des acteurs professionnels et très vite les photos du narrateur rencontrent leur public. Vient alors le moment où il faut expliquer à Nathalie la nature de ce second job. Mais de peur de la heurter, notre narrateur va préférer taire ses activités.
Reste l’intuition féminine ou plutôt la perception d’un changement de comportement. Quelque chose se détraque dans ce beau monde aussi artificiel que parfait. Par petites touches, en juxtaposant le travail du catalogue avec celui du studio X, l’auteur nous ouvre les yeux sur la brutale réalité: les règles qui président l’un sont les mêmes qui régissent l’autre univers. On ment, on embellit, on trompe son monde.
Jusqu’à se tromper soi-même?
Un premier roman sans concessions et qui démonter déjà un joli sens du rythme. On y sent la phrase travaillée et le souci constant de ne pas se perdre en fioritures. C’est plutôt réussi!

68 premières fois
Blog motspourmots.fr (Nicole Grundlinger)

Les critiques
Babelio 
Le Temps (Eléonore Sulser)
L’Humanité (Alain Nicolas)
Tribune de Genève (Caroline Rieder)
Le blog de Gilles Pudlowski 

Les premières pages du livre
« Les verres à eau, on les range au-dessus de l’évier.
Personne n’a l’idée de les mettre sous les plaques ou sous le four.
La place des verres est en hauteur, proche du point d’eau.
Dans le même placard, on range souvent les tasses.
Quant aux bols, ça dépend des caractères. Certains les placent avec les assiettes, d’autres avec les verres.
Mais on ne met pas les bols avec les casseroles. Ça ne se fait pas. Ça n’a pas été prévu comme ça.
Le rangement est pragmatique, instinctif.
Les cuisines équipées ont une place pour chaque chose.
„Ils me sourient. Je me force.
Non, je ne suis pas heureux d’intégrer cette « super équipe », de faire partie d’une « grande entreprise », de profiter « d’avantages exceptionnels ». Ils prétendent me mettre à l’aise, ils ont déjà oublié mon prénom. Je suis le nouveau, l’étranger : à moi de faire des efforts, de donner envie. J’ai sommeil, besoin d’une clope, envie d’être ailleurs. »

Extrait
« — OK, c’est bon.
Assistant me fait signe d’approcher. J’abandonne mon appareil comme j’ai abandonné la fontaine à eau.
— Bruno, arrête la neige. Et ouvre les fenêtres, on crève de chaud.
Pendant que Stagiaire démonte les murs, Sergueï-le-Styliste époussette le coussin.
Sur l’écran, mes photos brillent de mille LED. Le type, dont je ne me souviens plus de la fonction, examine mes clichés.
— Bien. C’est lisible, efficace.
Ouf.
Aux suivantes : « Perception de confort à travers aiguilles en plastique ».
— Elles sont marrantes.
Il appuie sur l’icône corbeille où elles disparaissent dans un bruit doux de papier froissé.»

À propos de l’auteur
Céline Zufferey est diplômée de la haute école des Arts de Berne en création littéraire. Sauver les meubles est son premier roman. (Source éditions Gallimard)

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