Le sel de nos larmes, Ruta Sepetys

« Les chaussures racontent l’histoire de ceux qui les portent. »

Le sel de nos larmes, Ruta SepetysTitre : Le sel de nos larmes
Auteur : Ruta Sepetys
Édition : Gallimard Jeunesse (collection Scripto)
Date de parution : 16 juin 2016
Nombre de pages : 478 pages
Genre : Récit historique jeunesse, romance
Où le trouver ? Fnac, Club, Amazon
Synopsis : Hiver 1945. Quatre adolescents. Quatre destinées. Chacun né dans un pays différent. Chacun traqué et hanté par sa propre guerre. Parmi les milliers de réfugiés fuyant à pied vers la côte de la mer Baltique devant l’avancée des troupes soviétiques, quatre adolescents sont réunis par le destin pour affronter le froid, la faim, la peur, les bombes… Tous partagent un même but : embarquer sur le Wilhelm Gustloff, un énorme navire promesse de liberté…Ruta Sepetys révèle la plus grande tragédie de l’histoire maritime, qui a fait six fois plus de victimes que le Titanic. Cette catastrophe méconnue lui inspire une vibrante histoire d’amour, de courage et d’amitié.Lumineux, captivant et bouleversant d’humanité.

Mon avis : Quatre adolescents, entre 15 pour la plus jeune et 21 pour la plus grande, se retrouvent dans le même pétrin : la Guerre. Plus précisément, la Seconde Guerre Mondiale. Mais pas comme on l’entend ici en Europe occidentale. Ici, à l’école, on s’arrête à « Les Allemands ont terrorisé les Français, les Américains sont venus sauver les Français, fin ». En réalité, c’est beaucoup plus complexe que ça. Dans les Pays de l’Ouest, on avait non seulement la menace hitlérienne mais en plus la menace stalinienne. Et on ne connaît pas beaucoup, en tant que jeunes je veux dire, cette partie de l’Histoire. En outre, ce roman a été un vrai coup de cœur. Je peux vous le dire, il ne m’était jamais arrivé de faire passer mon sommeil après un livre parce que je ne pouvais pas me résoudre à le lâcher sans en connaître la fin. L’amour de ce livre a été plus fort que la Raison, c’est vous dire. Prenant, captivant, plein d’espoir et de secrets. Juste génial.

– La structure –

Plusieurs points positifs sont notamment attribués à la structure, très originale.

Dans cette histoire passionnante, nous suivons 4 adolescents : Alfred, jeune matelot lâche et incapable mais qui se prend pour un héros et quelqu’un de supérieur face à toutes les « races » haïes par Hitler ; Emilia, une jeune Polonaise de 15 ans, enceinte à cause des Russes (si vous voyez ce que je veux dire…) ; Joana, Lituanienne de 21 ans qui a suivi un médecin peu avant le récit et donc qui fait office d’infirmière tout au long du bouquin ; et Florian, jeune Prussien qui refuse d’ouvrir son cœur au début du récit, devant rester caché à cause d’une trahison envers les dirigeants allemands. Le nombre de points de vue différents est un peu embrouillant au début, mais on s’y fait vite quand on apprend à connaître les personnages et à les repérer.

À chaque personnage est attribué un sentiment. Un des nombreux sentiments que l’on peut ressentir durant la guerre : la peur (Alfred), mais aussi la honte (Emilia), la culpabilité (Joana) ou le destin qui nous poursuit (Florian). Ainsi, non seulement nous avons un point de vue en fonction des pays (Lituanie, Pologne, Allemagne et Prusse orientale, aujourd’hui en grande partie rattachée à la Pologne), mais en plus nous avons des points de vue en fonction des sentiments que peuvent ressentir les gens pendant une guerre.

De plus, même si j’ai eu horreur de ce personnage, Alfred apporte un point supplémentaire à la structure : il écrit imaginairement des lettres à Hannelore, sa bien-aimée qu’il a lui aussi trahie (je ne vous raconte pas tout, mais c’est tellement passionnant !). Et les romans épistolaires sont des romans dont je suis particulièrement friande.

En outre, Ruta Sepetys crée un lien avec ce récit et le précédent, Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre, autre véritable coup de cœur. En effet, Joana, l’infirmière lituanienne, n’est autre que la cousine de Lina, protagoniste dans l’autre roman, qui se fait embarquer en Sibérie (en partie à cause de Joana, d’où sa culpabilité : elle pense avoir tué sa cousine et meilleure amie). Vu que j’ai adoré l’histoire de Lina, je n’ai qu’apprécier ce parallèle un peu inattendu, je vous l’avoue.

– Le style –

Ce qui fait la force de Ruta Sepetys, c’est le bouleversement qu’elle peut provoquer chez le lecteur. Et ce bouleversement, elle le déclenche grâce à une série incalculable de stratagèmes, notamment la description totale des évènements. En effet, dans Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre, je me souviens (alors que le temps qui me sépare de ce livre se compte maintenant en années) d’une scène où Jonas, le petit frère de Lina, attrape le scorbut et où l’auteure décrit absolument tous les symptômes. Ici, deux scènes m’ont particulièrement frappée : Joana qui enlève des morceaux d’obus dans le torse de Florian, et le naufrage. Décrit du début à la fin avec une précision inégalable, ce qui rend le récit encore plus réel.

De plus, elle se sert des différents points de vue pour exprimer des choses différentes. Ainsi, chaque personnage a un détail particulier qui fait que le lecteur, même si un autre personnage voit le premier, sait qu’il s’agit du premier. Ex : Emilia et son bonnet rose, ou Florian avec son paquetage. C’est se mettre dans la peau de quelqu’un d’autre, et savoir le faire plusieurs fois. Une vraie qualité d’auteur.

– Les personnages –

Comme dit plus haut, nous suivons donc 4 personnages : Emilia, Alfred, Joana et Florian. Mes deux préférés sont Joana et Florian. Emilia m’a, c’est vrai, un peu touchée. Par contre, Alfred m’a carrément énervé. Mais reprenons depuis le début.

Emilia est une jeune Polonaise de 15 ans qui a dû fuir sa Pologne natale pour survivre. Là-bas, la femme de son hôte, complètement raciste, l’a livrée aux Russes pour ne pas que ceux-ci s’en prennent à sa chère fille. Dans sa fuite, elle rencontrera Florian pendant une altercation avec un Russe qui tentait de l’intimider et que le jeune Prussien a tué. Son histoire m’a touchée. Je sens que je devrais l’être plus car son histoire est juste atroce. De plus, Emilia est quelqu’un de très gentil, adorable, innocent. Elle rayonne face à tout ce gris de la Guerre et met un peu de gaieté dans le cœur des désespérés.

Florian, lui, est un soldat prussien qui s’est lié au Dr Lange, « voleur » d’œuvres d’art. En effet, les Allemands ont, pendant la guerre, subtilisé bon nombre d’œuvres artistiques polonaises. Quand il s’en est rendu compte, Florian s’est enfui avec la pièce maîtresse du cabinet d’Ambre, appelé autrefois la huitième merveille du monde. Je peux vous le dire avec une évidence certaine : BOOKBOYFRIEND À L’HORIZON ! Courageux, fort malgré tout ce qu’il voit, aimant envers ceux qu’il affectionne, sensible malgré sa carapace, il aime Joana et, au début, ne se résout pas à l’admettre car doit se concentrer sur autre chose. Mais plus le livre avance, plus la relation entre ce jeune soldat prussien et cette infirmière lituanienne en devient belle, croustillante et absolument magnifique. J’ai adoré ces deux personnages et ne pouvait me défaire de ce roman quand nous prenions leurs yeux.

Au contraire, devrais-je dire au grand contraire, j’ai détesté, voire haï Alfred. Hautain, lâche, méchant gratuitement, raciste jusqu’au fond de l’âme, il se vante imaginairement d’être un héros auprès d’Hannelore, son amour qu’il a trahi au nom d’Hitler, mais trouve des excuses pour passer à côté de tâches importantes pour lesquelles il n’a pas les épaules. Malgré ça, un bon bouquin devant, pour moi, savoir nous faire ressentir une multitude d’émotions, ce personnage horriblement détestable n’en est pas moins un point positif.

– L’ambiance –

Bien sûr, la Guerre apporte une ambiance malaisante, presque terrifiante car remplie de réalisme. On se dit que ce n’est que de la fiction. Mais non. Des humains se sont réellement comportés comme Alfred. Comme ces Russes. Des personnes âgées ont réellement sacrifiés leur place dans un canot de sauvetage durant le naufrage pour donner un espoir jeune et dynamique, choisissant de mourir plutôt que de continuer.

Malgré tous ces instants horribles, la Guerre rend les petits instants de bonheurs encore plus précieux. Ainsi, quand ils dansent, chantent, s’aiment, s’embrassent, découvrent des sentiments amoureux, rient avec des enfants, c’en est que plus merveilleux.

– L’intrigue –

Que dire sur l’intrigue sinon qu’elle est formidable ? En effet, l’intrigue de ce roman est extrêmement dynamique, et ce pour deux raisons. D’une part, les quatre points de vue apportent une sensation de « non-ennui » qui perdure jusqu’à la fin. D’autre part, et ce par rapport au style, Ruta Sepetys arrive à insérer dans son histoire des détails tellement inattendus que nous n’avons d’autres choix que d’écarquiller les yeux devant certaines pages par surprise.

De plus, l’histoire est remplie de secrets, de choses qu’on ne sait pas, qui sont gardées secrètes jusqu’à la fin et qui nous tiennent en haleine. Alors soit on veut s’avoir et on est surpris de la fin parce qu’on ne s’y attendait pas, soit c’est quelque chose de révélé mais qu’on ne s’attendait pas non plus à voir. En bref, notre cœur fait les montagnes russes !

– La fin –

La force équilibrante n’est autre que le naufrage. Ainsi, j’ai lu toute la fin du livre en une traite tellement, dans le feu de l’action, je ne voulais pas m’arrêter !

Sur ce coup-là, Ruta Sepetys a inventé une fin vraiment très réaliste : des sauvés, des rescapés, mais aussi des tués, des morts et des disparus. Du beau, du bien mais aussi du mauvais, du mal. Un vrai coup de génie !

– Les thèmes –

Le thème principal, on le sait, n’est autre que la Seconde Guerre Mondiale. Néanmoins, elle est ici traitée différemment. En effet, comme dans Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre, l’auteure nous parle de la Seconde Guerre Mondiale du côté de l’Europe de l’Ouest. Du calvaire que vivaient ces gens, tiraillés entre Hitler et Staline. Ainsi, nous assistons littérairement à des évènements et des choses absolument horribles : éclats d’obus dans le corps de Florian, trahison de Mme Kleist envers Emilia mais aussi celle d’Alfred envers sa chère Hannelore… Comme elle le raconte dans les notes de l’auteure, elle donne une voix aux rescapés pour que jamais ne s’éteignent leur histoire.

Bref, vous l’aurez compris : ce livre arrive clairement, sans vous mentir, dans mon TOP 3 des meilleurs livres que j’ai jamais lus ! Que des points positifs, j’ai plus qu’adoré cette lecture. Moments prenants, choses horribles, intrigue plus que dynamiques, personnages touchants ou parfaitement détestables, c’est un livre que je recommande sans aucune hésitation ! Merci aux personnes qui me l’ont fait découvrir ! 😀

Carolane. 💖



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