Beauté fatale, de Mona Chollet

Beauté fatale, de Mona Chollet Beauté fatale, de Mona Chollet

Beauté fatale : Les nouveaux visages d’une aliénation féminine, de Mona Chollet, La Découverte, 2015 (publication originale : 2012), 289 pages.

L’histoire

Soutiens-gorge rembourrés pour fillettes, obsession de la minceur, banalisation de la chirurgie esthétique, prescription insistante du port de la jupe comme symbole de libération : la « tyrannie du look » affirme aujourd’hui son emprise pour imposer la féminité la plus stéréotypée. Décortiquant presse féminine, discours publicitaires, blogs, séries télévisées, témoignages de mannequins et enquêtes sociologiques, Mona Chollet montre dans ce livre comment les industries du « complexe mode-beauté » travaillent à maintenir, sur un mode insidieux et séduisant, la logique sexiste au cœur de la sphère culturelle.
Sous le prétendu culte de la beauté prospère une haine de soi et de son corps, entretenue par le matraquage de normes inatteignables. Un processus d’autodévalorisation qui alimente une anxiété constante au sujet du physique en même temps qu’il condamne les femmes à ne pas savoir exister autrement que par la séduction, les enfermant dans un état de subordination permanente. En ce sens, la question du corps pourrait bien constituer la clé d’une avancée des droits des femmes sur tous les autres plans, de la lutte contre les violences à celle contre les inégalités au travail.

Note : 5/5

Mon humble avis

Après Ceci est mon sang, une autre collègue m’a prêté cet ouvrage de Mona Chollet, que j’étais impatiente de découvrir ! J’avais commencé à en lire quelques pages en ligne, où le livre est accessible gratuitement et une fois convaincue, j’ai parlé de ma découverte à cette fabuleuse collègue… qui connaissait déjà puisqu’elle avait le livre papier. Je pense que toutes personnes qui s’intéressent aux questions féministes ont déjà pu lire beaucoup à propos des sujets que l’autrice évoque ici (anorexie, objectification et sexualisation des femmes par exemple) mais il s’agit d’une analyse plus poussée sur l’ensemble des problématiques posées par le nouveau monde de la beauté, des magazines, de la mode, etc.

Mona Chollet montre à quel point l’image des femmes présentées aux jeunes filles aujourd’hui est pernicieuse, dangereuse et affligeante. Là où nous pourrions au contraire apprendre aux enfants que les femmes valent autant que les hommes, qu’elles ont le droit d’aimer leurs corps comme ils sont, qu’elles valent plus que leur apparence et qu’elles méritent d’être respectées, notre société fait tout l’inverse. À une époque où certaines personnes pensent encore que le féminisme est obsolète et n’a plus rien à obtenir, il est particulièrement important de se rappeler pourquoi nous avons encore tant besoin.

Dans son introduction, l’autrice soulève qu’en France la question de l’aliénation féminine n’est pas soulevée, même par celles et ceux qui se prétendent féministes justement. Comme nous ne sommes pas habitués à étudier les médias et la culture de masse (littéraire, cinématographique, visuelle…) sérieusement, la représentation des femmes par ces médiums nous paraît secondaire. Or, c’est bien exactement là que les choses doivent changer.

Les sujets abordés sont variés et extensifs, mais tous liés à l’image des femmes et aux injonctions de la société sur leur comportement et leur apparence. Notamment l’injonction à porter jupes serrées, talons et sacs à mains : les premières limitent les mouvements, les deux autres déstabilisent la démarche, le corps, voire le brisent sur le long terme. L’autrice évoque également les grandes marques, l’importance de la mode, de l’apparence et de l’image. Cela passe par la place que peuvent prendre les femmes dans l’espace public comparée à celle des hommes (à ce sujet, un billet de Buffy Mars : « Manspreading et harcèlement de rue » que je vous recommande). Vient donc le sujet des troubles alimentaires, boulimies et anorexies qui se répandent chez de plus en plus de femmes et de plus en plus jeunes. Bien sûr, l’autrice insiste sur le milieu du mannequinat, mais précise bien que de plus en plus de jeunes filles de 9 à 11 ans admettent avoir déjà fait des régimes, et font attention à ce qu’elles mangent. En parlant de mannequinat, Mona Chollet enchaîne sur le racisme de ce milieu où la très très grande majorité est blanche, et quand des personnes racisées sont visibles, ce sont pour des rôles stéréotypés ou pour des articles ciblés, sur des mannequins noires par exemple, au même titre que les mannequins « curvy » sont présentées à part. Enfin, le livre se termine sur une analyse de la position dominante des hommes sur les femmes, en évoquant notamment la culture du viol qui continue à défendre des violeurs (voire pédophiles) comme Roman Polanski et DSK.

C’est donc un essai bien complet qui va enflammer ou réveiller vos cœurs de féministes, c’est promis ! En tous cas, j’ai découvert une nouvelle autrice dont je compte bien suivre les publications.


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