La veuve et la Lune de Westley Diguet

 A l’ancienne…

Catherine (regardant la couverture illustrée d’une nouvelle édition d’ « Orgueil et Préjugés »): Comme j’aurais aimé vivre à l’époque de la Régence, habillée dans une jolie robe en mousseline et vivre une romance aussi belle qu’Elisabeth et Mr Darcy.
Moi (mâchouillant un bâton de réglisse à la fraise): Si j’ai bien compris, tu aurais aimé être une de ses jeunes héroïnes dépendantes financièrement de leurs pères ou de leurs maris.
Tu aurais aimé aussi vivre dans une société où tu ressentirais la crainte de perdre tes biens immobiliers, car l’absence d’un fils et à la mort de ton tendre mari, tout reviendrait à l’héritier mâle le plus proche du défunt… C’est clair que cela donne envie.

Catherine (me jetant un regard noir et posant le roman sur une étagère): Briseuse de rêves !
Moi ( haussant les épaules et croquant dans ma réglisse): Non, juste réaliste malheureusement…

La veuve et la Lune de Westley Diguet

AUTEUR: Westley Diguet
TITRE: LA VEUVE ET LA LUNE
ÉDITEUR, ANNÉE: Gloriana Editions, 2017
NOMBRE DE PAGES: 260 pages

Me suis-je montrée trop pragmatique sur ce sujet ? C’est possible. Certes, comme de nombreuses lectrices, j’ai aimé la romance d’Elisabeth et de Mr Darcy ( surtout sous les traits de Colin Firth 😍). Mais je ne peux pas oublier l’ironie mordante de Jane Austen. Mon côté « Rêveuse » s’est laissé emporter par l’histoire d’amour, tandis que mon côté « Férue d’histoire » a pris note du portrait critique de cette société du XVIIIe siècle.
Autre contexte, autre règne – celui de la Reine Victoria, mais revenant lui aussi sur certaines conditions vie d’une jeune femme, ici à travers son mariage et son veuvage, je me suis fortement intéressée à « La veuve et la Lune » de Westley Diguet

Résumé:
« Personne n’aurait pu prévoir que Margareth Fawkes, fille d’un baron veuf et aimant, serait choisie par la reine Victoria pour épouser l’un des plus beaux partis du Royaume de Sa Gracieuse Majesté. Mais c’était sans compter sur l’esprit vif et indépendant de la jeune femme. Quand bien même le beau et riche Comte Edward Rosebury l’attire, elle se refuse à être réduite à un rôle d’épouse.

Quand plusieurs années plus tard, la jeune femme se retrouve veuve et esseulée, à une époque où les femmes vivent à travers l’homme, Margareth va devoir apprendre à surmonter son deuil sans oublier son amour perdu et faire le choix de la vie… Sur le point de perdre pied, il se pourrait que sa plus vieille amie lui vienne en aide. « 

Si peu de temps… Elle n’a pu vivre auprès de son cher Edward que très peu de temps. Alors que la douleur semble l’emmener de plus en plus dans un gouffre de désespoir, Margareth n’a pas la force de faire face aux futures difficultés qui l’attendent suite à la mort de son mari. Et sa belle-mère qui la presse à prendre ses responsabilités…
Oscillant entre événements passés et présents et lors d’une nuit forte en émotions, Margareth devra faire un choix:  perdre pied ou faire face à la réalité et avancer.

 Ce fut une lecture très intéressante: la plume de l’auteur est agréable et fluide. On passe sans mal entre le passé de Margareth et la situation à laquelle elle se trouve. Petit détail pertinent de la part de l’auteur, c’est la division de la narration entre deux points de vue:
– Celle de Margareth qui met le lecteur face aux sentiments de la jeune femme
– Et celle d’un autre personnage dont je ne dévoilerai rien et qui donne un point de vue extérieure de toute la situation, qu’elle soit passée ou présente.

En ce qui concerne la romance, bien qu’elle soit plaisante, elle ne fut pas marquante pour moi. Il lui manque un petit quelque chose pour se démarquer des autres histoires d’amour que j’ai pu lire.
De même, en comparaison de Margareth, Edward, son défunt mari, paraît fade. J’aurais aimé que sa présence dans les souvenirs de sa femme soit un plus détaillée ainsi que leur relation. Je ne voulais pas rester dans l’idée qu’il a eu un coup de foudre pour Margareth simplement pour sa beauté. Et le « jeu du chat et de la souris » entre les deux protagonistes n’a pas aidé à arranger ce sentiment.

Ce sont surtout trois autres traits du récit qui ont retenu mon attention:
– D’abord sa touche de fantastique ! Elle se matérialise à travers « une amie » qui a été présente auprès de Margareth depuis sa petite enfance. En aucun moment, on ne sait comment ce phénomène peut être possible. Pourtant, la magie opère et mon imagination s’est emballée pour « cette chère amie »
– Puis pour son contexte historique ! L’époque Victorienne fait partie des périodes que j’ai beaucoup aimées étudier et lu des romans s’y déroulant. J’ai apprécié la présence de la Reine Victoria ainsi que sa relation avec le prince consort Albert qui fera écho à celle de Margareth et Edward dans la douloureuse expérience du deuil.
-Enfin le statut de la femme ! L’auteur revient sur certains points, à travers deux thématiques. Pour commencer, il y’a le mariage. Margareth désire une union par amour et ne veut pas se marier avec un homme à un rang supérieur à elle pour ne pas devenir sujet à quolibets comme le furent ses parents. En miroir du souhait de l’héroïne, nous avons celle de son amie Kimberley qui est prête à épouser un homme de l’âge de son père si celui-ci lui permet d’accéder au rang de duchesse. Ce contraste sera plus accentué par les décisions des deux jeunes femmes.
Puis nous avons le côté financier. Dans le cas de Margareth, si elle ne se marie pas et que son père meurt,  elle se retrouvera sans ressources et n’aura pour seule échappatoire le couvent. 
D’ailleurs, ce problème se présente encore à la mort du conjoint. Pour une jeune veuve, qui  n’a pas donné naissance à un garçon,  tous les biens immobiliers reviennent à l’héritier mâle le plus proche dans la lignée. Elle se retrouve ainsi obligée de quitter la propriété à l’arrivé du nouveau maître des lieux. On peut comprendre que Margareth ne veut pas s’occuper de cela alors que son deuil commence à peine.

Pour sa touche de fantastique et ses détails historiques, j’ai apprécié cette lecture qui fut la première de mes vacances. Elle fut agréable et m’a donné envie de faire quelques recherches sur l’époque victorienne (réminiscence de l’étudiant en histoire que j’étais, il y’a bien longtemps !). Le seul hic que j’ai eu avec ce roman, c’est un détail concernant le veuvage.
J’ai eu du mal avec l’esprit de ne plus jamais se mettre en couple après la mort de son conjoint et de ne pas se donner la possibilité de connaître un autre amour.  Ne vous méprenez pas. Je comprends ce sentiment et je sais qu’un deuil est douloureux et long. Mais peu à peu, la vie reprend son cours et l’on apprend à composer avec l’absence de la personne que l’on a aimée et parfois, l’amour se représente de nouveau.
Certes, au vu de la société dans laquelle vivaient ses femmes, je comprends le non désir de se retrouver sous la tutelle d’un autre mari.
Mais cette idée est répétée à travers trois personnages et je n’ai pas pu m’empêcher de le prendre comme un message.

Conclusion:

Si vous aimez les romans se déroulant durant l’ère victorienne, il se peut que « La Veuve et la lune » sache vous faire passer un bon moment. La romance est plaisante dans l’ensemble, la touche fantastique pleine de mystère et l’utilisation des thèmes du mariage et du veuvage, renvoyant sur les conditions vie des femmes de cette période, forte intéressante.
Certains détails auraient mérité un peu plus de développements, à commencer par certains personnages qui avaient du potentiel, mais restent peu visibles.

Pour ma part, je ne retiendrai pas ce roman pour son histoire d’amour, mais pour son contexte bien travaillé.

Si certains d’entre vous ont l’occasion de lire ce roman, je serais contente de savoir ce que vous avez ressenti sur ce désir de rester veuve jusqu’à la fin de sa vie, répétée à travers 3 personnages féminins. J’aimerais  beaucoup en discuter !

(Image à la une de l’oeuvres « The Widow » d’ Anders Zorn )



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