Le fou du roi, Mahi Binebine

Le fou du roi, Mahi Binebine


Au Maroc, Mohamed ben Mohamed est l'un des fous du roi.
Doté d'une mémoire prodigieuse, le destin l'a mis un jour sur le chemin de son souverain, qui s'est entiché de lui et l'a fait entrer dans sa cour personnelle, faite de bouffons veillant à l'amuser de toutes sortes de plaisanteries, spirituelle ou terre à terre.
Ces hommes ont accédé à l'intimité du roi, et en contrepartie de leur rhétorique et de leur discrétion, on leur a trouvé une épouse et on leur a concédé un patrimoine. Mais le moindre faux-pas est avisé, et une telle proximité se paie, car ils sont plus exposés que tout autre, et n'existent pas en-dehors de Sidi.

Pour un roman choisi pour les couleurs de sa couverture, quelle merveille!

Le narrateur ne fait que raconter le quotidien de son père Mohamed auprès de Sidi, sa faculté incroyable de retenir la moindre de ses lectures au mot près, la façon dont il a été introduit auprès du roi, les bienfaits dont on l'a couvert, mais aussi, les rivalités entre les fous qui se massent à ses pieds, la nécessité de se distinguer et de s'assurer ses faveurs pour se garantir une place auprès de lui, et il y a dans tout cela une grande délicatesse, et une réflexion intéressante sur le monde des courtisans, quelle que soit l'époque et le roi qu'ils flattent.

Ainsi, Mohamed a dû prendre la femme qu'on avait choisie pour lui, il a dû répudier son fils lorsque celui-ci s'est rendu coupable d'attentat contre le roi, et son existence est celle d'une étrange solitude, car il a dédié sa vie à Sidi, et pourtant il n'est rien, il n'est qu'un fou du roi.

La relation qu'il a tissée avec Sidi semble réelle, mais elle repose sur un rapport de force qui la dilue, en ce qu'elle rend ses fondations biaisées.
Pourtant, Mohamed montre envers Sidi un dévouement dans lequel le lecteur devine un attachement véritable, au-delà d'un comportement intéressé ou opportuniste : entre deux hommes qui se seraient trouvés sur un pied d'égalité, il eut été question d'amitié, mais entre un roi et son fou, de quoi peut-on parler?

Mohamed semble s'accommoder de beaucoup de choses, depuis la femme qui partage sa vie aux inévitables hauts et bas que connaît sa popularité auprès de la cour, liés à l'intérêt que lui montre Sidi. Il a tout d'un sage homme, qui pourtant n'a pas su intercéder en faveur de son fils, et lui éviter la geôle qui lui rendra un inconnu, des années plus tard.

L'écriture de l'auteur restitue avec finesse ces nuances dans les pensées de Mohamed, ses remords et ses sentiments, et son indéfectible loyauté envers Sidi.
J'y ai pour ma part été très sensible, et ne peux que vous encourager à découvrir ce beau récit à votre tour!


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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois