- Songe à la douceur -

Par Valentine Pumpkins @valpumpkins

(Oui, j'ai une nouvelle pop) Vous connaissez maintenant bien mon amour pour Clémentine Beauvais et pour ses Petites Reines, je pense vous avoir assez saoulé avec ça... Ce que vous ne savez pas, c'est que c'est l'unique roman que j'ai lu de l'autrice, ce qui est plutôt scandaleux étant donné que je n'hésite pas à la placer dans ma liste d'auteurs favoris. Pourtant, j'ai Songe à la douceur quasiment depuis sa sortie mais, trouillarde que je suis, je n'ai jamais osé me lancer, sans doute par peur du vers libre (c'est une phobie méconnue). Heureusement, les copines sont là pour vous tirer gentiment par les couettes. Alors, ma frayeur passablement atténuée par Inséparables, je me suis lancée à corps perdu dans la lecture de ce roman étonnant.


Quand Tatiana rencontre Eugène, elle a 14 ans, il en a 17 ; c'est l'été, et il n'a rien d'autre à faire que de lui parler. Il est sûr de lui, charmant et plein d'ennui, et elle timide, idéaliste et romantique. Inévitablement, elle tombe amoureuse, et lui, semblerait-il, aussi. Alors elle lui écrit une lettre ; il la rejette, pour de mauvaises raisons peut-être. Et puis un drame les sépare pour de bon. Dix ans plus tard, ils se retrouvent par hasard. Tatiana s'est affirmée, elle est mûre et confiante ; Eugène s'aperçoit, maintenant, qu'il ne peut plus vivre loin d'elle. Mais est-ce qu'elle veut encore de lui ? Songe à la douceur, c'est l'histoire de ces deux histoires d'amour absolu et déphasé - l'un adolescent, l'autre jeune adulte - et de ce que dix ans, à ce moment-là d'une vie, peuvent changer.

Une double histoire d'amour inspirée des deux Eugène Onéguine de Pouchkine et de Tchaïkovski - et donc écrite en vers, pour en garder la poésie.


Si on s'arrête au simple résumé, l'histoire n'a rien de très original, c'est indéniable. Tatiana et Eugène se sont connus adolescents et retombent l'un sur l'autre à la faveur d'un trajet en métro. S'en suit alors un rappel des faits passés, la rencontre, les premiers émois, un jeune été plein de promesses, dans lequel s'imbrique la vie nouvelle de deux jeunes adultes, une vie trépidante et riche intellectuellement pour l'un et ennuyeuse pour l'autre.

L'histoire est jolie, c'est certain, mais ce qui fait véritablement sa force, c'est l'écriture absolument superbe de Clémentine Beauvais. La traductrice d'Inséparables (traduction faite après la parution de Songe à la douceur) s'est lancé un défi : écrire tout son récit en vers libre. Ici, aucune difficulté pour rentrer dans le récit, pas même les quelques pages réglementaires qu'il m'a fallu pour le roman de Sarah Crossan. Tout coule de source. Le texte est rythmé, beau, poétique et certaines phrases mériteraient d'être lues à voix haute pour en apprécier toute la saveur. D'ailleurs, j'ai parfois fait des petites pauses, dans ma lecture, pour laisser rouler une formulation, un paragraphe sur ma langue, c'est divin.

Non content d'être magnifique, le texte de Clémentine Beauvais se paye en plus le luxe de jouer avec sa mise en page et les images sortent alors des mots pour apparaître en chair et en os (de papier) sous nos yeux écarquillés, à la façon des Calligrammes de Guillaume Apollinaire. Songe à la douceur transforme alors sa mise en page en mise en scène.

Le petit plus, s'il en faut encore un, c'est l'humour, toujours présent, de Clémentine Beauvais. Sans être au niveau des Petites Reines (mais la comparaison est sacrément bancale !), l'autrice, sous les traits d'un narrateur omniscient, n'hésite pas à lancer de bonnes vieilles vannes à ses personnages, à dialoguer avec eux, histoire de les faire entendre raison et à se moquer ouvertement de leur manque de répartie. J'ai particulièrement adoré ces passages, qui contrebalancent à des moments opportuns la poésie délicate de l'oeuvre.

Bon, qui n'a pas encore compris que j'avais adoré ? Hein, faut me le dire, parce que je vous avoue que j'ai tellement eu de mal à parler de ce roman absolument enchanteur (je suis même allée chercher des synonymes de génial et magnifique dans un dico, c'est dire) que je ne suis pas sûre d'avoir été claire. Ajoutez à ça la chaleur qui faire fondre ma cervelle (par les oreilles, j'vous fais pas de dessin), ça donne une Titine sacrément perplexe devant ses propres mots. Du coup, on recommence et on explicite : Songe à la douceur est un somptueux coup de cœur, une petite merveille que je regrette d'avoir ouvert si longtemps après sa sortie. Il se déguste comme une friandise, celle que l'on mange trop vite, qui n'est pas écœurante et qui vous laisse rêveur.

Ma chère me disait qu'elle avait entendu une comparaison entre celui-ci et Les Petites Reines, en défaveur de Songe à la douceur d'ailleurs. Ça m'a fait réfléchir et j'en suis arrivée à la conclusion que ces deux romans n'étaient absolument comparables, tant leur contenu et leur forme étaient différents. Pourtant, si vous me mettez vraiment le couteau sur la gorge et menacez de me priver de Pim's à l'orange, je vous avouerais que j'ai une petite préférence pour Les Petites Reines. Cela dit, peut-être que j'aurais changé d'avis dans un an, la lecture de Songe à la douceur est encore sacrément fraîche !

Oh et j'ai tenté de vous écrire une chronique en vers libre, histoire de faire honneur, mais là, c'était moi qui ne l'étais pas assez, fraîche....