Je me suis tue · Mathieu Menegaux

Je me suis tue · Mathieu MenegauxQui pour me comprendre? Personne. Qui pour me pardonner? Personne. Qui pour me juger? Toutes et tous.
Claire, quarante ans, croupit en prison depuis deux ans.
De longues périodes d’attente, ponctuées qu’il pleuve ou qu’il vente de mornes promenades, quelques pas quotidiens dans une cour exiguë ou il faut se forcer à ne pas tourner dans le même sens. De fouilles impromptues en douches communes, apprendre à oublier sa pudeur, son intimité et sa féminité. Conjuguer le verbe attendre, à tous les temps. J’ai passé deux années à attendre. À attendre que la justice accélère enfin pour que démarre mon procès, à attendre que tombe le couperet, la sanction que j’appelle de mes vœux, histoire d’expier enfin en paix et de tenter de redonner un sens à ma vie.
En attente de son procès, Claire a décidé de raconter son histoire, sa vérité.
Cette femme tourmentée tournait en rond dans sa vie, malgré un mari aimant, un boulot passionnant et un bel appartement. Sa vie, elle l’a supportait. «Une demi-vie, une vie de flamant rose, une vie sur une patte, à essayer tant bien que mal de conserver l’équilibre, mais une vie.» En couple depuis quatorze ans avec Antoine, l’absence d’enfant leur pesait, les minait tous les deux. «Nous nous écroulions. Nous nous décomposions. Une vie sans enfants, c’est n’était pas formidable. Ce n’était pas une vie.»
Lorsqu’un événement tragique survient, Claire choisit de garder le silence, d’étouffer l’affaire. Cette décision aura maintes conséquences dans sa vie. Elle a fait un choix, croyant pouvoir l’assumer. Illusion… Claire entre dans une spirale infernale.

Je me suis tue · Mathieu Menegaux

Impossible d’en dire plus. Ce roman ne peut se raconter sous peine de trop en révéler. Je me suis tue se lit en apnée. Mathieu Menegaux ne ménage pas son lecteur, ne lui laissant pas le temps de reprendre son souffle. Aucun répit, ici. Cette histoire est d'une dureté sans fond, éprouvante, ébranlante, même pour moi qui a la peau sacrément dure! Qu’un homme soit parvenu à se glisser à ce point dans la peau d’une femme m’épate.

Quelques irritants sont tout de même venus jeter une ombre sur le tableau.
Antoine, le mari de Claire…
Quelle raison aurais-je pu avoir de me refuser à mon cher et tendre? Si seulement j’avais dit non, Antoine, je suis trop fatiguée, je n’ai pas envie. Bien sûr, cela m’aurait valu une scène, des cris, des phrases définitives qu’on regrette aussitôt prononcées mais souvent c’est trop tard, les mots ont marqué. Il serait parti nager, courir, se démener. Il aurait appelé son pote Christophe pour lui dire qu’il en avait marre de sa femme qui se refuse à lui. Il a toujours été un peu excessif. C’est pour cela que je l’aimais, aussi.
Qu’est-cé ça? Non, mais quel con! Ce comportement de gamin qui pique une crise parce qu’il n’obtient pas ce qu’il veut me fait monter dans les rideaux. La soumission de Claire m’est tout aussi insupportable. Ma réaction est-elle dûe à mon regard de Québécoise? Mon agacement découle-t-il d’une différence culturelle? Jamais je n’aurais pu passer ne serait-ce qu’une année avec un tel homme, aussi beau et brillant soit-il! Copines et copains européens, je vous prie d’éclairer ma lanterne. Vous reconnaissez-vous dans ces mots?

Autre irritant: tout le long du roman, des titres ou des extraits de chansons se glissent ici et là, en italique. Pour moi, c’était de trop, complètement vain. Allant même jusqu’à briser mon rythme lecture (C’est de qui déjà, cette chanson? Ces mots me disent quelques choses… Ah oui, cet air!). Claire aime la musique… Je veux bien, mais ce n’était pas nécessaire d’en rajouter une couche. Mathieu Menegaux apeut-être trouvé cette diversion pour permettre au lecteur de reprendre son souffle? N’empêche…

Enfin, la fin m’a semblée tirée par les cheveux, invraisemblable. Un peu facile, aussi. Si j'ai aimé la fin, je n'ai pas cru au moyen d'y mettre un terme... C'est nébuleux, dis comme ça, mais je suis tenue au silence sous peine de trop en révéler!
Je me suis tue est définitivement un roman à lire, malgré mes quelques irritants. Tant pour son intrigue captivante que pour les questions qu’il soulève. 
Et pis là, je suis tentée de lire son second roman, Un fils parfait. Qui l'a lu?
Je me suis tue, Mathieu Menegaux, Points Seuil, 144 pages, 2017.

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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois