Un plaisir total pour moi de retrouver Jeanne Benameur dans un registre proche de celui de son chef d’œuvre « Les demeurées », dépouillant son récit à l’extrême, l’englobant d’une aura de mystère, usant d’une poésie sèche, d’un rythme heurté, de silences pesants d’où naît l’émotion. Des gens muets, des gens de peu de mots, « une langue du dessous des choses qui va sa route de corps en corps, ne se donne que par le silence de la peau ». Une langue aussi sensuelle que sensorielle qui interroge sur la notion de famille, sur la filiation, sur le vertige de l’absence et, plus que tout, sur le rapport à la mère : « Tant que les mères marchent auprès de nous, nous n’avons pas à nous soucier de la route. Nous marchons dans l’innocence de nos propres pas ».
J’aime cette écriture minuscule, épurée, restant malgré tout d’une densité saisissante. J’aime ce regard sur l’enfance d’une cruelle lucidité, sur la solitude qui guide chaque existence : « Le début et la fin se ressemblent. Toi aussi il n’y a pas si longtemps tu étais encore dans la nuit laiteuse du ventre de ta mère. Un jour tu seras à nouveau dans cette brume lente et ce sera la fin. Entre les deux il y aura eu toute ta vie ».
Un bijou, ciselé avec une infinie délicatesse.
L’enfant qui de Jeanne Benameur. Actes Sud, 2017. 120 pages. 13,80 euros.