Indian killer · Sherman Alexie

Indian killer · Sherman Alexie
Je ne me suis pas trompée! Après une petite période creuse de lectures, il était temps d’aller puiser dans mes valeurs sûres. J’ai ouvert un roman de Sherman Alexie et… la magie a opéré.

John Smith* naît dans une réserve indienne. Aussitôt né, aussitôt arraché à sa jeune mère. Direction Seattle, où il est adopté par un couple de Blancs sans enfant. Olivia et Daniel sont des parents exemplaires. Olivia consacra des journées entières à feuilleter des livres, à la recherche de photographies de visages qui ressemblaient à celui de son fils. Elle lut des ouvrages sur les Sioux, les Navajos, les Winnebagos. Crazy Horse, Geronimo et Sitting Bull galopaient dans son imagination. Elle acheta tous les livres d’enfants qui parlaient d’Indiens et les lut à John. Daniel estimait que cela virait à l’obsession, mais il ne disait rien.Très vite, l’enfance est derrière John. Il a vingt-sept ans. Il ignore son affiliation tribale, il ne sait rien de ses parents biologiques, sinon que sa mère avait quatorze ans quand elle l’a mis au monde. Même ses parents adoptifs n’en savent pas plus. Il a quitté le nid familial et travaille dans la construction. Tout jeune, il rêvait de travailler sur un gratte-ciel, comme l’ont fait les Mohawks au World Trade Center. Il participe à la construction d’un gratte-ciel de Seattle, le tout dernier. «Depuis l’essor des ordinateurs, les tours étaient dépassées. Plus besoin d’empiler autant d’employés dans un espace aussi restreint.»John fuit ses parents, sans véritable raison sinon celle qu'ils sont trop bienveillants et... Blancs. Il commence à regarder d’un œil suspicieux tous les Blancs qu’il croise. Les Blancs ne craignaient plus les Indiens. On ne sait pas trop comment, mais vers la fin du XXe siècle, les Indiens étaient devenus invisibles, dociles. John voulait changer cela. Il voulait lire la peur dans tous les yeux bleus.Il se rapproche du bout des doigts des Indiens, surtout des sans-abri. Vivotant entre deux cultures, il ne trouve sa place nulle part. Il n’est de nulle part. Et toutes ces voix dans sa tête, envahissantes et de plus en plus obsédantes… La folie rôde.Quand un Blanc est assassiné dans les rues de Seattle, scalpé, avec deux plumes de hibou qui traînent pas loin, on cherche un coupable. Indien, forcément! Un jeune garçon est enlevé, un autre est tué. Nul doute, un tueur indien rôde dans la ville. La tension monte. La colère gronde. Un animateur de radio raciste abuse de sa tribune pour jeter de l’huile sur le feu. Des Blancs commencent à s’en prendre à des Indiens, par vengeance gratuite. Et cet ex-flic, devenu écrivain, qui veut écrire sur le tueur indien.Mais qui est le tueur? John Smith? Marie Polatkin, une étudiante et activiste spokane? Reggie, le cousin de Marie? Clarence Mather, un prof de littérature indienne? À y regarder de près, chacun devient un suspect potentiel. Jusqu’à la fin, le mystère demeure entier.

Indian killer · Sherman Alexie

Publié en 1996, Indian Killer demeure d’une brûlante actualité. Les tensions raciales sont aussi vives qu'à l'époque. Il s'agit sans doute du roman le plus politique de Sherman Alexie. Il ne se gêne pas pour abuser des clichés, peser fort sur les stéréotypes (les Blancs aux yeux bleus, les Indiens aux cheveux longs), et ça fonctionne. Il a des convictions et ne se gène pas pour les marteler. Indian Killer est un creuset dans lequel se mélangent la colère, la compassion, l'ironie et la violence. Les existences se dessinent, les destins contrariés des personnages défilent. De milieux et d’origines sociales différentes, les uns bouillent de colère, les autres sont perdus ou désespérés.Sherman Alexis vilipende les Blancs, leurs préjugés, leur culpabilité, leurs points de vue arrêtés. Mais pas que. Il s’en prend aussi aux Blancs, ceux qui se cherchent des racines indiennes  les Indiens «Jevoudrais». Ceux qui adoptent des Indiens et, en cherchant à les comprendre, mettent les différentes cultures des Premières Nations dans le même panier. Mais les Indiens ne sont pas en reste. Eux aussi passent un mauvais quart d’heure sous la plume d’Alexie. En fait, tout le monde, ici, est coupable  d’un excès de bonne volonté, de mauvaise foi, de haine refoulée, etc..Chez Sherman Alexie, le style percute, l’humour décape, les traits d’esprit fusent. Il est de ces auteurs qui font rire jaune. Un portrait saisissant et sans concession de la situation actuelle des Indiens d'Amérique. Un régal d'intelligence qui m’a permis de me remettre solidement en scelle.

Indian Killer, Sherman Alexie, trad. Michel Lederer, 10-18, 416 pages, 2000.*Ce n’est sans doute pas un hasard que Sherman Alexie ait choisi de nommer son héros John Smith. Il connaissait sûrement l’histoire de John Smith, ce capitaine d'expédition né 1580 en Angleterre, qui a tissé des liens très étroits avec... Pocahontas!


Indian killer · Sherman Alexie

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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois