À force de tirer les vers… un texte de Myriam Ould-Hamouda

À force de tirer les vers… un texte de Myriam Ould-Hamouda

À force de tirer les vers de n’importe quel nez, faut pas s’étonner d’en sortir un paquet de trucs dégueulasses. Des scandales qui n’ont jamais dressé aucun corps dans la rue pour crier à plein gosier et brandir un large carton, des secrets qui ont flanqué des maux de dos à ceux qui les portaient malgré eux, des morales sans valeur, des valeurs sans morale, pour lesquelles personne n’a jamais pris ni le temps, ni la peine, ni son courage à deux mains pour en faire toutes les histoires qu’elles auraient bien méritées. Et puis, parfois, il n’en sort rien du tout ; c’est terrible, c’est affreux, c’est disgracieux à souhait le rien du tout dans ce monde qu’il nous faut en relief et en mouvement perpétuel.
Nous adorons imaginer qu’il y a des masques à faire tomber, des costumes à tâcher sans faire exprès, que dessous nous y trouverons bien une ou deux horreurs : des cicatrices, des bleus, une tache de naissance ou au moins des grains de beauté qui prennent un air mauvais.  Nous adorons agiter nos pelles de fortune, et creuser toujours plus loin, toujours plus fort, pour y dénicher quelque chose d’atroce ou de superbe, à la force de notre imagination qui a faim comme le monde et ses merveilles, on ne lui fait plus.

 Le sommet de l’Everest, le fond du grand Canyon, la pyramide de Khéops, le mausolée d’Halicarnasse, le chant des baleines, les nuées d’oiseaux, le jardin d’Eden, la tour de Babel, ça ne lui suffit plus. Nous adorons fourrer nos doigts sales dans n’importe quelle narine en espérant y trouver quelque chose, n’importe quoi qui pourrait nous surprendre encore un peu, mais comme on a l’air bien malin à prendre des airs dégoûtés devant ces morceaux d’autres vies que notre imagination nous a collés sous les ongles, et dont nous ne savons plus quoi faire.
Je croque toujours dans les pommes à pleines dents et si un vers a élu domicile dedans, je le prends avec, mais je n’irai pas farfouiller dans un pif tout aussi roc tout aussi péninsule soit-il pour l’y dénicher. Quand mon nez est bouché, je me mouche dans une feuille de papier, parfois un texte se colle dedans, parfois la feuille est juste froissée et je renifle fort. Parfois à force de renifler je me colle une migraine terrible qui ne me lâche plus, d’autres fois je la décolle et je sors boire une bière en compagnie de mains qui préfèrent refaire le monde plutôt que de me tirer les vers du nez.
Et comme leurs yeux reflètent la vie dans toute sa splendeur, ça me suffit.

Notice biographique

Chat Qui Louche maykan alain gagnon francophonieMyriam Ould-Hamouda (alias Maestitia) voit le jour à Belfort (Franche-Comté) en 1987. Elle travaille au sein d’une association pour personnes retraitées où elle anime, entre autres, des ateliers d’écriture.  C’est en focalisant son énergie sur le théâtre et le dessin qu’elle a acquis et développé son sens du mouvement, teinté de sonoritJés, et sa douceur en bataille — autant de fils conducteurs vers sa passion primordiale : l’écriture. Elle écrit comme elle vit, et vit comme elle parle.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)

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