Chronique « Géronimo »
Scénario de Matz, dessin de Jef,
Public conseillé : Adultes/grands ado (+ de 16 ans)
Style : Western réaliste, Biopic,
Paru aux éditions « Rue de Sèvres », le 15 mars 2017, 18 euros,
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L’Histoire
1850 ou 1851, nord du Mexique. Le chef indien Mangas Coloradas conduit sa tribu loin des terres ancestrales. Laissant leurs familles au campement, les guerriers vont dans la ville de Janos, qu’ils nomment Kas-yi-yeh. Malgré une haine vivace, ils viennent troquer des vivres avec les villageois mexicains.
Soudain, le Chaman Goyahkla a une vision. Écoutant leur homme-médecine, les indiens s’en retournent et découvrent le campement massacré, femmes et enfants compris !
N’ayant pas assez de guerriers valides pour poursuivre les coupables, la tribu repart chez elle, endeuillée…
Goyakhla, ivre de vengeance, harangue les siens pour prendre le sentier de la guerre contre les mexicains. Soutenu par le chef, il part convaincre les autres tribus indiennes de s’allier avec eux. Un ans plus tard, les trois tribus partent en guerre. Ils croisent pour la première fois des “yeux clairs”, occupés à mesurer le territoire…
Enfin, arrive la première confrontation avec l’armée mexicaine. Les indiens massacrent leurs ennemis ! Le lendemain, de nouveaux militaires arrivent. Une fois encore, ils se font massacrer. Dans la tourmente, Goyakhla, certain de ne pas mourir de la main de ses ennemis, est terrifiant et invincible. Effrayé par ce “démon”,l es mexicains s’enfuient devant lui en jurant “San Geronimo !”…
“Géronimo” est né !
Ce qu’on en pense
par Nathalie Ma première confrontation avec «Geronimo», version “bonnes feuilles” en noir et blanc, fut assez brute. Ma deuxième lecture fut en pdf et en couleurs (tout du moins une très grande partie). Ce qui provoqua un coup de foudre et une claque monumentale, une vraie histoire d’amour, quoi ! Des récits sur les apaches, il y en a beaucoup. Des films, un certain nombre… Sur Geronimo, tout autant, mais en bande dessinée, je n’en connais pas. De toute manière, après avoir lu celle-là, il n’en faut pas d’autre !Divisée en quatre parties, plus un épilogue, je suis passée d’un chapitre à l’autre avec le coeur battant. Au départ, tout semble calme. Le clan de Geronimo (qui s’appelle «Goyahkla») vit plutôt paisiblement. Ils font du troc avec les Mexicains et chacun se tolère, même si la paix semble fragile. Il suffira d’un événement tragique pour que tout bascule. Pendant que les hommes sont au village de Janos (Kas-Hi-Yeh pour les indiens), un groupe de mexicains tue tous les membres de la tribu restée au camp. Le futur Geronimo y perd sa mère, sa femme et ses enfants.. Il ne vivra que pour venger les siens !
Si cette bande dessinée raconte l’histoire de Geronimo, elle retrace aussi ce que les Apaches et les autres clans ont dû subir quand les blancs sont arrivés sur leur territoire. Le scénario de Matz est très bien ficelé. Après ce début en douceur, il fait monter la tension page par page, tout au long de la lecture. Électrifiée, tendue, en manque d’air, je suis passée par un nombre inimaginable de sentiments…
Tout cela est magnifié par le dessin magistral de Jef. Pour leur troisième collaboration, celle-ci est, pour moi, la plus explosive. Je suis restée scotchée par le trait, les couleurs ! Que ce soit les paysages (d’une grandeur et profondeur vertigineuse), les expressions des personnages (je ressens leur peur, leur rage, leur haine, leur tristesse), tout est relevé par des teintes superbement posées… J’en suis restée coite !
Pour résumer, Il y a des bandes dessinées que l’on aime pour l’histoire, le scénario, ou les deux. Il y en a d’autres desquelles on sort tellement exalté… qu’on en sort pas vraiment…
par Jacques Matz et Jef sortent leur nouveau one-shot chez Rue de Sèvres ! Cette fois-ci, ce n’est pas un polar (le style qui les a réuni pour le meilleur – “Corps et âme” et “Balle perdue”), mais une biographie. Matz s’attaque à un indien de légende : “Géronimo”. Chaman respecté et fou de guerre (qui a gagné ce surnom dans les batailles), cet homme est la quintessence d’une vengeance menée durant une vie entière… un drame vivant !Pour aborder le sujet, Matz le traite à la façon d’un Biopic. Il démarre son récit par le massacre de sa famille par les troupes mexicaines. Ce drame, cette faille, le façonne et transforme l’homme de paix qui parle à ses dieux, en sauvage ivre de vengeance… S’ensuit alors des tranches de vie et de guerre qui s’installent pendant 30 ans entre ce chef de guerre et l’armée mexicaine, puis les blancs venus leur voler leur terres…
Avec une véritable distanciation, sans prendre parti, ni manichéisme, Matz présente les deux camps. Il porte un regard neutre sur Géronimo, mais n’excuse pas ses meurtres sauvages et aveugles sur tous les blancs rencontrés. C’est peut-être cette extrême distance, ce “manque d’émotions” qui m’a un peu gêné dans ce beau portrait tout en finesse…
Au dessin, Jef, que je connaissais pour ces ambiances urbaines et noires (polar oblige !) change carrément de genre. Néanmoins, il continue à travailler avec ses propres codes. Le petit format de l’album impose peu de cases par planches. Jef met en valeur les décors naturels et sauvages, les détails, les foules dans de grandes cases superbes. Si les visages et mouvements sont encore, à mon goût, un peu “raides”, la mise-en-couleur numérique (c’est sa technique) de ces grandes cases est majestueuse ! Rouge violent, bleus crépusculaires et ocres sales “ambiancent” ses planches. Bravo !
Pour résumer, vous voulez du dépaysement et du fond en même temps ? Pourquoi ne pas découvrir le vrai visage d’une icône indienne, nommée “Géronimo” ?

