- La huitième vie (pour Brilka) -

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La Huitième Vie (pour Brilka)deNino HaratischwiliEd. Piranha
Lorsque j'ai demandé ce roman sur Netgalley, je ne m'attendais pas à grand-chose, j'avais à peine lu la quatrième de couverture, aucun avis et n'avais jamais croisé le livre en librairie. Je vous laisse imaginer ma surprise quand j'ai ouvert le fichier sur ma liseuse et que j'ai vu s'afficher 0 sur 1333 pages. Moi qui voulais lire un petit roman romantico-historico-gentillo-RAPIDO, c'était raté. Mais je suis un brocoli qui n'a qu'une seule parole et lorsqu'on me confie une mission, je la fais du mieux que je peux (je devrais mettre cette phrase dans mes lettres de motivation)(surtout la partie brocoli). Et j'ai plongé, telle une farfalle dans l'eau bouillante, dans cette fresque romanesque absolument renversante.
Le résumé trépidant
- La huitième vie (pour Brilka) -
Géorgie, 1917. Stasia, la fille d’un chocolatier de génie, rêve d’une carrière de danseuse étoile à Paris lorsque, à tout juste dix-sept ans, elle s’éprend de Simon Iachi, premier-lieutenant de la Garde blanche. La révolution qui éclate en octobre contraint les deux amoureux à précipiter leur mariage.
Allemagne, 2006. Niza, l’arrière-petite-fille de Stasia, s’est installée à Berlin depuis plusieurs années pour fuir le poids d’un passé familial trop douloureux. Quand Brilka, sa nièce de douze ans, profite d’un voyage à l’Ouest pour fuguer, c’est à elle de la retrouver pour la ramener au pays. À la recherche de son identité, elle entreprend d’écrire, pour elle et pour sa nièce, l’histoire de la famille Iachi sur six générations.
Ce qu'en a pensé Titine
La quatrième de couverture est un tout petit peu trompeuse. À sa lecture, je m'attendais à un roman reprenant le schéma plutôt classique de l'alternance des récits, l'un se serait déroulé en Géorgie, avec le point de vue de Stasia et l'autre en Allemagne, à notre époque, avec les recherches de Niza. Je vous préviens, ce n'est pas le cas.
Le récit démarre en 2006, avec le coup de fil paniqué de la mère de Niza, l'informant que Brilka a disparu, nous basculons rapidement dans le passé de la famille de l'adolescente en fuite, il n'y aura pas d'alternance ici. Après ce prologue, l'histoire se déroule assez linéairement en démarrant en 1917 avec Stasia, à la fin du règne de la famille tsarine Romanov, puis en suivant, petit à petit le reste de la famille et les enfants et petits-enfants de Stasia. Tout cela pour arriver enfin à Niza et Brilka, les deux dernières générations.
Néanmoins, ce roman n'est pas "juste" l'histoire d'une famille à travers tout le XXe siècle, c'est d'abord l'histoire d'un pays, la Géorgie, et celle de l'Union Soviétique et du communisme. Page après page, nous allons assister à tout ce qu'on a appris et oublié en cours d'Histoire, au lycée. Et, je vous jure, c'est absolument passionnant. C'est érudit, c'est effrayant, c'est documenté et les mots roulent avec fluidité. Je vous avoue tout de même qu'à certains moments, j'ai eu envie de sauter quelques pages de faits historiques détaillés, pour plus vite retrouver les personnages, tant j'avais hâte de connaître la suite de leur destin, mais, honnêtement, ce n'est pas un défaut si gênant que ça.
Les membres de la famille Iachi ont chacun une personnalité très marquée, très forte, certains sont absolument détestables de bout en bout, même si l'on peut essayer de comprendre leurs motivations, d'autres deviennent parfaits, alors que, paradoxalement, bourrés de défauts. Des êtres humains réalistes, comme on en voit finalement peu dans la littérature. Le très soviétique Kostia, qui fait tout selon les règles, la fantasque Kitty, qui rêve de liberté, la superbe Christine, punie pour sa beauté, Stasia, la danseuse contrariée... Ils feront tous leur petit effet, provoqueront tous des émotions variées et même si j'ai eu mes petits favoris, le destin de chacun m'a vraiment touché.
Il faut par contre s'accrocher à ses bretelles, vivre à ce moment-là à cet endroit-là, ce n'était pas exactement de tout repos. Et cette famille a quelques petits soucis de communication (l'euphémisme du siècle). Coup dur, trahison, rivalité fraternelle mais aussi amour, joie et soutien, tout y passe en presque un siècle.  Et les femmes, en majorité dans ce roman, n'ont pas la vie facile, comme c'est toujours le cas en temps de guerre. Certains événements vont vous briser le cœur, vous êtes prévenus. 

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C'est un coup de ♥ !


En BrefSi vous décidez de vous plonger La huitième vie, ce que je vous conseille fortement, préparez-vous à plonger dans une oeuvre d'une densité et d'une intensité rare. Difficile à lire, difficile à vivre, c'est un roman qui se découvre lentement, pour tout apprécier et pour bien intégrer les faits historiques (et demander une précision à Wikipédia quand vos souvenirs deviennent vraiment trop vagues) mais ça vaut vraiment le coup. Je n'ai pas lu grand-chose des éditions Piranha pour l'instant, mais je dois avouer que leur ligne éditoriale m'accroche et m'attire de plus en plus (La Pâtissière de Long Island, lu l'année dernière, avait une thématique assez proche et un personnage féminin central fort et porteur), je vais donc les surveiller de plus près, les petits poissons ! D'ailleurs, bravo à eux pour la confiance qu'ils accordent aux lecteurs de Netgalley en proposant des ouvrages libres de toutes sortes de DRM (remplacé par un tatouage numérique), c'est plus simple à manipuler et, de la part d'une maison d'édition, c'est une prise de position riche de sens.

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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois