Femmes de dictateur, Diane Ducret

Femmes de dictateur, Diane Ducret


Après la déception des Indésirables, où le format de roman m'avait peu convaincue, nous sommes cette fois-ci dans quelque chose qui tient davantage de l'essai, ou de l'ouvrage historique (car il s'agit surtout d'analyser la place des femmes dans le parcours des dictateurs, et de relater l'histoire de celles qui s'y sont inscrites), et je dois dire que j'ai été conquise.

Diane Ducret introduit ainsi son oeuvre : "La sexualité est l'un des ressorts du pouvoir absolu, et les dictateurs ont besoin d'enrôler les femmes dans leurs entreprises de domination."
Dès lors, elle n'aura de cesse de mettre en exergue le rôle joué par l'une ou l'autre, dressant d'étranges tableaux de ces hommes que la mémoire collective nous a conduits à haïr.

Le résultat est dérangeant : Hitler devient un objet de désir partagé, Mussolini est le surmâle de sa nation. Pas vraiment l'image que vous en avez, pas vrai?
Et pourtant...
L'auteur exhume les lettres de nombreuses admiratrices, restées pour beaucoup sans réponse, où l'on lit l'étendue de leur emprise, la nature de leur image sur certaines femmes de l'époque. Elles se pâment d'amour, sollicitent la plus petite marque d'attention, de réciprocité, rêvent de croiser la route et le regard de celui qu'elles vénèrent, non comme un Dieu chaste, mais comme un homme de chair, celui qui a conquis leur cœur (que c'est beau...).

Parmi les nombreuses histoires qui nous sont rapportées, j'ai été particulièrement intéressée par le chemin de Mussolini, jalonné de rencontres féminines dont certaines ont significativement contribué à sa consécration.

Au milieu des femmes bafouées, humiliées, exploitées, on trouve aussi de drôles de figures, à l'instar de Jiang Qing, dernière compagne de Mao Zedong, une teigne comme on n'en fait plus : la dame a tout de même été à l'origine de la révolution culturelle, a été jugée responsable de la mort de milliers de personnes, et s'est montrée une bête politique redoutable, évinçant les adversaires de son mari en n'hésitant pas à user de toutes sortes de recours. Bref, tout à fait sympathique, cette Jiang, qui a dit que les hommes étaient capables du pire?

Je ne peux pas oublier Hitler, dont on découvre le potentiel érotique (conceptuellement uniquement, je ne peux pas franchement dire que je l'ai ressenti autrement...), et l'étrange relation entretenue avec la femme de Goebbels, Magda, qui lui est restée fidèle jusqu'à la dernière minute.

La lecture de Femmes de dictateurs a donc été extrêmement instructive, tant pour appréhender ces hommes en tant qu'hommes justement, dans la sphère privée où s'exerçait bien souvent leur pouvoir en premier lieu, que pour découvrir celles qui étaient tapies dans leur ombre, premières de leurs victimes, ou au contraire, leurs indéfectibles alliées.

Passionnant!


"Cher Adi!
Tu vas sûrement te languir quelque peu de moi. Je veux encore t'envoyer une photographie, comme symbole de mon amour. Je t'en joins donc une petite de moi. Ici, je ressemble à une Madone dans le ciel. Parfois je suis très triste. Le 23 VII je vais dans mon pays natal. Tu étais déjà bien à Karlsbad... De là-bas je penserai à toi plus souvent.
De fervents baisers à toi, ma sale bête.
Ritschi" (lettre à...Adolf Hitler...)

"C'est Margherita qui joue ce rôle de directrice de communication pour Benito [ndlr : Mussolini]. Elle doit faire aimer cet homme à un peuple qui ne l'apprécie guère. Il faut créer un mythe, celui du surmâle. Mussolini le joueur habile, Margherita le fin stratège. La révolution nationale est en marche.
[...]
Margherita a compris un point essentiel : au-delà de la qualité d'orateur de Benito, il a un corps, une présence physique magnétique. Il faut donc le montrer, tout le temps, dans toutes les postures."

"Vous voyez ce revolver, madame Guidi. Il contient 6 balles. Si Rachele me repousse encore, il y aura une balle pour elle et 5 pour moi." (menace de Benito Mussolini à la mère d'une jeune fille qu'il "courtise". Je suis peut-être pragmatique, mais je me demande bien, une fois qu'il se sera tiré une balle, comment il va faire pour se tirer les 4 suivantes...)

"Son bras plus court que l'autre le met mal à l'aise, l'empêchant plus tard de danser le slow avec ses hôtes du Kremlon : "je suis incapable d'attraper une femme par la taille", admit-il un jour.
Or la taille ne fait pas tout." (ah ah ah!)

"Le couple se dispute souvent. Bokassa argue de leur différence de caractère : "Catherine, c'est la boule de manioc et la banane, et Bokassa, c'est le camembert et le beaujolais", analyse-t-il avec sagacité". (J'aime bien l'humour de Diane)



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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois