La masse que nous produisons désormais à pleines écoles… Jean-Pierre Vidal

La masse que nous produisons désormais à pleines écoles… Jean-Pierre Vidal

231. — La simplicité des uns fait la complexité des autres.

232. — Peut-être, comme le prétendait Heiner Müller, un certain élitisme intellectuel conduit-il à Auschwitz ; mais, d’une part, on aurait pu lui faire remarquer qu’effectivement il y a conduit massivement nombre d’intellectuels et, d’autre part, la masse que nous produisons désormais à pleines écoles couvrira, on peut en être sûr, les futurs Auschwitz de son silence unanime et de son assentiment veule. Il suffira de lui montrer du doigt, comme on le fait déjà, quiconque ne pense pas conforme.

233. — Vous avez envie d’une liqueur, on vous tend en prime un gratteux. Vous voulez un hot-dog, on vous propose une participation au tirage d’une Cadillac. Vous croyez élire un premier ministre et vous vous retrouvez avec un voyageur de commerce.

234. — L’indignation n’a que faire de la nuance. Si elle se tempère, c’est qu’elle n’a plus lieu d’être.

235. — On excuse peut-être, à l’occasion, les travers, parfois extravagants, du grand homme, mais on loue toujours avec enthousiasme la banalité des vices de la vedette ou la vulgarité de ses goûts. Le grand homme nous dérange, la vedette nous accommode et nous conforte. Voilà pourquoi notre âge, obsédé d’accommodements en tous genres, ne connaît plus que des vedettes. Pensez donc, même les artistes sont des gens ordinaires qui vous ouvrent leur atelier pour vous montrer les petites déjections quotidiennes que sont devenues, bien souvent, leurs œuvres, comme on ouvre son frigo pour offrir une p’tite bière.

236. — Nos écrans sont pleins de chocs cosmiques entre le bien et le mal, chacun d’ailleurs sponsorisé par une marque de biscuits ou de dentifrice, mais la seule lutte qui nous reste vraiment c’est celle qui se fait entre le vide de nos âmes et l’ennui de nos cœurs.

237. — Certains ont du cœur au ventre, d’autres du ventre au cœur ; et qui leur étouffe l’âme.

238. — Il existe une jovialité défensive qu’il ne faut surtout pas prendre pour de l’amitié ; en vérité, celui qui vous la brandit sous le nez vous oubliera dès qu’il n’aura plus peur de vous.

239. — Faire la pute est peut-être un métier de femme, mais c’est incontestablement une vocation d’homme.

240. — Quand votre femme vous dit qu’elle n’a pas de fantasmes, c’est qu’elle ne veut plus les vivre avec vous.

Notice biographique

Écrivain, sémioticien et chercheur, Jean-Pierre Vidal est professeur émérite de l’Université du Québec à Chicoutimi où il a enseigné depuis sa fondation en 1969.  Outre des centaines d’articles dans des revues universitairesLa masse que nous produisons désormais à pleines écoles… Jean-Pierre Vidalquébécoises et françaises, il a publié deux livres sur Alain Robbe-Grillet, trois recueils de nouvelles (Histoires cruelles et lamentables – 1991, Petites morts et autres contrariétés – 2011, et Le chat qui avait mordu Sigmund Freud – 2013), un essai en 2004 : Le labyrinthe aboli – de quelques Minotaures contemporains ainsi qu’un recueil d’aphorismes,Apophtegmes et rancœurs, aux Éditions numériques du Chat qui louche en 2012.  Jean-Pierre Vidal collabore à diverses revues culturelles et artistiques (SpiraleTangenceXYZEsseEtcCiel VariableZone occupée).  En plus de cette Chronique d’humeur bimensuelle, il participe occasionnellement, sous le pseudonyme de Diogène l’ancien, au blogue de Mauvaise herbe.  Depuis 2005, il est conseiller scientifique au Fonds de Recherche du Québec–Société et Culture (F.R.Q.S.C.).

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)

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