Les autres

Les autres

Les autres – Alice Ferney

Actes Sud Babel (2006)
C’est l’anniversaire de Théo qui fête ses vingt ans dans la maison de ses parents, en compagnie d’Estelle sa fiancée et de Niels son frère aîné. Sont également invités Claude, le meilleur ami de Niels, et sa fiancée Fleur, ainsi que Marina, une amie d’enfance de Théo qui est venue accompagnée de son fils qu’elle élève seule. Moussia, la mère de Niels et Théo est également présente, même si elle s’absente souvent pour aller voir sa mère, Nina, qui dort à l’étage, trop fatiguée pour se joindre à la soirée. Niels a offert à son frère un jeu de société, Personnages et caractères, sorte de jeu de la vérité, censé permettre aux joueurs de mieux se connaitre mutuellement. Niels fait le forcing pour convaincre les autres de participer, certains sont très réticents mais se laissent convaincre. Au cours de la soirée, plusieurs secrets vont être mis à jour, certains resteront connus seulement du lecteur, chacun des participants va apprendre sur lui-même et sur ses compagnons de jeu des choses surprenantes et pas toujours agréables.
Ce qui fait l’originalité de ce roman, c’est que cette soirée nous est racontée trois fois : d’abord, uniquement à travers les pensées de chaque personne présente dans la maison ; ensuite, uniquement par les dialogues échangés entre les participants ; finalement, c’est un narrateur externe qui rapporte ce qu’il observe, comme le ferait le spectateur impartial d’un film.
Personnellement, c’est la première partie que je trouve la plus intéressante et la plus réussie. La retranscription des pensées de chacun permet de suivre l’évolution des personnages au cours de la soirée, l’état d’esprit dans lequel ils sont au début, leurs réactions à l’énoncé des règles du jeu, la réticence, l’acceptation ou l’enthousiasme, et puis la façon dont ils accueillent les propos des autres au fur et à mesure que le jeu se déroule, avec ses violences et ses non-dits. Cette première partie aurait pu se suffire à elle-même. Bien sûr, le lecteur n’aurait alors eu qu’une perception partielle de la soirée mais il y avait de quoi construire un roman complet.
Ensuite, la partie des dialogues vient compléter l’histoire, remet les échanges à leur juste place, révèle les susceptibilités, montre l’écart entre ce que l’on pense et ce que l’on dit. Dommage que les dialogues soient un peu trop travaillés, manquant de naturel et de spontanéité quelquefois.
Puis enfin, la narration d’un point de vue extérieur apporte une certaine banalisation à l’histoire, puisque certaines informations n’ont jamais été verbalisées et ne sont donc pas perçues par un tiers. Nécessaire dans ce triptyque qu’a conçu l’auteur, cette partie n’apporte rien de fondamental à l’intrigue. Mais elle permet de mettre en évidence ce qui peut manquer dans un rapport « objectif », qui ne rendrait compte ni des pensées des protagonistes, ni des échanges verbaux entre eux.
Livre intéressant, peut-être un peu long sur la fin, puisqu’il y n’y a plus grand-chose à découvrir au troisième passage ! J’aime toujours la plume d’Alice Ferney, sa précision et sa subtilité, sa capacité à créer des personnages sensibles et complexes, où l’on peut se reconnaître partiellement. Mais j’aurais un peu de mal à désigner mon personnage préféré dans le groupe que l’auteur a constitué dans ce livre. Chacun a ses défauts et ses qualités, comme nous tous d’ailleurs, et c’est ce qui, finalement, les rend très crédibles.
D'autres avis sur ce livre : celui de Clochette, enthousiaste, celui de Papillon qui a moins aimé et beaucoup d'autres chez Babelio.

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