« Je vous écris dans le noir » de Jean-Luc Seigle (Une histoire – Une femme)

Un mois – Une auteure

Moi (à l’entrée de la librairie, contemplant une portrait sur le mur): Qui est cette femme ?
Catherine (s’arrêtant à mes côtés): Tu as oublié ? A partir du mois de novembre jusqu’à juin, on aura un mois spéciale sur un auteur féminin. C’est la nouvelle directive de la « Reine de Glace »
Moi (contemplant toujours le portrait, un peu perdue): Si, je me rappelle de cela. Mais cette femme sur cette photo ne me dit rien.
Catherine (en souriant): C’est la mère de la « Reine de Glace », elle écrivait des poèmes,  il y’a longtemps. Elle n’est pas très connue, certes, mais j’en ai lu quelques uns et ils sont très beaux.
Moi (souriant à mon tour): La « Reine de glace » a un cœur…

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AUTEUR:  Jean-Luc Seigle
TITRE: JE VOUS ECRIS DANS LE NOIR, suivi de « Iphigénie ou les effets de la chasse
ÉDITEUR, ANNÉE: J’ai Lu, 2016
NOMBRE DE PAGES: 255 pages

Reçu lors d’une  Masse Critique de Babelio, je profite par la même occasion de créer une nouvelle rubrique de romans. Elle sera consacrée au statut de la femme, à différentes périodes de l’histoire, et cela, à travers différents récits romancés ou biographiques. Et j’ai l’honneur de le consacrer avec un roman qui m’a littéralement chamboulée. Voici « Je vous écris dans le noir » de Jean-Luc Seigle.

Résumé:
« 1961. Après avoir vu La Vérité de Clouzot, inspiré de sa vie et dans lequel Brigitte Bardot incarne son rôle de meurtrière, Pauline Dubuisson fuit la France et s’exile au Maroc sous un faux nom. Lorsque Jean la demande en mariage, il ne sait rien de son passé. Il ne sait pas non plus que le destin oblige Pauline à revivre la même situation qui, dix ans plus tôt, l’avait conduite au crime. Choisira-t-elle de se taire ou de dire la vérité ? Jean-Luc Seigle signe un roman à la première personne où résonnent les silences, les rêves et les souffrances d’une femme condamnée à mort à trois reprises par les hommes de son temps. »

Après avoir changé de nom et repris ses études de médecine, Pauline essaye tant bien que mal de reprendre sa vie. Mais voilà, son passé funeste semble vouloir la rattraper à travers les nombreuses affiches de ce film, « La Vérité », avec dans le rôle principal Brigitte Bardot. Ce rôle liait à celle qu’elle était – celle qui a tué son ancien petit ami, Félix. Tiraillée entre la peur et la curiosité, elle décide de le voir. De nouveau, c’est la condamnation. Elle n’en peut plus et essaye de nouveau à fuir ce passé. Puis un espoir apparaît enfin et l’amour lui sourit de nouveau. Mais pour ne pas les perdre, doit-elle se taire ou dire la vérité ?

Bien avant que ce roman soit publié, je connaissais l’affaire judiciaire de Pauline Dubuisson par le biais du film de Clouzot. J’étais assez jeune et je me suis arrêtée à cette version de l’histoire: meurtre passionnel, jeune femme aux mœurs légères à tendance dépressive. J’ai compris bien plus tard que c’était l’image que la société avait d’elle. Une femme qui ne se conforme pas aux normes ne peut qu’être une personne de mauvaise vie.

J’ai voulu voir plus loin que cette image donnée, comprendre qui était vraiment Pauline Dubuisson au-delà des ouï-dire. Et je pense que la démarche de l’auteur va dans ce sens.
Utilisant la première personne pour la narration de l’histoire, Jean-Luc Seigle nous met, face à  face, à Pauline. Ses sentiments transpercent dans chaque parole: sa grande affection pour son père, sa relation quelque peu difficile avec sa mère, ses relations amoureuses, ses peines, ses joies, ses peurs… C’est comme si elle vous regardait droit les yeux pour vous dire: écoute-moi, écoute tout ce que j’ai gardé en moi.

Je ne pensais pas que j’allais passer par autant d’émotion. Quelles pouvaient être ces terribles fautes pour que cette femme fut déjà désignée coupable avant l’heure ? Je m’enfonçais peu à peu dans ses souvenirs, de plus en plus sombres. Certaines scènes étaient dures, voire violentes. L’impact a été si fort que j’en ai éprouvé même de la colère. Certes, une grande source des souffrances de Pauline débute lors de la Seconde Guerre Mondiale et de ses conséquences. Et je devrais prendre, là encore, le contexte, mais… Je ne pouvait pas étouffer cette colère qui grandissait en moi.

Au fil des pages, je découvrais une Pauline Dubuisson bien plus éloignée de l’image que j’avais d’elle. L’auteur nous livre là le plus beau plaidoyer pour cette jeune femme, sacrifiée sur l’autel de la guerre et jugée dans une société patriarcale. J’ai, d’ailleurs, trouvé très pertinent, la présence de la nouvelle « Iphigénie » à la fin du roman, qui fait écho à l’histoire de Pauline

Conclusion:

S’inspirant des cahiers disparus qu’avaient laissé Pauline Dubuisson derrière elle, Jean-Luc Seigle, dans un style sobre et plein de sensibilité, nous dévoile sa vie sous un autre prisme. On constate à quel point le jugement de l’opinion publique peut être dévastatrice.
Bien plus encore, on découvre une personne brisée, qui a été jugé comme sans cœur et dévergondée, ne voulant pas être à la place qu’on attend d’une femme. Piétinée, elle a été piétinée jusqu’à son dernier souffle.

Tristesse et colère se mêle en moi. Bien sûr ce n’est pas les véritables paroles de Pauline et je devrais prendre du recul. Et oui, elle est coupable du crime qu’elle a commis. L’auteur ne l’excuse nullement, mais il nous dis juste pourquoi, pourquoi tout cela est arrivé.

Je vous invite vraiment, mais vraiment à lire ce roman qui est une véritable oeuvre coup de poing et pour que l’image de Pauline Dubuisson ne soit plus vu que sous le prisme d’une société qui l’a jugé sans la comprendre.

(Image de valrevn )

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