Ces amours de gens

Par Manongrelha

Certains diront que je suis une fille trop sensible, d’autres que je devrais aller me faire soigner. Mais il faut que j’avoue quelque chose : j’aime les gens. Cela m’est apparu, assez clairement, quand j’ai vu un vieux monsieur traverser la route et que j’ai eu de l’affection pour lui. Je ne le connais pas, je n’ai pas pitié de lui, je ne le reverrai jamais, mais j’ai ressenti une sincère compassion, une envie têtue de lui serrer la main et de lui souhaiter une belle journée. Après m’être demandée quelques secondes quel était mon foutu problème, je me suis souvenue : j’aime les gens. Il m’arrive souvent de l’oublier, car je fais un métier où 70% de mes clients vont me manquer de respect, m’insulter, me crier dessus, se plaindre, sans jamais me considérer réellement. Et malgré cela, je n’en démords pas, je suis une amoureuse des gens, j’aime dire bonjour, discuter, observer ce petit monde qui défile devant moi, imaginer leurs vies, voir leurs sourires, les entendre rire… Ma vie a été parsemée jusqu’ici de belles rencontres, certaines plus éphémères que d’autres, qui me donnent un espoir timide auquel je m’accroche.

« Les gens », ce ne sont pas votre famille ou vos amis, ce sont tous ces inconnus qui gravitent autour de vous, que vous croisez sans voir, sans y faire attention. Les gens, ce ne sont pas que des abeilles qui volent autour de vous, ce sont des vies riches et entières, des personnalités, et certainement beaucoup de bonté en eux. Je ne sais pas, je n’arrive pas à détester les gens que je vois, j’ai même parfois, sans raison, envie de les prendre dans mes bras. Combien de fois, à mon guichet, en observant une personne valider son passe Navigo, je me mets à sourire bêtement, juste parce que je ressens comme une pointe de… tendresse ?

C’est certainement bizarre. Je me rappelle de toutes ces belles personnes de passage que j’ai rencontré et je sais que cette beauté, nous pouvons la puiser à travers tous ceux que nous croisons (je fais bien sûr une exception pour les personnes que je ne considère pas comme humaines : assassins, violeurs, « pourrisseurs » de vie).

Ces personnes, humaines, je ne les oublie pas.

Ce SDF, croisé au restaurant un soir de déprime, à qui j’ai donné dix euros en échange d’un dessin de lui. Je l’aimais bien. Tellement que je lui ai dit « Merci », comme si je le remerciais d’avoir croisé ma route, et qu’il m’a répondu, l’air étonné : « Mais… Merci à vous ! »

Cette femme, à Rennes, qui m’a parlé pendant dix bonnes minutes devant les cabines d’essayage H&M et qui m’a dit qu’elle cherchait un haut pour un mariage. Ça lui faisait bizarre d’être dans un magasin avec tant de monde, elle qui était si seule. Sur le coup, j’avais l’impression d’avoir été confondue avec une psychologue, et lorsque j’ai vu une cabine libre, je lui ai souri, je lui ai dit au revoir, et je suis partie en lui souhaitant du courage. Je l’aimais bien. J’aurais voulu qu’elle soit heureuse, et j’étais touchée de penser que notre petite discussion lui avait peut-être fait du bien.

Cet homme, à la sortie de ma première journée de fac, qui m’a redonné le sourire. Il voulait me vendre une carte faite par sa troupe d’acteurs, et il a fini par me demander si j’étudiais à l’université. Je lui ai dit que oui. Il m’a demandé si j’aimais ce que je faisais. J’ai répondu : « Non, mais ce n’est pas grave ». Je lui ai confié que je voulais être toiletteuse pour chiens, mais que ma famille trouvait ça complètement débile. Il m’a dit de faire ce que je voulais de ma vie, de ne pas me écraser par la volonté des autres, et qu’il était sûr que j’y arriverais. Il a aussi dit qu’avec les chiens,  je ne serais jamais déçue, et toujours aimée. Je l’aimais bien.

J’espère n’être jamais rendue aigrie par la vie, et continuer à AIMER, tout simplement. Merci à vous tous, simplement, d’exister

Alors, je vous avais prévenu, je suis une nunuche, n’est-ce pas ? Pas grave, j’assume !

©Manon Grelha

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