Profession libraire

Profession libraireLa Librairie du Quartier, sise sur la rue Cartier à Québec, est l'une de mes librairies indépendantes préférées. Son décor minimaliste, le choix des livres placés sur ses espaces de présentation et ses libraires passionné(e)s font qu'on s'y sent à bien, trop bien. J'y ai rencontré Maud, librairie depuis plus de cinq ans. Elle a gentiment accepté de répondre à mes questions.LA LIBRAIREComment es-tu devenue libraire?Par hasard! Il y a cinq ans, ma coloc cherchait du travail et m'a indiqué que la librairie sur l'avenue Cartier (La Bouquinerie de Cartier à l'époque) cherchait un libraire. J'avais un travail d'étudiante très loin de mes études en littérature, j'ai donc tenté ma chance. J'y suis rentrée principalement pour la période estivale et n'y suis plus repartie!Profession libraireComment qualifierais-tu la clientèle de la Librairie du Quartier?La majorité de notre clientèle est régulière et fidèle. Au fil des ans, ce sont des relations riches que nous entretenons avec nos clients. Curieuse, ouverte, cultivée et avide de suggestions, passionnée, notre clientèle est parfois plus à l'affût des actualités littéraires que nous! Dans la foulée de la fermeture de La Bouquinerie, il y a deux ans, et l'ouverture de La librairie du Quartier il y a maintenant deux ans, nos clients nous témoignent tellement de générosité. Quand des clients t'apportent des fleurs et partagent avec toi leur recette de bleuets des moines trappistes, on dépasse largement la simple relation libraire-client!Qu'est-ce qui te plaît le plus dans le métier de libraire?Tout (ou presque)! Conseiller est ce que je préfère. C'est ce qui me permet de communiquer ma passion, de créer des liens avec les clients: c'est un plaisir qui ne s'épuise pas! Être aux premières loges des rentrées littéraires, organiser des événements, animer des rencontres avec des auteurs ou avec des lecteurs (j'anime des groupes de lecture avec mes collègues à tous les mois), veiller à l'image du magasin: ce sont tous des aspects de mon travail qui me nourrissent au quotidien.Quelles sont les ingratitudes de ton métier?Le service à la clientèle, peu importe le commerce, ce n'est pas toujours évident! Libraire n'est pas toujours un métier reconnu et je le sens parfois dans mon rapport avec les clients.De quoi sont le plus friands les lecteurs que tu conseilles?Je lis de tout et conseille plus d'un type de lecteur, mais les gens viennent généralement me voir pour des conseils en littérature québécoise, tout comme en littérature générale. Les gens qui suivent d'une fois à l'autre mes conseils aiment les romans québécois d'ambiance ou à la forme éclatée, ainsi que la littérature en général, dont la forme est aussi importante que le contenu, allant des romans plus psychologiques aux récits minimalistes.Te demande-t-on plus souvent un livre précis ou une suggestion?Les deux. Il y a beaucoup de gens qui viennent en libraire pour un livre en particulier, dont ils ont entendu parler à la télévision, à la radio, dans les journaux, etc. Et puis nos clients réguliers sont toujours curieux de connaître nos dernières lectures, nos derniers coups de cœur.La question la plus étrange que l’on t'ait posée?Il doit y en avoir beaucoup, en fait… La plus récente serait: «Auriez-vous envie d'engager un jardinier d'intérieur?»Un livre que tu aurais envie de conseiller à tous les lecteurs?Un livre qui reste dans mes coups de cœur depuis que je suis libraire et qui n'a (je crois!) déçu personne est Rue des voleurs de Mathias Énard (Babel, Actes Sud). Un récit puissant sur l'histoire d'un jeune marocain vivant à Tanger qui, après avoir commis l'irréparable, devra s'exiler de sa famille. En ouvrant une boutique de livres usagés avec l'aide d’une communauté religieuse redoutable, il cherchera le sens à son existence.
DES CONSEILS…
Un livre décoiffant?Pourquoi Bologne d'Alain Farah (Le Quartanier). Une autofiction déjantée, flyée et brillante.Un livre au style exceptionnel?La plus que vive de Christian Bobin (Folio). L'auteur a une plume magnifique, par laquelle il saisit la beauté et la laideur du quotidien. En partant d'anecdotes, Bobin arrive à tous coups à me toucher, surtout dans ce roman, dans lequel il remonte au décès de sa mère.Un livre terrifiant?Le ciel de Bay City de Catherine Mavrikakis (Héliotrope). Autant pour le portrait des États-Unis que pour le personnage de l'adolescente haineuse, Amy. À la fois terrifiant, fabuleux et vrai.Un livre pour se coucher moins niaiseux?Ukraine à fragmentation de Frédérick Lavoie (La Peuplade). Un récit tiré du voyage du journaliste indépendant qui nous plonge dans la complexité de la situation en Ukraine depuis les manifestations de 2014. À la fois sensible et instructif!Un livre qui fait du bien?Si tu passes la rivière de Geneviève Damas (Livre de poche). Ce n'est pas vraiment un roman feel goodau sens propre, mais c'est un court récit tellement puissant, efficace dans son économie de mots, magnifique et cruel… c'est mon genre de feel good à moi!Profession libraireLA LECTRICE
Combien d’heures lis-tu par semaine?Environ 15 à 20 heures? C'est assez variable.Combien de livres lis-tu par mois?Le plus possible! Je dirais que la moyenne est normalement de 4, mais en période de rentrée littéraire, souvent, ça se triple!
Où lis-tu le plus souvent?Au salon ou sous la couette!Trois de tes auteurs fétiches?♦ Christian Bobin                         ♦ Yukio Mishima                       ♦ Réjean DucharmeTon plus récent coup de cœur?I love Dick de Chris Kraus (Flammarion). Pour la prémisse déjantée, pour la forme des plus originales, pour la traduction qui est superbe.Termines-tu un livre qui t'ennuie?C'est très rare. Il y a trop de choses à faire, trop de livres à lire!Un livre que tu pensais aimer, mais qui t'as profondément déçue?La balade d'Ali Baba, de Catherine Mavrikakis (Héliotrope).La rentrée littéraire arrive. Quels sont les cinq romans que tu veux absolument lire?♦ Le nouveau roman de la sino-canadienne Ying Chen, Blessures(Boréal), à paraître début octobre. C'est une auteure que j'affectionne beaucoup, pour l'univers étrange qu'elle a déployé sur plus d'une décennie. Ici, elle se renouvelle en nous ramenant dans sa Chine natale, pendant la révolution chinoise.♦ La faim blanche du finlandais Aki Ollikainen (La Peuplade), à paraître fin septembre. Le roman prend place dans les années 1866, lorsqu'une grande famine fait rage en Finlande. Une mère et ses deux enfants tenteront de se rendre à St-Petersbourg, afin d'y trouver nourriture et espoir.♦ The Girls d'Emma Cline (Quai Voltaire). Un roman dont je n'entends que du bien. Les années 60, en Californie. Un groupe de jeunes femmes vivant dans un ranch fascine la jeune Evie, mal dans sa peau et solitaire.♦ Petit pays de Gaël Faye (Grasset). Parce qu'il est pratiquement dans la liste de tous les prix français et que je n'ai jamais lu de livre d'auteur burundais.♦ Dans l'œil du Soleil de Deni Ellis Béchard (Alto). Ses deux romans précédents sont d'une écriture à la fois sublime, violente et sensible.Profession libraire

Je connais l'horaire de travail de Maud et je m'arrange toujours pour la voir lorsque je vais à la librairie. C'est un plaisir renouvelé et... de plus en plus fréquent, au grand malheur de mon porte-monnaie. Ses réponses m'inspirent et sa passion est contagieuse. Une grande jeune librairie, comme je les aime. Ah! Et en passant, elle a eu, comme moi, un coup de coeur pour Le poids de la neige de Christian Guay-Poliquin. Quand je disais que c'était un excellent roman...!

LIBRAIRIE DU QUARTIER1120, avenue CartierQuébec, Qc.

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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois