Le projet prend une nouvelle direction lorsque Matt découvre l’existence de Fabien et Christian, les cousins de Nel, clients assidus de l’établissement. Le premier, laissé à sa grand-mère par des parents partis chasser le papillon à Madagascar, était devenu une figure romantique incontournable d’Arles, régnant sur une cour prête à céder à tous ses caprices. Le second, taiseux, bagarreur, buveur, a sombré peu à peu dans la drogue. Deux enfants terribles, deux étoiles filantes aux trajectoires dramatiques, deux vies aussi brèves qu’intenses. A travers eux, Matt veut « raconter une époque, revisiter une certaine liberté, un joyeux je-m’en-foutisme qui avait un temps régné chez de nombreux hommes et femmes, pour le pire et le meilleur, à mille lieues de l’obsession contemporaine de la vie saine ».
Je ne connaissais pas Sylvain Prudhomme, j’ai découvert avec ce roman une plume délicate et ciselée portant des interrogations existentielles qui m’ont touché en plein cœur. Entre passé et présent, beaucoup d’échos et de correspondances mais aussi de particularités propres à chaque époque. Un texte touchant, d’une grande sensibilité, à la fois nostalgique et très actuel.
« Il avait pensé que la vie de chaque individu, regardée avec assez d’attention, de suffisamment près, racontait infailliblement l’époque à laquelle il avait vécu. Illustrait les espoirs et les peurs qu’avaient eu ses contemporains, la façon dont ils avaient aimé, fait la fête, eu des enfants, craint la mort. Été audacieux ou égoïstes, insouciants ou inquiets, tire-au-flanc ou bûcheurs, constants ou volages, joyeux ou moroses, enthousiastes ou désabusés ».
Légende de Sylvain Prudhomme. Gallimard (L’arbalète), 2016. 292 pages. 20,00 euros.