Interface, de M. T. Anderson (2003)

Un petit peu de science-fiction pour changer ? Allez hop !

Interface, de M. T. Anderson (2003)Enfin les vacances : Titus et sa bande d'amis partent pour un petit séjour... sur la lune. Là, ils sont victimes, avec leur nouvelle amie Violet, d'un hacker : l'homme spam leurs interfaces, petite puce insérée dans le cerveau dès le plus jeune âge. Désactivées pour leur propre sécurité, les jeunes vont devoir vivre sans cette interface (ce " feed " en V.O.) qui leur permet de tout savoir en temps réel (depuis les dernières soldes jusqu'aux séries à la mode) et à travers un flux incessant de publicités : c'est par ce biais qu'ils vivent et communiquent.

: un intéressant récit d'anticipation. Si le futur pré-apocalyptique décrit fait froid dans le dos, ce n'est pas tant pour la réflexion sous-jacente de ce que l'on pourrait devenir, mais de ce que l'on est déjà. En effet, être accro à la technologie et incapable de penser autrement de ce que nous présentent les médias, ce n'est pas futuriste, c'est maintenant. (Cela doit jouer aussi que le roman date de 2003 : il a déjà 13 ans et, mine de rien, notre interconnexion et notre rapport fusionnel aux réseaux sociaux n'ont fait que s'intensifier.)

Côté plus :
  1. Une vision réaliste (et effrayante) d'un usage de la technologie pour laver le cerveau des gens et manipuler les désirs grâce à une publicité si intrusive qu'elle en est devenue banale. Mais la technologie de ce monde du futur n'a pas que des mauvais côtés : on s'amuse à lire la description de boîtes de nuits sur la lune ou de voitures volantes ultra-rapides. Ça c'est chouette.
  2. Des personnages auxquels on peut s'identifier. L'un des points forts de cette histoire est ses personnages principaux : une bande d'adolescents un peu caricaturale, certes, mais dont chaque membre est identifiable dans le quotidien du lecteur. Ensemble, avec leurs défauts et leurs qualités, ils représentent la société et les travers de l'effet de groupe.
  3. Le personnage de Violet est très intéressant car elle est le regard extérieur sur la bande. On observe et comprend à travers ses yeux, bien plus que ceux du narrateur, Titus.

Côté moins :

    Titus est, à mon avis, le personnage le moins intéressant (et le moins bien incarné).
    1. Suiveur, il n'a pas vraiment d'avis sur tout ce qui lui arrive, même lorsque Violet est en danger ;
    2. J'ai eu beau essayer, impossible de m'attacher à ce personnage : malgré l'écriture à la première personne, il y a une telle distance entre ce qu'il ressent et ce qu'il décrit qu'il semble étranger au monde qui l'entoure (ou à lui-même ?). Pour moi, cette distance ressentie est probablement due à l'utilisation du passé simple avec cette première personne. Bien que nous ayons l'habitude de lire des textes au passé simple, ici il m'apparaît peu naturel à nos oreilles, la lecture devenant même artificielle. Ainsi, la construction du texte lui-même semble accompagner le thème de l'artificialité dans laquelle les " interfaces " nous plongent (ce qui est plutôt bien joué de la part de l'auteur, mais malgré tout perturbant à lire). La question est donc : effet original désiré par l'auteur, ou travers obligé de la traduction ? De mon côté, ça n'a pas accroché.
    3. Son prénom doit être cité à peine trois fois dans tout le livre (en comptant le résumé de 4e de couverture), et je dois avouer que je l'ai vite oublié : je me référais à " lui " ou " il " quand j'y pensais pendant ma lecture. Cela renforce cet effet de distanciation, crée une nouvelle barrière qui nous empêche de nous attacher ou nous identifier à lui : il pourrait être n'importe qui, représentant de " l'homme moyen " qui subit tout et qu'on oublie.
Interface, de M. T. Anderson (2003)

Finalement, cela prouve bien que le narrateur n'est ici qu'un fétu de paille dans l'histoire, balloté par des événements bien plus grands que lui.

En bref : un livre dont je conseille la lecture pour ses thèmes de :

  • dictature médiatique ;
  • condition humaine ;
  • difficulté de s'affirmer (à l'âge adolescent comme plus tard) en choisissant de ne pas suivre une mode ou un courant de pensée majoritaire.

En bref, sans être un excellent roman, c'est plutôt une bonne introduction à la

Bonne lecture,

Interface, de M. T. Anderson (2003)

Note de Lupiot (qui s'incruste comme un organisme parasitaire) : ce que Bloup nous raconte sur ce protagoniste inconsistant (ou plutôt bizarrement caractérisé), et un peu teubé, me rappelle le très étonnant roman Une planète dans la tête, chroniqué ici. Nous y avons aussi des thèmes forts, une dystopie déstabilisante et intéressante, qui pêche par son héros gamin et son langage vaguement inadapté au public visé.


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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois