Notre château

Notre châteauDepuis un moment, je vois partout ce roman sur la blogosphère et dans les librairies – souvent accompagné de bons mots de libraires. À la librairie Liber de New Richmond, lors de mes vacances en Gaspésie, j'ouvre le livre et tombe sur ce passage.Ma sœur et moi sommes hantés par les livres. Si nous avons décidé de nous retirer du monde, c'est pour lire, uniquement lire. Nous passons nos jours à cela, à lire et encore lire. Je me suis laissée tenter!Octave et Véra, un frère et sa sœur, vivent dans une grande maison, qu'ils appellent «Notre Château», héritée de leurs parents morts dans un accident de voiture.Depuis vingt ans, ils vivent à l'écart du monde comme un vieux couple, avec tout ce que ça implique..Véra est une lectrice insatiable, plus vorace que son frère. Lui, il doit se rendre en ville chaque jeudi pour acheter des livres à la librairie. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes jusqu'à ce qu'un grain de sable s'insère dans l'engrenage: jeudi le 31 mars, à 14 h 32, Octave croit apercevoir sa soeur dans le bus no 39. Comment ça se peut, ça? Véra ne sort jamais de la maison, et même si elle sortait, jamais elle ne prendrait le bus. À partir de ce moment, les visions se succèdent et l'univers d'Octave se met sérieusement à vaciller. Le frère et la sœur se chicanent, s'accusent. Le doute et le soupçon s'installent. Tout bascule. L'inquiétude monte crescendo. L'arrivée d'un troisième personnage fait encore augmenter l'angoisse d'un cran.Notre châteauNotre château appartient à la veine du roman gothique. Tous les ingrédients s'y trouvent: un château, un huis-clos, de l'inceste, une pincée de surnaturel et quelques gouttes de sang. Le roman gothique n'est pas mon truc. Mauvais public, je suis toujours restée insensible devant des rideaux rouges qui saignent. Un roman déconcertant pour moi, donc. J'imagine que les adeptes du genre se régaleront.Si, au départ, j'ai été hypnotisé par le style lancinant et répétitif d'Emmanuel Régniez, je me suis lassée au fur et à mesure que le récit progressait. Octave raconte, détaille, se répète, déraille. Je me suis rendue jusqu'au bout, voulant connaître le fin mot de l'histoire. J'ai bien fait! La chute est implacable: trois petites phrases qui viennent éclaircir l'ensemble, faisant frissonner. La dizaine de photos prises par le peintre et photographe américain Thomas Eakins, glissées à la fin du roman, ajoutent une touche de mystère supplémentaire. Si je conserve bien peu de chose de Notre Château, je retiens ce sublime passage.Une maison qui contient beaucoup de livres est une maison ouverte au monde, est une maison qui laisse entrer le monde. Chaque livre est un fragment du monde extérieur et, tel un puzzle, quand nous posons ensuite le livre dans les rayons de Notre Bibliothèque, nous recomposons le monde, un monde à notre image, à notre pensée.Comme quoi tout n'est pas perdu!

Notre Château,

Emmanuel Régniez, Le Tripode, 128 pages, 2016.Thomas Eakins

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Tous 2, le roman de Testu est philosophique et spirituel à la fois