Il faut tenter de vivre

Il faut tenter de vivre

Il faut tenter de vivre - Éric Faye

Édité chez Stock (2015)
Le narrateur, l’auteur lui-même, avait déjà entendu parler de Sandrine Broussard avant de la rencontrer lors d’une soirée. Il connaissait déjà beaucoup de choses sur elle, sur les arnaques aux petites annonces qu’elle organisait avec Julien, son compagnon du moment. Il savait qu’elle avait été en prison, qu’elle ne voulait plus y retourner. C’est pour cela que lorsque ça avait commencé à sentir le roussi, elle s’était exilée en Belgique, pour y vivre sous un autre nom, y attendre suffisamment longtemps que les faits délictueux soient prescrits.
Sandrine devait se tenir à carreau pendant cinq ans, après quoi elle pourrait réapparaître au grand jour sous sa véritable identité, avait certifié l’avocat. Le souvenir des six mois qu’elle avait passés en prison l’horrifiait. Plutôt mourir que d’y retourner. Elle ne voulait plus que de mauvaises rencontres l’attirent vers le fond. Dans ses cauchemars s’invitaient toujours, des années après, les femmes côtoyées à la prison de Loos. Ce monde-là existait, et le savoir accablait Sandrine. Avec ses arnaques sans grandes conséquences, sans violence, qu’avait-elle de commun avec la femme qui avait fait avaler du Destop à un retraité ? Avec celle qui avait tué son amant puis poussé le cadavre sous son lit, dans lequel elle avait dormi ensuite huit nuits avant d’être arrêtée ? Avec celle qui, un jour, avait posé ses bébés sur le feu ? (pages 91-92)
Pépito, comme le surnomme Sandrine lorsqu’ils se rencontrent, nous raconte la vie de la jeune femme, mais pas seulement cela. Il exprime aussi la fascination qu’elle exerce sur lui, parce qu’elle représente tout ce qu’il n’est pas, tout ce qu’il n’ose pas être. 
J’ai découvert Eric Faye avec Nagasaki, un roman que j’avais beaucoup aimé.
Ici, aussi, j’ai apprécié l’histoire où il nous emmène, inspirée d’une femme qu’il a réellement connue. Il l’évoque d’une façon très délicate, cette femme blessée par une enfance difficile, qui peine à trouver sa place dans la société, qui croit toujours avoir trouvé le filon qui lui permettra de gagner de l’argent facilement, au dépend des autres. Mais les choses ne tournent pas souvent en sa faveur et Sandrine est obligée de se cacher, d’abord sous des identités autres puis elle doit fuir pour préserver sa liberté. Eric Faye raconte l’exil avec pudeur, sans pathos et arrive à rendre son héroïne touchante, malgré ses dérives.
L'avis de Lili Galipette.
À visionner pour en savoir un peu plus sur ce roman et son auteur : ici et .
Écoutez la lecture d'un extrait par Alexandra Lemasson dans Des Mots de Minuit et par Éric Faye lui même sur France-Culture, dans l'émission Les Bonnes Feuilles.
Il faut tenter de vivre
Lecture n°8 pour le  challenge 1% Rentrée littéraire 2015.